Le bilan, après ma première expérience à un poste avec aménagements : comment ont été perçues mes difficultés autistiques par ma hiérarchie ?
Je précise au préalable que sans mes séances avec ma psychologue, je serais restée démunie face à mes difficultés. A l’instar, sans doute, de nombreux autistes qui ne bénéficient pas d’un suivi avec un psychologue et sont contraints de subir des difficultés qu’ils ne comprennent pas.
Contexte : mon dernier jour de travail, ma hiérarchie a souhaité que nous fassions un bilan. Ce bilan a été particulièrement instructif et c’est pour cela que je le partage sur mon blog.
A cette occasion, ma hiérarchie m’a indiqué qu’elle serait tout à fait ouverte à l’idée d’accueillir une autre personne avec un trouble du spectre autistique. Flattée de ne pas l’avoir traumatisée à cause de mes difficultés, je lui ai cependant précisé que toutes les personnes avec syndrome d’Asperger n’ont pas le même profil que le mien, qui navigue depuis longtemps en entreprise.
Ma hiérarchie a alors confirmé qu’en effet, chez moi, « ça se voit pas ».

Suite à cet aveu, mon premier réflexe a été de me dire que, si toutefois j’avais eu dans l’idée de profiter de cette expérience pour faire avancer la cause des autistes Asperger (c’est-à-dire en vulgarisant auprès de mes collègues et hiérarchie, informés de mon autisme, quelques unes des difficultés rencontrées par les personnes avec autisme en entreprise), j’avais fait chou blanc.
Eh oui, ma hiérarchie n’a pas perçu mes difficultés. En gros, c’est cool car ça s’voit pas, ‘même pas mal ! Bon, faut-il me décerner l’Oscar de la meilleure actrice ?
J’ajoute qu’au moment de la sélection des candidatures, l’entreprise avait choisi mon cv parmi d’autres candidats autistes car :
« … vous avez l’habitude de l’entreprise et de la hiérarchie ».
Loin de moi l’idée de leur faire un procès d’intention mais j’avoue avoir eu la désagréable sensation d’être choisie non pas pour mes compétences mais pour l’assurance que je saurais bien me comporter en entreprise.
Bref..

Un point de crispation, cependant.
A l’occasion de ce bilan, ma hiérarchie a tout de même évoqué un point de blocage de son côté. A savoir son incompréhension lorsque, quelques semaines (sans nuage apparent), après avoir commencé à travailler sur la réalisation de capsules vidéo, j’avais annoncé l’impossibilité pour moi d’aller plus loin. Même accompagnée par le collègue chargé de me former à l’outil de montage vidéo.
En effet, pendant ces quelques semaines, un travail avec ma psychologue a permis de mettre à jour mes difficultés dans l’organisation et l’articulation d’un nombre supérieur à trois items. Concrètement, synchroniser le son, l’image, les sous-titres etc pour la création d’une vidéo est mission impossible pour moi.
Les responsables ? A priori mon trouble des fonctions exécutives, ainsi que mon défaut de cohérence globale (je développerai ce dernier dans un autre billet).
« Les fonctions exécutives ou les fonctions de contrôle sont des mécanismes de pensée cruciaux pour la planification des actions et la résolution adéquate d’un problème. Elles comprennent notamment la capacité à planifier étape par étape, (…) l’adaptation de stratégies, la faculté de pouvoir chercher des solutions de manière organisée (…). Des déficits dans ces capacités ont été décelés tant chez les adultes que chez les enfants ayant de l’autisme. ».
extrait du site : participate-autisme.be
Ma hiérarchie n’ayant pas compris pourquoi l’apprentissage de la création de vidéos, qui ne semblait pas me poser problème quelque temps auparavant, était devenu soudainement problématique, elle avait mis mes réticences sur le compte d’un manque de volonté ou d’envie de ma part. Le manque de volonté me mettant en cause. Le manque d’envie la mettant en cause, elle, qui s’était donné pour mission de me faire réaliser des choses intéressantes.
Le moment du bilan fut donc l’occasion pour moi de lui expliquer que je traite l’information différemment des non-autistes ; en différé, pour être précise. En effet, ma pensée est visuelle et non en mots. Cela explique que la conversion images / vague ressenti (voire brouillard) en mots nécessite pour moi du temps et parfois de l’aide.
Par ailleurs, l’expérience d’échec doit être répétée avant que je ne réalise que l’action en question me pose problème. D’où le délai entre la manifestation de mes difficultés et le moment où j’en ferai part à ma hiérarchie. Je précise que la manifestation de mes difficultés est forcément invisible pour autrui dans la mesure où elle est dans un premier temps imperceptible même pour moi.
Pour illustrer ce cheminement spécifique, j’ai réalisé le cycle de vie de la difficulté que j’ai rencontrée dans l’exécution de ces montages vidéo. C’est pour moi l’occasion de rappeler qu’affirmer que les autistes « traitent l’information différemment » à une personne qui n’a pas une connaissance pointue de l’autisme ne signifie pas grand-chose.
Certainement pas tout ce que cela représente et implique « à l’intérieur, dans la fameuse partie invisible ».

Le syndrome d’Asperger : « syndrome invisible »
