Le moment Mélenchon est-il terminé ?
Il fut effectivement le bruit et la fureur de nombreuses personnes qui, à gauche, ont été exaspérées par le poids quotidien du sarkozysme depuis cinq ans. Il fut effectivement un cri de cette section du peuple.
En cela, il est d’ailleurs un avatar du sarkozysme. Qui ne voit pas que dans cette campagne l’un ne marche pas sans l’autre désormais. Les égards sont assumés du côté UMP pour le leader du Front de gauche. Celui-ci ne peut nier qu’il préfère s’en prendre à François Hollande et participer à un combat de catch avec Marine le Pen. On le comprend bien. L’avenir politique du Front de gauche serait beaucoup plus prometteur si Sarkozy l’emportait, c’est indéniable…
Mais cette connivence politique entre le pouvoir et l’équipe Mélenchon n’a pas uniquement sa source dans une évaluation des intérêts objectifs des uns et des autres à termes court (pour Sarkozy) et moyen (pour Mélenchon). Chacun voit bien la ressemblance de style entre les deux candidats ; grande gueule, proximité avec la violence verbale, prédilection pour la formule choc et médiatique. Pour le dire autrement, nous avons deux adeptes du concours de zizi à la cour de récré, qui reniflent, par exemple, la timidité ou l’indécision d’un premier de la classe (au demeurant pourquoi ne pas se faire plaisir en castagnant, tout en protégeant ainsi son statut de gros bras des bacs à sable ?). Ce n’est pas sans efficacité dans le cadre d’un scrutin uninominal, pour lequel il n’est pas de campagne sans cogner… On note aussi que le moment populiste que nous vivons depuis un moins dans cette campagne a grandement profité à l’un et l’autre des deux impétrants.
Cette proximité s’observe parfois jusqu’aux idées : Mélenchon avait très clairement salué les propositions de Sarkozy concernant Shengen et le protectionnisme, consistant à dire à nos partenaires européens : « soit ça change comme on veut, soit on s’en va ». L’accord n’était peut-être que de méthode, il est vrai ; uniquement sur le fait de se comporter à leur égard en se roulant par terre en menaçant d’arrêter de respirer. Les explications de Mélenchon n’ont pas été complètement claires sur ces sujets.
Un succès indéniable de Mélenchon dans cette campagne fut de rendre jusqu’ici sans objet les questions sur la crédibilité de son programme, invalidées qu’elle serait à la source parce que serait mis en branle un changement complet de paradigme socio-économique : rien de moins que la mise en œuvre d’une « vraie-politique-de-gauche ». C’est par ce tour de passe-passe simple mais efficace que Mélenchon peut ainsi défendre, sans ciller, son programme open bar, qui promet de surcroît 100 balles et un Mars à quiconque en ferait la demander au guichet D comme démagogie. Le programme Mélenchon, c’est s’abstraire de toutes contraintes et dire « tournée générale d’argent public ». Quel régal de s’empiffrer ainsi gratuitement de toutes les lunes rouges possibles et imaginables !
J’ai le sentiment que l’incurie de ces « propositions » et l’alliance objective Sarkozy-Mélenchon sont sur le point désormais d’être bien visibles des électeurs. Que ce moment de facilité, s’il fut jouissif jusqu’à reprendre la Bastille, est terminé. S’il est réellement fait place à l’intelligence du peuple dans les trois semaines qui viennent, le moment Mélenchon touchera alors à sa fin.
C’est une des conditions d’ailleurs d’une réelle rupture avec le sarkozysme, dont l’un des fondements est la liberté prise avec la vérité, la cohérence et les réalités. Nul besoin de cette « liberté » là pour être ambitieux.