Tout nous indique que le second tour opposera Mme le Pen à M. Macron. Je suis de gauche et j'ai voté pour un de ses 4 candidats (Arthaud, Roussel, Mélenchon et Poutou). Pourtant, dès demain, les injonctions, les prises de paroles et autres accusations de traitrises de toutes sortes, vont pleuvoir et ce ne sera pas vraiment propice pour la réflexion, c'est pour cela que j'ai écrit ce billet un peu avant et un peu après 20h
Mediapart nous avertit déjà en quoi l'élection de Mme le Pen (appelé aussi accident électoral-sic!) sera une catastrophe. Pour cela, il y a 2 articles un plus précisément sur la France isolée et les questions de constitution, de droit international, donc de libertés dites fondamentales (Lucie Delaporte 7 avril), un autre sur les libertés aussi mais vue par la "société civile" avec 13 interventions (rédaction de Médiapart 9 avril). A cela j'y ajoute car cela se recoupe et que c'est tout autant fondamental, à mon sens, un article d'Attac sur le "programme" économique et social de Mme le Pen tout aussi inégalitaire que celui de M. Macron (Blog Attac 5 avril). J'approuve globalement tout ce qui est dit dans ces articles même si j'émets des doutes sur tout ce qui est "mise au ban des démocraties européennes". Cela fait belle lurette que des gouvernements d'extrême droite ne sont pas ostracisés (au sens vrai du terme). D'ailleurs l'article écrit après de longs développements, "Tout cela empêcherait-il Marine Le Pen d’appliquer son programme ? Sans doute que non. On sait qu’un habillage légaliste a permis à certains États européens de glisser ...". Mais, je suis d'accord avec tout ce qui est dit sur la question de la "préférence nationale" (le coeur du texte).
Cependant, si toutes ces catastrophes sont (trop) prévisibles, en quoi l'élection de M. Macron les empêcherait-elle? Car tout le problème est bien là. Ugo Palheta dit que dans tout vote il y a un vote de conviction car sinon dit-il c'est du cynisme (car il conteste l'opposition vote de conviction/vote utile), mais où serait la conviction dans ce vote de second tour, nous sommes donc condamnés à l'abstention ou au vote cynique. Bien sûr j'assume personnellement cette assertion (et M. Palheta n'y est pour rien).
Il s'agit maintenant de voir pourquoi le vote barrage contre M. Macron est concevable. A partir des trois articles cités, une constante se dégage, tout ce qui est dangereux est finalement déjà là. La plupart des intervenants insiste sur l'accentuation/l'aggravation des mesures "néfastes". Même la préférence nationale dont on nous dit qu'elle serait un tsunami constitutionnel est malheureusement un peu déjà là. Il faut rappeler que les étudiants étrangers ont des droits d'inscriptions qui sont 15 fois supérieurs à ceux des français (ou ressortissants de l'UE). Rappelons également que Mme le Pen avait dans son programme en 2017 la multiplication par 2 de ces droits. Bien sûr, ce n'est pas une disposition constitutionnelle d'ordre général, et/mais cela n'a pas été abrogé par le conseil constitutionnel. D'une part ce que propose Mme le Pen n'est qu'une "promesse" pour le moment et ne sera peut-être jamais mis en place, et quand bien même elle engagerait la procédure, rien ne permet de dire qu'elle aboutira, en revanche on peut imaginer des dispositifs un peu similaires pour d'autre prestations (sociales par exemple) qui pourraient être prises par l'une comme par l'autre. Comme la plupart des intervenants, je crois plutôt qu'on assistera tout simplement à un durcissement des procédures déjà là. Penser que M. Macron sera plus humain que Mme le Pen est pour moi, une simple vieille habitude de penser : "rien ne peut être pire que l'extrême droite", pourtant il faut prendre au sérieux les paroles de Darmanin, Mme le Pen est plus molle que lui! Concernant les questions sociales soulevées par Attac ainsi que par un représentant CGT mais c'est aussi le cas pour ATD, tous soulignent que les programmes du RN ne sont pas favorables aux salariés, au plus vulnérables, etc. Souvent même il est dit qu'ils sont aussi inégalitaires que ceux de M. Macron, ceci est exprimé pour détromper ceux qui pourraient croire le contraire et c'est donc très juste de le faire, pourtant il n'y a pas l'ombre d'une justification qu'avec M. Macron ce serait mieux et en fait on sait que ce sera pire que ce qui est actuellement. Si on reprend touts les interventions et les articles, les seules détériorations crédibles susceptibles d'être pire qu'avec M. Macron sont celles sur les LGBT, et celle sur les rénovations de logement (même si on ne sait pas ce que veut faire M. Macron) dans le sens (et dans ce sens seulement) où comme il est indiqué par Danyel Dubreuil, actuellement cela repose sur des associations qui ont des relations difficiles avec le RN. On pourrait y rajouter la question de la culture (pas abordé bizarrement), même si le mépris écrasant de M. Macron à son égard n'est plus à démontrer. Car là encore, les élus FN et/ou RN ont véritablement montré toute leur nocivité au niveau local, cela doit malgré tout être tempéré car bon nombre d'autres hommes/femmes politiques leur ont emboîté le pas (trouvant que c'était "payant" de couper des subventions pour la culture).
Mais il faut aussi redérouler le fil de ce quinquennat.
Une raison pour laquelle, le vote en faveur de M. Macron était sollicité était qu'avec Macron, on pourrait toujours protester, alors qu'avec Mme le Pen, la contestation même serait impossible. En d'autres termes, on se débarrasse de Mme le Pen, cela pourra permettre de se débarrasser de M. Macron. Certains sont même allés dire que M. Macron serait obligé de tenir compte des votes contre Mme le Pen, (sous-entendu pas pour lui), cela n'engageaient qu'eux évidemment. Il y a un gros problème, ce n'est pas du tout ce qui s'est passé. M. Macron a décidé qu'une contestation était possible mais une seule seulement et ce serait celle de l'extrême droite. Et rien n'a pu modifier ce schéma malheureusement. Pourtant des protestations de gauche se sont largement exprimées mais elles ont été inaudibles ou presque. Les députés par exemple ont tous faits des pieds et des mains pour faire passer des lois (avec même des succès, légers bien sûr mais on peut les nommer), ont soutenu des question de constitutionnalité, ont même été à l'initiative d'une pétition contre la privatisation des aéroports de Paris, tout cela malheureusement sans réel impact. Des protestation de rues, sévèrement réprimées gilets Jaunes, retraites etc, mais aussi ignorées comme la grève des personnels judiciaires dernièrement massivement suivie, mais sans effets, de même que celle des enseignants, la dernière fut massive mais en réalité cela n'a pas arrêté, la protestations d'universitaires aussi en s'est jamais arrêtée, mais de tout cela, M. Macron a décidé que cela n'importait pas et seules les polémiques venues d'extrême droite avait droit de citer. Cela va continuer, bien sûr! Toute contestation est suspectée de faire le lit de l'extrême droite. On s'inquiète de ce qu'il faut montrer ses papiers (son passe) trois fois par jour et cela même pas à des policiers, complotiste! Comment réclamer un récépissé ensuite pour les opérations de contrôle? et comment trouver anormal que des personnes se fassent contrôler trois fois par jour?
Aujourd'hui nous savons comment fonctionne M. Macron et comment il fonctionnera, aucune contestation de gauche ne sera prise en compte. Mais ce qui est pire (car après tout, M. Macron pourrait le souhaiter mais le roi n'a pas forcément ce qu'il veut), c'est qu'elle ne pourra pas s'imposer sauf grosse erreur de M. Macron. Car comme on l'a vu à chaque fois, on aura toujours certaines "belles âmes" qui renâcleront à protester "se mélanger avec possiblement de l'extrême droite, impossible!" et d'autres se diront ouvertes :"peut-être qu'il faut essayer, la situation étant déjà tellement catastrophique" mais surtout "de toutes façons ça sert à rien!". De plus avec M. Macron président, l'assemblée nationale même si elle n'est pas en marche toute! sera suffisamment à droite pour faire tout passer. La contestation ne viendra pas de là.
Au contraire avec une élection de Mme le Pen, il est possible qu'aussitôt une réaction se mette en place et une contestation dans l'assemblée se fasse jour. Elle sera multiforme, sans doute majoritairement de droite, mais Mme le Pen n'aura pas les mains libres. Il y a des chances aussi que les contestations des projets de loi soient plus unitaires et ne souffrent pas trop d'atermoiements.
Est-ce à dire qu'il FAUT voter Mme le Pen au second tour, c'est bien sûr aller vite en besogne. Il y a immédiatement une sorte de crispation, comment l'envisager même? Mais plus posément il faut dire qu'enjamber des adversaires (ou des partenaires) est un peu suspect et en général pas glorieux et finalement peu fréquent. C'est évidemment une position pas tenable (même si cela s'est vu) pour un homme politique (ou "public"). Ensuite, on peut toujours bricoler des scénarios dans sa chambre/cuisine (même pour un politicien chevronné), cela ne fonctionne bien sûr jamais. Alors pourquoi rappeler tout ce qui précède. La réponse est aussi dans le titre. La situation de la gauche est, à l'image du pays, catastrophique et rien ne sert de s'imaginer que M. Macron va nous sortir de là, ceci DOIT être un point de départ. Il va nous enfoncer, il a promis de s'attaquer à l'école, ce qui est aussi s'attaquer à la République (d'ailleurs les lettres envoyées sur les messageries professionnelles sont indubitablement un manquement au devoir de réserve, le faire l'avant-veille du premier tour, cela signifie que la neutralité et le devoir de réserve pour les enseignants seront synonymes d'obéissance, mais que les chefs pourront s'en affranchir). La réforme des retraites déjà prévue, elle va aggraver la précarité chez les jeunes et la santé des plus âgés évidemment. Cela uniquement pour l'année 2022. Alors si des personnes ne veulent pas cautionner ces régressions majeures qui seront aussi des régressions de liberté bien sûr et votent le Pen, je considère que ce n'est pas une attitude digne que de les dénoncer ... sauf si on est vraiment du côté de Macron ou qu'elles sont vraiment du côté de le Pen.
Bonne soirée