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Billet de blog 13 avril 2015

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Il était une fois...ma mère

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Tu sais bien que tout cela n'a aucun sens. Que depuis 1 an, tu dois te faire à l'idée. Seulement voilà, c'est facile à dire...

Un certain soir d'avril, quand tu l'appelles pour prendre des nouvelles, elle te dit que le traitement n'est plus efficace et que tout risque d'aller très vite. Alors tu t'accroches à cette illusion d'énergie qu'elle dispense par ses réflexions, ses visions de la vie. Elle essaie bien de te dire que c'est bientôt la fin, et toi, par pudeur ou pour ne pas voir la réalité en face, tu lui dis qu'elle nous enterrera tous.

Et pourtant, tous les jours, tu l'appelles, tu t'inquiètes. Vous parlez de tout et de rien. Elle trouve même l'énergie nécessaire pour ronchonner... Va-t-elle un peu mieux? Est-ce le mieux avant la fin? Tu lui dis que tu viendras la voir samedi, pendant tes repos. C'est vrai que les 400 km qui vous séparent ne sont pas  propices aux visites rapprochées.


Et puis, tu appelles le médecin du service et tu lui demandes comment évolue la maladie, puisqu'elle semble vouloir t'épargner, toi, son fils unique, son "fils préféré", comme elle te disait souvent. Tu informes l'équipe que tu comptes aller lui rendre visite le samedi à venir. On te répond qu'il n'y a que très peu de chances qu'elle "tienne jusqu'à samedi".

Coup de fil à son frère et sa sœur. Tu leur demandes de te rejoindre à la clinique et les informes que c'est bientôt la fin. Tu leur dis que tu pars dès le lendemain matin. Puis, finalement, tu décides de partir à 21 heures. Ta compagne à tes côtés, tu conduis 4 heures durant, sans t'arrêter et tu arrives dans cette chambre impersonnelle, où traînent quelques effets. Un netbook, un téléphone, des lunettes et quelques babioles de femme coquette.

Elle est sur son lit. Un masque à haute concentration l'aide à respirer (10 litres d'oxygène par minutes). Une respiration abdominale. Elle n'a plus mal... Un puissant sédatif l'aide à tenir, tout en restant éveillée. Elle ne peut plus bouger, mais elle est là. Tu lui prends la main, tu lui parles. Elle hausse les sourcils pour te montrer qu'elle comprend, qu'elle est consciente. Tu l'embrasses, tu lui caresses le visage. Tu lui parles de son frère, de sa sœur et de ses "amis" de la blogosphère. Tu sens qu'elle apprécie ce moment.

Après 5 longues heures, elle ouvre grand les yeux et ses sourcils se soulèvent 3 fois de suite. Un larme roule sur sa joue gauche. Sa respiration devient moins saccadée. Les inspirations sont de plus en plus espacées jusqu'à l'instant d'une dernière expiration. Il te faut quelques secondes pour réaliser que la vie a quitté le corps de ta mère...

Illustration 1

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