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Billet de blog 28 décembre 2024

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L’effacement culturel du peuple palestinien

Lu Cour Maria Casarès (Avignon), le 27 décembre 2024, lors du 11ème rassemblement du « collectif Cessez-le-feu 84 pour une paix juste et durable en Palestine ».

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Depuis le lendemain du 7 octobre 2023 et en l’absence d’un cessez-le-feu, plus de 45 000 Palestinien·nes ont perdu la vie. Dans toute la bande de Gaza, environ deux millions de personnes ont été contraintes de se déplacer pour échapper aux bombardements. Elles survivent à des privations en tous genres : plus d’électricité, plus de médicaments, plus de nourriture, d’eau, de sanitaires. Des commerces, des mosquées, des écoles, des universités, des hôpitaux, des cimetières ont été détruits. Selon l’Agence de l’ONU pour les réfugié·es palestinien·es (UNRWA), Gaza compte « le plus grand nombre d’enfants amputés par habitant au monde ».

Cependant, malgré l’ampleur des besoins humanitaires, le gouvernement israélien d’extrême droite refuse toujours, par dizaines, les demandes d’accès à l’enclave palestinienne des réseaux humanitaires. Pour exemple, entre les 18 et 22 décembre, seules deux des huit missions humanitaires demandées par les Nations Unies ont pu accéder au gouvernorat de Gaza Nord, alors que des milliers de personnes font la queue pendant des heures pour obtenir de quoi satisfaire leurs besoins essentiels, de la nourriture, de l’eau. 

Ces bombardements et meurtres de populations civiles, − parfois de nuit comme on l’a déjà constaté −, ces déplacements forcés, ces privations de nourriture, d’eau et d’accès aux soins, aux sanitaires, sont autant d’éléments qui prouvent que la destruction de la population de Gaza par l’armée israélienne est bien l’objectif des autorités israéliennes, à court ou moyen terme… qu’il y a génocide, comme le démontre le rapport remis à la Cour internationale de justice par Amnesty International le 5 décembre. Également remis à la France, ce rapport « replace ces 
agissements dans le contexte […] d’apartheid imposé […] à Gaza, en Cisjordanie […] et en Israël » mais aussi dans celui de l’appropriation et de la destruction de la moitié des terrains agricoles, surtout des oliveraies et des orangeraies, qui menacent un approvisionnement alimentaire limité, donc dépendant de l’extérieur, alors que l’autonomie alimentaire est justement au cœur des besoins fondamentaux des peuples pour continuer d’exister.

Comme le rappelle le Forum palestinien de l'agro-écologie en Cisjordanie, la souveraineté alimentaire de la Palestine est une des clés de son émancipation et la raison pour laquelle chaque paysan‧ne qui le peut affronte autant que faire se peut les agressions, les confiscations de terres imposées par les colons israéliens. Comment ne pas avoir une pensée pour cette paysannerie qui souffre, alors que dans le nord de la Cisjordanie la saison des olives touche à sa fin et que plus d'un demi-million d'oliviers qui auraient dû être plantés cet hiver ont été détruits au bulldozer par l’armée israélienne et les colons ? 

Illustration 1
Rassemblement du « collectif Cessez-le-feu 84 pour une paix juste et durable en Palestine » (Avignon, 27/12/2024)

Pour nous c’est là un symbole-même de l’effacement de la culture palestinienne, de l’œuvre d’un projet colonial, qui non seulement exclut, chasse les êtres vivants du présent, mais aussi les efface de l’histoire passée et future de leur terre.

Les Palestinien·nes sont là déraciné·es d’une carte sur laquelle la marque de leur présence narrative peu à peu s’estompe, disparaît. Après la destruction totale et l’effacement de la carte de plus de 500 villages palestiniens à l’occasion de la Nakba en 1948-1949, ce sont au moins 800 000 oliviers environ qui, depuis 1967, « ont été déracinés, brûlés ou détruits par les autorités ou des colons israéliens ».

Par ailleurs, depuis l’occupation militaire israélienne de la Cisjordanie, des colons volent les oliviers palestiniens et les transfèrent pour les replanter dans les colonies et les grandes villes israéliennes, signe que lorsqu’il est impossible d’effacer des symboles palestiniens comme l’olivier, on tente de se les approprier : c’est par exemple cette « route de l’olivier » qui a été créée en 2002 pour les touristes attiré·es par d’anciens pressoirs et hauts lieux de l’oléiculture, mensongèrement présentés comme israéliens.  

Cette volonté d’effacer l’existence des Palestinien·nes, y compris par la spoliation de leur héritage patrimonial et culturel, d’annihiler leur mémoire, se manifeste jusque dans les livres de cuisine, où les falafels et le houmous sont par exemple présentés comme des plats typiques israéliens, au détriment de la légitimité du répertoire culinaire autochtone.  

C’est une politique de dépossession et de destruction du patrimoine qui est à l’œuvre. Les Palestinien·nes mènent aussi un combat existentiel pour rester un peuple, à travers l’expression culturelle qui est une des conditions de l’existence humaine. 

Carol Alarcón, Lenka Bokova et Sylvain Nandan

ALTERNATIVE SILENCE - Le Trio Joubran - Video Clip © Le Trio Joubran

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