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Billet de blog 21 octobre 2020

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Mediapart dépassé par l'évènement

L'éditorial de Carine Fouteau et Stéphane Alliès sur l'attentat de Conflans est un concentré de la posture d'une rédaction disqualifiée sur le sujet: mépris, déni, aveuglement, obsession... Rarement la rédaction de Mediapart n'avait été à ce point dépassé par un évènement.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

On attendait Plenel et on a Fouteau et Alliès. On n’est pas pour autant déçu.

Dès le premier paragraphe, les premiers de corvée procèdent au décentrement qui va innerver l’ensemble de l’éditorial : l’attentat est certes « effroyable », mais ce dont il faut parler c’est de ce qui est appelé, assez curieusement, « la panique » des autres. Les autres, c’est tout ce qui n’est pas Mediapart : les confrères des autres gazettes et évidemment le monde politique. On vérifie là que pour les journalistes de Mediapart, la nullité n’est pas l’apanage des élus, elle caractérise aussi à peu près tous leurs confrères.

Donc, si vous avez de la visibilité politique ou médiatique, en ce moment, vous êtes nécessairement dans la panique, l’indignation et l’outrance. Au passage, je ne comprendrai jamais l’incroyable boulard professionnel de la rédaction de Mediapart pour mépriser avec autant de constance et de ferveur tout ce qui se passe ailleurs, mais on a bien là son marqueur nodal.

Certes, dans le paragraphe suivant, on pourrait penser qu’en l’absence de Plenel, on va peut-être aborder des sujets tabous pour cette rédaction : on peut lire, vous ne rêvez pas, « l’intégrisme musulman », les « difficultés auxquelles est confrontée la République » (foulala !).

Les auteurs aimeraient rapidement passer à autre chose, mais se défaire du sparadrap d’une réalité encombrante n’est pas aisé. Les paragraphes 4 et 5 sont le morceau de bravoure de l’éditorial. Même si la présentation des faits passe finalement et discrètement à côté de l’essentiel.

Tout le monde sait que la réaction de la fille et de son père sont aujourd’hui banals sur l’ensemble du territoire. Leur rage signale en creux la profonde réussite de l’islam radical en France : leur est devenu insupportable le manquement à la loi qu’ils ont réussi à imposer par ailleurs et depuis longtemps. Et cette loi nouvelle, décrite par de très nombreux élèves, enseignants et autres corporations, chacun sait qu’elle est considérée comme un acquis et un confort par la majeure partie des Musulmans vivant en France.

Fouteau et Alliès n’endosse pas cette réalité bien entendu, et n’interroge pas plus son éventualité. On peut leur reconnaître toutefois, dans le paragraphe 5, d’effleurer (de loin tout de même) ce qui crève les yeux dans l’attentat de Conflans, et que chacun a pris en pleine figure et sait désormais nommer : une contrariété individuelle très banale d’une famille musulmane lambda a conduit à la décapitation d’un mécréant, en quelques jours, en pleine rue.

Dès lors, dans chaque foyer, se pose cette question : une simple querelle avec un musulman offensé peut mener très vite à la mort par exécution. Qu’en serait-il le cas échéant pour mes enfants à l’école, quand on voit au demeurant dans cette même affaire que des mineurs peuvent avoir été impliqués et non pas seulement manipulés ? D’ailleurs, on sait bien qu’on en est là, l’affaire Mila le prouve. Cette affaire qui constitue par excellence l’impensé de la rédaction de Mediapart. L’islamophilie (livresque) revendiquée à son sommet peut aveugler cette rédaction mais ne justifie en rien un tel déni journalistique.

Dans le langage de cette rédaction, la question viscérale d’être confrontée, pour un oui ou pour un non, à la mort violente s’appelle peut-être de la panique. Que cette question se pose avec force au sein du peuple n’intéresse en rien nos éditorialistes. Ils préfèrent en faire la supposée faiblesse des élites, pour mieux pratiquer l’exercice de dénigrement systématique des mêmes élites. Paresse intellectuelle qui permet de garantir la survie du déni de ce qui passe par la tête des gens simples, qui craignent qu’on la leur décolle là tout de suite ou demain.

Le reste de l’article, une fois tout cela évacué et la ligne éditoriale préservée, est un enchainement de dénonciations et de poncifs de la rédaction des génies du journalisme : on cogne sur ces abrutis d’occidentaux qui réagissent toujours mal depuis 2001, on cogne sur Macron car aucune pensée politique ne saurait s’exprimer sans le dénoncer lui en premier « que-tout-ce-qu’il-fait-c’est-pour-2022 », on s’auto-congratule en énumérant les formidables enquêtes des potos. Et on n’interroge jamais la réalité du projet politique mondialisé islamiste, largement soutenu par les ouailles.

Que faire ? Fouteau et Alliès n’en savent visiblement absolument rien, il faudrait lit-on « promouvoir un imaginaire alternatif ». On a presque honte pour eux de cette expression si dénuée de sens et si loin des gens. On n’ose imaginer le malaise pénible suscité par ce déni maladroit pour en arriver à la concevoir et se résoudre à l’écrire.

Pour essayer de savoir quoi faire, il faudrait déjà savoir ou essayer de comprendre ce que pensent les gens. Quand un sondage fait résonner l’écho inquiétant de la pensée des Musulmans vivant en France, notamment les plus jeunes d’entre eux, par rapport à la République et ses lois, il est moqué et nié, même si Mediapart n’a pas le monopole d’un lynchage médiatique récent en la matière. Quand il s’agit de peser la réaction mécanique des non Musulmans face à l’évènement – si je ne me soumets pas, je risque la mort par exécution dans d’atroces souffrances en bas de chez moi ­ Mediapart préfère parler de Macron, des dictatures du Golfe ou de l’imaginaire alternatif.

C’est dire si, toute honte bue, Mediapart est dépassé par l’évènement.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.