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Sylvie Laroche - Spécialiste du secteur de médical, ancienne directrice de l'armee du salut au Havre

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Billet de blog 12 décembre 2019

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Secteur social et médico-social : les différentes formes de coopération

A l’heure actuelle, le secteur social et médico-social fait face à de profondes mutations et à une nouvelle régulation, le contexte politique incite fortement à la restructuration du secteur par le biais de contractualisation et de coopération et va s’accentuer avec la mise en place de CPOM avant 2023.

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Illustration 1

PTA : Les plateformes territoriales d’appui

La loi 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation du système de sécurité inscrit, dans son article 74, la mise en place de PTA.

Les PTA ont pour origine un double constat :

  • Besoin d’appui pour les professionnels de santé afin d’accompagner les patients en situation complexe
  • Offre d’appui à la coordination, bien qu’existante et riche, reste peu lisible et segmentée
  • Manque de cohérence entre les structures en termes de missions partagées

Les enjeux de développement des PTA :

  • Meilleure intégration et lisibilité pour les professionnels : les PTA doivent apporter une réponse harmonisée et adaptée aux besoins des médecins et des patients par l’intégration de l’ensemble des structures sanitaires, sociales et médico-sociales.
  • Favoriser la cohérence des dispositifs existants :

Trois missions sont définies pour les PTA par l’article D6327-1 du code de la santé publique :

  • Informer et orienter les professionnels de santé vers les ressources sanitaires sociales et médico-sociales du territoire. Cette mission implique une bonne connaissance du territoire et des ressources disponibles. Le diagnostic territorial s’appuiera sur ceux effectués par les acteurs du terrain et sera complété par le porteur de la PTA (fonction observatoire)
  • Appuyer à l’organisation des parcours complexes par :
    • Une évaluation multidimensionnelle des besoins
    • Organisation du parcours via le Plan Personnalisé de Soins (PPS) et une programmation coordonnée des interventions
    • Eviter les ré-hospitalisations, faciliter la sortie de l’hôpital dès l’entrée, favoriser le maintien à domicile
  • Soutenir les pratiques et initiatives professionnels par une diffusion d’outils pour le repérage et l’évaluation des situations complexes, par la diffusion des bonnes pratiques, par la connaissance des rôles et fonctions de chaque acteur et par les réunions de concertations pluridisciplinaires.

 Le public concerné

La PTA intervient à la demande d’un professionnel de santé, lorsqu’il se trouve en difficulté face à une situation complexe qui dépasse ses compétences. Le recours à la PTA est déclenché par le médecin en accord avec le médecin traitant.

La PTA a pour objectif d’améliorer la qualité et l’efficience des parcours complexes des patients, sans distinction d’âge, de pathologie ou de handicap. Il s’agit de prévoir un parcours adapté aux besoins de la personne.

Mise en place des PTA à partir d’appel à projet soumis et validé par l’ARS

Chaque PTA est équipé d’un système d’information unique partagé et accessible à chaque acteur de la PTA. Une évaluation annuelle des PTA est mise en place par l’ARS avec les acteurs professionnels et les usagers. Cette évaluation est transmise au conseil territorial de santé.

En conclusion, les PTA ne constituent pas un acteur supplémentaire sur le territoire, elles mettent en cohérence les dispositifs existants dans une logique de missions partagées, proposent un guichet unique, permettent la continuité de soins et créent un observatoire territorial.

GCSMS 

Le principe d’une coopération sociale et médico-sociale n’est pas nouveau. En effet, il figurait déjà dans la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales mais était peu exploité.

La loi du 02 janvier 2002 a souhaité redynamiser la coopération entre les différents intervenants de l’action sociale et médico-sociale.

Elle pose l’objectif global de favoriser les coordinations, la complémentarité, garantir la continuité d’accompagnement, et s’ajuste à des « modalités ouvertes » (fusion, GCSMS, groupement de coopération…)

La loi n’était pas explicite sur le statut juridique de ces modes de coopération. Le décret 2006 -43 d’avril 2006 pose les structures juridiques possibles et définit le GCSMS :

  • Les GCSMS peuvent acquérir une personnalité morale soit de droit public ou de droit privé. Il peut, comme tout organisme, ester en justice, gérer, embaucher, passer contrat…

Le décret présente l’avantage de présenter des perspectives originales :

  • Exercer directement des actions sociales ou médico-sociales
  • Créer, gérer des équipements ou services d’intérêt commun, ou des systèmes d’informations nécessaires à leurs activités
  • Faciliter les actions concourant à l’évaluation de l’activité et la qualité des prestations
  • Définir ou proposer des actions de formation pour le personnel

A l’époque, le secteur médico-social n’a pas mesuré la portée évidente de ce décret : monter un siège social, créer un établissement expérimental, créer un service commun à plusieurs établissements, créer un dispositif de formation partagé entre différentes structures, mutualiser des outils…

Il s’agit de trouver des outils pour sortir du vase clos « action/professionnels » pour produire du travail social, bien au-delà des travailleurs sociaux, d’assumer une fonction ouverte, de conquérir des espaces et des actions.

Le GCSMS est avant tout un support : il donne du corps et de la permanence à des liens, permettant d’assoir et de financer des initiatives, des réponses nouvelles, des projets expérimentaux.

 Les missions

Le GCSMS peut permettre :

  • D’exercer ensemble des activités médico-sociales
  • Mutualiser les moyens logistiques et humains
  • Reposer sur la complémentarité et les ressources des différents établissements
  • Maintenir ou améliorer la qualité des prestations
  • Etre moteur dans l’approche prospective des besoins d’un territoire
  • Réaffirmer « l’esprit associatif et être une force associative
  • Répondre aux demandes des financeurs, voir les anticiper
  • Assurer la pérennité des structures.

La création d’un GCSMS s’effectue par la mise en place d’une convention qui est l’acte essentiel.

La convention pose obligatoirement la dénomination, le siège du GCSMS, l’identité des membres, la nature juridique la durée, l’apport financier ou pas des membres, son administrateur.

Le GCSMS repose sur une organisation souple et réduite. L’assemblée générale élit un administrateur pour 3 ans et vote pour la constitution du bureau. Par la suite, la convention est soumise à l’approbation du Préfet. Le rôle de l’Etat n’est pas de se substituer au GCSMS mais de contrôler si la convention est conforme aux termes de décret.

Le décret du 6 avril 2006 permet aussi de passer des conventions de coopération avec le secteur sanitaire.

Dans le secteur médico-social, le GCSMS est une volonté de stratégie qui décide de la participation à la création. C’est un premier pas vers le décloisonnement, et permet le rassemblement de tous. Par exemple, on peut avoir une convention entre un hôpital et un CHRS pour donner suite à une hospitalisation.

Les obligations de chacune des parties ne sont pas les mêmes. Cela doit être clairement défini car dans un GCSMS, il n’y a pas de places pour l’approximatif, source de litiges et de différents à venir.

 Les fondamentaux

La coopération ne fonctionne pas toujours sans heurts tant elle renvoie à la capacité des uns à travailler avec les autres.

Si nous laissons les problèmes envahir le champ de la coopération, celle-ci peut devenir un obstacle et non plus une opportunité. Diverses conclusions sont ainsi à la base de succès de toute coopération, et souvent de ce fait la constitution d’une évaluation. Le GCSMS doit être en capacité de mettre en place des processus collaboratifs. Les membres ne doivent pas intégrer un groupement pour travailler cote à cote mais bien pour construire en commun des processus.

La question de l’évaluation du CGSMS est abordée en référence à 3 éléments fondateurs et indissociables du groupement :

  • Les valeurs qui sous-tendent la coopération. On évaluera l’équilibre entre le partage de valeurs communes et le maintien d’une autonomie et d’une souveraineté
  • Le projet à travers les objectifs et finalités. L’évaluation portera sur l’effet fédérateur du projet et son adaptabilité au regard des évolutions possibles
  • L’organisation mise en place à travers les moyens mobilisés. Il s’agit d’évaluer la mesure des règles collectives nécessaires à une coopération respectueuse. L’évaluation portera également sur les effets de l’organisation sur le décloisonnement et la transversalité.

Illustration territoriale

  • SIAO 76

Je vais l’illustrer par le SIAO 76 :

Afin de fluidifier le parcours des personnes sans abri, la stratégie nationale 2009-2012, propose la mise en place des services intégrés de l’accueil et de l’orientation pour chaque département lancé par circulaire en avril 2010. Le SIAO s’est décliné concrètement en 2010-2014. Ils ont commencé un travail de régulation de l’offre et de la demande.

Dans un premier temps, ils ont surtout géré les places CHRS et urgences gérées par le 115 ; et se sont peu préoccupés des dispositifs logement (maison relais, IML, logement…)

De plus les SIAO ont une fonction d’orientation mais ne suivent pas les ménages jusqu’à l’accès au logement. En 2014, la loi Alur inscrit le SIAO dans le CASF et tente d’éclaircir ses missions :

  • 1 seul SIAO par département fusionnant urgence et insertion
  • Recensement places en centre d'hébergement mais aussi logement, résidence sociale, ALT, IML

La mise en œuvre du SIAO unique est alors engagée. Pour la Seine Maritime la situation est particulière :

  • 2 SIAO sur le département
  • 2 fonctionnements distincts
  • Le Havre Observatoire
  • 2016 : 1 SIAO unique DDCS
  • Constitution GCSMS
  • Transfert activité/salariés
  • Résistances :
  • Perte de pouvoir
  • Peur perte de l’autonomie dans le fonctionnement
  • Cohabitation Le Havre / Rouen difficile
  • Projection :
  • Développer observatoire
  • Faire des associations un poids et une force politique
  • Mener un travail de co-construction
  • Fonction observatoire SIAO : 23 Logements
  • Croissement données SIAO/ESI
  • Profil évolution public
  • Etude enclavement CHRS
  • Des sorties imminentes
  • Une prise de risque
  • Logements gratuits bailleur
  • Projet expérimental
  • Accord DDCS et financement
  • Commission attribution projet sortie dès l’entrée
  • Evaluation
  • A ce jour projet adapté qui demande à être pérennisé

IMPACTS

De nombreux textes ont été votés durant les années 90 face aux problèmes de chômage, d’exclusion et de précarité.

Mais tous ces textes aux affirmations politiques claires ont du mal à se traduire sur le terrain. Pour certains professionnels, le refus du changement, les résistances se traduisent par un certain détournement (maintien de services couteux, fonctionnement bureaucratique…)

Pour d’autres, la loi est la confirmation d’une pratique innovante et sert de tremplin à d’autres expérimentation comment dans ce contexte, les institutions vont-elles pouvoir se transformer en actions sociales de demain ?

L’avenir est aujourd’hui à la mutualisation des compétences sociales et médico-sociales pour permettre aux associations de répondre à l’évolution des besoins et attentes de la population.

Comment l’intérêt collectif va-t-il pouvoir prendre le pas sur les intérêts individuels des acteurs de coopération ?

Perspectives

Malgré le manque de recul, il est possible d’envisager les lignes de force de l’évolution qui s’annonce. Elles concernent :

  • La planification des dispositifs d’accompagnement entre les échelons régionaux (ARS) et département
  • Le décloisonnement des structures et agréments pour passer de l’insertion à l’inclusion
  • Le développement des plateformes d’accompagnement pour une meilleurs individualisation.

Ces orientations de politiques sociales passent par des actions de :

  • Restructuration du dispositif actuel
  • Redéploiement de services
  • Gestions prospectives des ressources humaines et recherche de financement diversifies
  • Démarche qualité pour évaluer projet, résultat et moyens.

La restructuration du dispositif s’accompagne d’un décloisonnement sanitaire, social et médico-social. Il aurait pour avantage de faire cesser la bataille privé/public et de réduire les inégalités de financement de chaque secteur.

Des associations en panne ?

Le secteur associatif souffre à ce jour d’un déficit important dans le fonctionnement de ses instances. Ce déficit, crise du politique, entraîne une perte de crédibilité du secteur et laisse le champ libre à toute puissance des technocrates.

Plusieurs raisons à cette panne :

  • Non renouvellement de la génération des administrateurs, ceux-là même qui ont créé le dispositif. Le passé est donc omniprésent, avec un fonctionnement en vase clos sans aucune dynamique
  • La prise de pouvoir par certains DG ou directeurs sur les instances associatives qui ne permettent plus à celles-ci d’exprimer une pensée collectives libre et démocratique
  • Instrumentalisation possible par les instances de tarification et les politiques au risque de n’être qu’un simple exécutant.

La démarche de mutualisation et de coopération nécessite une réflexion politique et stratégique qui permet d’anticiper les pressions, voir les injonctions.

 Les fondements de l’associatif : le socle 

Dans ce contexte de mutation, il est important de redonner le sens de notre travail en reposant sur les fondements de l’associatif.

Le 1er fondement : la démocratie 

  • L’adhésion à la coopération équivaut pour chacun à l’appropriation d’une identité associative.
  • L’adhésion doit s’inscrire dans la lignée définie par l’association ; de façon à poursuivre les actions dont elle est porteuse et fière.

Mais cela sous-entend de laisser la démocratie s’exprimer et de prévoir des espaces laissés au débat, à la controverse, au droit et à la résistance.

La démocratie passe par la participation de tous à un collectif réuni autour de la promotion d’un bien commun.  

Le 2eme fondement : les valeurs

 Le traitement des problèmes des personnes exclues et souffrantes passe par la technicité, la rationalité des actions, la gestion, les évaluations mais aussi par l’engagement des salariés.

La conviction est à l’engagement ce que la responsabilité est à la compétence l’engagement porte en lui promesse et espérance d’un avenir meilleur pour les personnes accueillies dans toujours plus de respect, de droit, de reconnaissance.

Notre conviction dans le secteur médico-social est que toute personne, dans sa différence, interpelle chacun dans sa propre vie, sa propre humanité et que c’est en cela qu’elle est importante et unique. Le directeur et les chefs de service devront mobiliser les professionnels à partir de ce socle, pour l’appropriation du devenir.

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