Lettre aux membres du conseil constitutionnel,
Mesdames, messieurs,
citoyen ordinaire de notre pays, je veux mettre en lumière et avec solennité le choix que vous êtes amenés à faire concernant la loi de réforme des retraites.
Il est en fait facile d’expliquer la situation :
D’un côté, un gouvernement et une « majorité » estime que cette loi n’est au fond qu’une petite loi (de rien du tout) comme le signale la forme qui a été choisie : loi de financement de la sécurité sociale rectificative. Comme en témoigne aussi le parcours lui-même, limitation des débats, votes bloqués, utilisation des articles 47.1 ou 49.3. Comme en témoigne aussi le refus de rencontrer l’intersyndicale de la part du Président de la République et comme en témoigne enfin une fois l’adoption du texte, les diverses réactions du gouvernement : volonté d’« apaisement », de reprendre contact avec les syndicats mais uniquement dans le but de passer à autre chose, énumération des importants dossiers qui attendent (et soulignant par là-même que celui-ci n’en n’était pas un).
Pourtant, la présidente de l’Assemblée Nationale, Mme Yaël Braun-Pivert, tout en insistant sur la nécessité de discuter d’autre chose, juste après le 49.3 (le 26 mars au Grand Jury) se lamente « qu'il faut tous que nous nous interrogions sur notre capacité, ou plutôt parfois notre incapacité, à mener de grandes réformes », laissant entendre, sans doute involontairement, que celle-ci en était une.
D’un autre côté, les syndicats et les citoyens dans leur très grande majorité, qui estiment que « toucher » à divers aspects de la retraite (entre autres évidemment l’âge de départ légal) est fondamental, ne peut se faire comme cela « à la dérobée ». Cela nécessiterait une loi « organique » (un terme souvent utilisé sommairement sans forcément en connaître le sens juridique précis, mais qui insiste bien sur l’ampleur des changements provoqués). Comme en témoignent non seulement les sondages mais aussi les diverses manifestations jamais vues à une telle échelle et sur une telle durée, se continuant même après le rejet de la motion de censure. Enfin l’unanimité syndicale –exceptionnelle- , dans ses mots d’ordre et ses actions témoigne aussi du caractère jugé essentiel pour la vie sociale de la question des retraites.
Simple citoyen, je ne prétends pas apprendre aux (vieux) Sages à faire la grimace devant une loi voulue par le gouvernement. Et, pourtant … si le Conseil Constitutionnel suit la démarche gouvernementale et considère qu’il ne s’agit que d’une (toute) petite loi, que son adoption ne pose pas de problème (sauf éventuellement à la marge) et conséquemment qu’il serait bien superflu de proposer un référendum à ce sujet, il ne fait pas de doute que cela préparerait de funestes lendemains pour la République.
Les citoyens attendent du Conseil Constitutionnel qu’il garantisse le respect de la Constitution, mais la Constitution elle-même n’est finalement que la constitution du peuple français. Ne pas se soucier de l’avis des Français et adopter cette loi marquera indubitablement le divorce définitif entre les Français et les institutions des gouvernants (de la France), c’est-à-dire des Français avec cette République et cela je peux vous le garantir.
Je vous prie de croire, Mesdames, Messieurs, en l’expression de mes sentiments respectueux et toujours républicains.