Sylvain Nandan (avatar)

Sylvain Nandan

Enseignant TZR (CLG/LPO)

Abonné·e de Mediapart

41 Billets

3 Éditions

Billet de blog 31 décembre 2021

Sylvain Nandan (avatar)

Sylvain Nandan

Enseignant TZR (CLG/LPO)

Abonné·e de Mediapart

Un canot sur l'Evros

Les mots précis prennent un peu sens face à ça mais le sablier n’attend pas, tel ce moine à Lhassa qui s’immole, lassé, esseulé, délaissé et qui sait quoi comprendre, à force d’essayer.

Sylvain Nandan (avatar)

Sylvain Nandan

Enseignant TZR (CLG/LPO)

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le printemps au large, un croque-mort prie. 
Sa vie et les barges flottent comme les morts. 
Il apparaît ébahi à la vision des corps, 
Dont l’âme est partie sans avoir vagi. 

Ces quelques clandestins sans destin ni visa  
Ont péri s’étouffant dans la mer, leur tombeau. 
Des trombes d’eau tombaient, dézinguant leur bateau. 
Le libeccio sifflait fort sur leurs visages. 

Déserteurs d’un conflit, fugitifs dans l’oubli, 
Les accords de Schengen n’élaborent rien pour eux. 
Si ce n’est le brouillard. Les mafias les dépouillent. 

Et l’UE s’évertue à tuer le sujet, 
Allouant des budgets ; débats perpétués. 
Silence, la guerre se poursuit. 


Quels sons pour être clair, éclaircies, dépressions, 
Suggestions ? Leur gestion amène des questions. 
Le regard nuageux, l’écrit trotte, décrypte 
Le blizzard au large : ces croque-morts prient peu. 

La vie est marchandise, les barges flottent comme les morts, 
Le miracle en option, mirages élargis, 
Nous aussi ébahis à la vision des corps 
Avachis qui sont morts sans même avoir vagi. 

Une image : ils sont trente, sous le pont, leur tombeau. 
Des trombes d’eau tombent, dézinguant le bateau. 
Otages du libeccio, criards zigzaguant, 
 

Clandestins sans destin, ni visa, ni visage. 
Recruté via Skype, le skipper pleure de peur 
A la barre du navire. A bâbord est la mort. 


Les accords de Schengen n’élaborent rien pour eux
Si ce n’est le brouillard ; les mafias les dépouillent. 
L’art amer est peu pour les galères migrantes 
Amarrées, à l’arrêt, à l’espoir hésitant, 

Agacées que l’Europe les croie fascinées 
Par son or alors qu’elles cheminent déracinées. 
Déserteur d’un conflit, fugitif dans l’oubli, 
Pour l’argent et par peur car la guerre s’y poursuit 

J'ai fui mon pays, la faillite, la famine, 
Pour sauver ma famille, demander leur asile ; 
Droit civil à l’accès limité en Afrique, 

En Asie, ce qui crée l’illégal trafic. 
La tactique de l’U-E ? c’est tuer le sujet, 
Allouant des budgets, débats perpétués. 


Entre-temps des migrant·es d’Érythrée s’entretuent 
Pour pouvoir échapper d’un petit chalutier. 
Quel chahut, les bailleurs applaudissent, puis c’est 
Des milliers à gagner,  du cash dans l’épuisette ! 

Peu importe qu’ils périssent épuisés pour ces fous, 
Trafiquants d’hommes, de femmes et d’enfants à bas coûts. 
La ressource exploitable au prix d’une basse besogne, 
Intérêts à la clé si quelqu’un réceptionne, 

« Dépêchons ! » — songent pêcheurs et passeurs sans vergogne, 
Comme un Turc revendeur à distance de personnes
Qui se sent respecté par les gens concernés
Mais aussi recherché par les autorités

Et peu lui importe, il inonde Istanbul 
D’immigré·es qui arrivent de Mossoul ou Kaboul. 
Leur transit se fait dans une vieille usine, 
À bas prix, les tarifs varient peu depuis Smyrne, 

Ce pourquoi la demande jamais ne se tarit, 
En face c’est la Grèce, presque le Paradis. 


Combien de crapules après l’académie 
Navale travaillent le long du littoral ? 

Des syllabes tissent ensemble un essaim de sang d’encre, 
Distillé dans le vent par ces cœurs échancrés. 
Les mots précis prennent un peu sens face à ça 
Mais sablier n’attend pas, tel ce moine à Lhassa 
Qui s’immole car lassé, esseulé, délaissé, 
Et qui sait quoi comprendre, à force d’essayer ? 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.