Dans un monde où tout tourne autour de l'image, des évènements tragiques comme ceux du 13 Novembre deviennent l'objet d'une quête. Autrefois, les passants passaient et les badauds s'agglutinaient. De nos jours, le réflexe du promeneur est de dégainer son smartphone pour immortaliser LA scène et en inonder les réseaux sociaux, banalisant ainsi des situations d'exception dépouillées de la puissance des sentiments qu'elles procurent.
L'image, prétexte pour afficher une posture compassionnelle, devient alors une entrave à la pensée sereine. Les rouages de la réflexion s'en trouvent grippés, bloqués par ce réflexe indécent du mitraillage photo et vidéo.
À l'instar des concerts, où une forêt de smartphones s'élève pour capturer les instants et pervertir les sensations normalement éprouvées dans ces moments précieux partagés avec nos "idoles", les émotions se figent et une armée d'automates se met en route vers le même objectif: l'indispensable "scoop" qui exposera sous les feux de la rampe les égos démesurés d'un pan entier d'une population sous hypnose.
S'il est assurément humain d'avoir le profond désir de se démarquer (pour cela, l'appropriation de l'instant est un bon moyen d'exhiber son individualité) "l'animal raisonnable" que je suis ne doit-il pas pour autant s'arrêter un instant et chercher à contenir ses pulsions narcissiques? Imaginer (concevoir dans son esprit l'image de...) plutôt que voir, est à mon sens, une nécessité pour se prémunir contre la submersion de résurgences anxiogènes.
Les perpétuelles convulsions "iconolâtriques" envahissent les consciences et deviennent les socles d'une pensée corrompue...