La sonnerie de la pause n'a pas encore retenti que Solange rencontre déjà son public au milieu des vestiges des ateliers de confection BRIL. Dans cette usine orléanaise du quai du Roi dont la moitié du chiffre d'affaires provenait de la griffe Pierre Cardin, la quasi totalité des travailleurs étaient des travailleuses au moment du dépôt de bilan, en 1979.
Dans ce souvenir où plus de 300 femmes détiennent le savoir-faire mais où seuls quelques hommes possèdent à la fois les machines et le capital, Solange revoit Marie-Thérèse, « la catho », et Sylvie, « la coco ». Toutes deux sont à la CGT et prennent part à l'occupation des lieux, mobilisation qui évoluera peu à peu vers l'ébauche d'un projet d'autogestion.
Au début, nous raconte Solange, des dizaines d'ouvrières se relayent nuit et jour pour occuper les ateliers et préserver les machines et les lainages. « Dans le stock de tissu, au dépôt de bilan, il y avait de quoi fabriquer cinquante-six mille costumes » confiait d'ailleurs Monique, responsable CGT, au journal Le Monde, le 26 mars 1981.
Puis Solange nous plonge ensuite dans l'ambiance joyeuse des premiers bals organisés dans l'enceinte de l'usine, peu après sa fermeture officielle. On y comprend comment elles décident alors, avec opiniâtreté, de faire les choses à l’envers et de rebondir avec une nouvelle marque – LIBR – produite en société coopérative ouvrière de production (Scop).
Dans l’attente d’un repreneur, le bruit des machines repart et Solange, Marie-Christine, Sylvie, Marie-Thérèse et les autres s'activent, se forment à de nouvelles tâches avec l'envie d'être au cœur de la maîtrise de la ligne de production et de vente. Elles occupent le terrain, se manifestent, vont au tribunal, organisent des défilés et agitent le chiffon rouge de la liberté.
C'est toute cette ténacité, cette solidarité et cette volonté d’en découdre avec le marché du luxe que Céline Larrigaldie retransmet dans cette pièce. La juste reconstitution des luttes et des vies personnelles racontées est d'ailleurs autant l'aboutissement du travail d'écriture de Jean-pierre Thiercelin que des heures d’entretiens qu'elle a elle-même menés auprès de ces couturières dont elle raconte l'émancipation, mais la vraie réussite de l’œuvre réside surtout dans sa faculté à les animer et à leur donner corps tout en s'eclipsant assez pour montrer sur scène ce cadre « où nait la confiance, là où l’humain se construit » (Les Invisibles, Gégard Mordillat).
LIBR’
Idée originale, conduite de projet et interprète : Céline Larrigaldie ; Écriture : Jean-pierre Thiercelin ; Mise en scène : Isabelle Starkier ; Régie et accordéon : Emmanuel Delaire ; Production : Compagnie Poupette et Cie ; Co-production : Ville de Saran ; Avec l’aimable participation de Gérard Mordillat et le soutien de la ville d’Orléans, des communes de Darvoy, Sandillon, Jargeau, du Conseil départemental du Loiret et de la Région Centre Val de Loire.
1h20
19.07.2022 → 28.07.2022 (16h)
Centre culturel des cheminots, Théâtre de la Rotonde