Après la figure tutélaire maternelle dans Si loin si proche (2017), il en va cette fois du père pour compléter le diptyque parental d'Abdel Sefsaf, monumentale aspiration que parachève ce pyrée dont l'orchestration pourrait être le maître-mot.
Navigant du bled au hood au son du oud et du scat, la prose syncrétique de cette œuvre de théâtre musicale et audiovisuelle pérégrine de la sorte à la poursuite de la valise paternelle, relique d'un manœuvre intellectuel « portant le monde sur ses épaules ». Cet Atlas kabyle ayant appris l'arabe dans les madrassas du nord-est de l'Algérie colonisée passera par Sétif avant de parcourir la France, de Saint-Étienne au Gard et inversement, avec une escale en Moselle et quelques vacances en famille à Oran.
Parti seul à l'origine, il apprendra le français dans les foyers de jeunes travailleurs d'origine étrangère, la consommation de masse, des épiceries à l'essor des grandes surfaces, et puis l'amitié, comme celles de Mohamed et de Mohend avec qui il connaîtra notamment débrouillardise, solidarité et banlieue, « un endroit où on enferme nos cauchemars et où on projette nos fantasmes ».
Les leurs, King Kong quelques fois les leur rappellera. D'ailleurs – sans trop en dire pour ne pas dévoiler tous les mystères de l'œuvre – quelques courts-métrages y évoquant tantôt le djihez de sa future épouse, Soraya, tantôt l'envol pour la France et l'exil stéphanois, agrémentent le spectacle de notes monochromes qui sont bigarrées ci et là des teintes chatoyantes de toniques jeux de lumière, des bleus de travail des chibanis, des robes de la umm, des survêtements fluorescents des enfants et des tapisseries psychédéliques de leur appartement. Un régal visuel que renforce bien souvent l'intensité émotionnelle des chansons jouées par le groupe.
En effet, accompagné sur le plateau avec grâce par ses camarades multi-instrumentistes virtuoses, Sefsaf alterne aisément entre swing, psalmodie et nazm, passant au gré des séquences narratives d'une mue à l'autre sans perdre le tempo des divers accents toniques correspondants ; une belle réussite pour une prouesse qui aboutit suite à un travail d'orfèvres.
ULYSSE DE TAOURIRT
Tournée 2022-2023 : le 24 septembre 2022 au Centre culturel de la Ricamarie (42) ; les 8 et 9 novembre 2022 au Théâtre de Villefranche (69) ; le 1er avril 2023 à La Nacelle d’Aubergenville (78) ; le 14 avril 2023 à l’Espace 93 de Clichy-sous-Bois (93) ; les 3 et 4 mai 2023 au centre culturel Aragon d’Oyonnax (01) ; le 11 mai 2023 au théâtre du Bordeaux Saint-Genis-Pouilly (01) ; le 23 mai 2023 à l’Espace Culturel des Corbières de Ferrals les Corbières (11)
Écriture et mise en scène : Abdelwaheb Sefsaf ; Création, régie lumière et vidéo : Alexandre Juzdzewski ; Son : Pierrick Arnaud ; Régie générale et plateau : Guillaume Ponroy ; Interprètes : Abdelwaheb Sefsaf, Antony Gatta, Malik Richeux, Clément Faure ; Musique : Aligator ; Chant, hang, percussions Abdelwaheb Sefsaf ; Claviers, live machine, chœurs : Georges Baux ; Oud, guitare, banjolino, chant, live machine, chœurs : Clément Faure ; Batterie, percussions, chœurs : Antony Gatta ; Piano, violon, accordéon, guitare, chœurs : Malik Richeux ; Direction musicale : George Baux ; Collaboration à la mise en scène et à la dramaturgie : Marion Guerrero ; Scénographie : Souad Sefsaf, Lina Djellalil ; Design graphique : Lina Djellalil ; Diffusion : Houria Djellalil ; Production : Compagnie Nomade in France, avec le soutien de l’Office National de diffusion artistique (ONDA) ; Co-production : Théâtre de la Croix-Rousse, le Sémaphore (de Cébazat), Théâtre de Privas, Ville de Ferney-Voltaire, Théâtre des Sources ; Conventionnements : la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes, la Région ARA, le département de la Loire et la Ville de Saint Etienne ; avec le soutien de la SPEDIDAM, du Centre National de la Musique (CNM) et du Groupe des 20 scènes publiques ARA.
1h20
07.07.2022 → 29.07.2022 (16h25)
Théâtre 11