Trump, l’Ukraine, quelle suite ?
Avant l’élection de Trump, les idées, si on écoutait les médias français – tout bords confondus mais en particulier Mediapart, étaient simples et claires. Son élection serait une catastrophe pour l’Ukraine, une aubaine pour Poutine, et une l’horreur pour l’Europe (en plus et par voie de conséquence).
Depuis quelques mois, et plus encore depuis quelques heures, le projet de Trump pour l’Ukraine s’il venait à être réélu apparaît assez clairement. Il constitue une très mauvaise nouvelle pour Kyiv. En guise de programme concernant la guerre en Ukraine et les manières de l’arrêter, l’ancien président américain avait surtout déclaré, jusqu’à présent, qu’il serait capable d’y mettre fin « en vingt-quatre heures » ... sans dissiper la crainte que son « plan » consisterait grosso modo à accéder à toutes les revendications de Vladimir Poutine. Les signaux envoyés par le candidat à la présidentielle états-unienne sont devenus encore plus clairs – et encore plus inquiétants – lundi 15 juillet, lorsque Donald Trump a dévoilé le nom de son colistier J.D. Vance (Mediapart).
Depuis son élection, les commentaires se sont faits moins catégoriques, certains allant jusqu’à suggérer un encore plus grand soutien armé à l’Ukraine, … si Poutine décevait Trump. Déception, admiration, Poutine , Trump etc., pourquoi faut-il toujours en passer par ces considérations psychologiques et personnalisés. Certes, personne ne prétend que Trump n’est pas imprévisible et que la lecture de « sa » politique extérieure est limpide, pour autant, je crois qu’il y a des points concrets sur lesquels s’appuyer et nous verrons qui a raison.
La guerre en Ukraine bénéficie principalement (pratiquement seulement) aux États-Unis. Elle affaiblit la Russie, sur tous les plans, militaire bien sûr mais aussi diplomatique et économique. Elle offre un débouché de premier choix (l’Union européenne) aux gaz de schistes américains. Enfin elle permet au complexe militaro-industriel américain de faire la preuve de son efficacité et de son déploiement « nécessaire », en l’Europe bien sûr mais partout ailleurs aussi : le commerce des ventes d’armes s’est envolé depuis et ce sont principalement - surtout si on compte en argent- , les Etats-Unis qui sont « gagnants ».
Dans ces conditions, pourquoi les Etats-Unis arrêteraient une guerre bénéfique ? Il y a quand même des problèmes à la poursuite de la guerre.
D’abord elle coûte extrêmement cher, les États-Unis dépensent pour l’Ukraine plus qu’ils n’ont jamais dépensé pour aucun pays (même Israël par exemple). Si les intérêts privés américains y sont gagnants à tout coup, le budget fédéral lui ne l’est pas. C’est donc un pari, pourront -ils se « rembourser sur la bête » comme on disait des armées d’anciens régimes, c’est-à-dire faire payer plus tard les ukrainiens « en nature » et à quelle hauteur, l’imprévisibilité ici est faiblement corrélée à celle de Trump. C’est d’ailleurs l’objection numéro 1 qui est faite au « soutien ukrainien » aux Etats-Unis.
La plupart des pays sont affaiblis par cette guerre, soit directement leurs relations avec la Russie ou l’Ukraine sont remis en cause soit indirectement à cause de l’inflation, voire à certains moments la pénurie, qui en résulte. Pourtant la Chine ne s’en sort pas si mal et peut même y « gagner » comparativement, ceci peut être bien sûr une source d’inquiétude pour les États-Unis, qui ont pour objectif premier au niveau international de contenir la Chine.
Au delà des forfanteries du personnage sur l’arrêt des combats, la solution trumpienne (pas forcément originale en fait) pourrait consister à continuer la guerre mais sans payer. C’est le sens de la demande d’augmentation du budget de la défense des alliés à 5 % du PIB. C’est d’ailleurs ce qu’avaient fait les États-Unis au moment des guerres en Yougoslavie et en Irak, l’Allemagne y avait été très largement mis à contribution. Les époques ont changé, mais il ne faut pas négliger la « force de persuasion » des Américains sur leurs partenaires européens. Cela ne sera pas suffisant pour continuer la guerre comme avant, mais pourrait bien amener à « geler » le conflit, avec des attaques sporadiques de la part de l’Ukraine ou de la Russie quand ceux-ci ou ceux-là estimeraient avoir reconstitué suffisamment de forces pour infliger une défaite (partielle évidemment) à l’autre camp.
On pourrait aussi imaginer qu’un conflit en chasserait un autre ce qui permettrait au complexe militaro-industriel de continuer ses affaires, cependant ce n’est pas le Groenland, le Canada ou Panama qui pourraient devenir des conflits « sérieux ». Il faudrait envisager pour le moins une confrontation avec l’Iran (ce qui aurait l’avantage de mettre Israël et les pays européens dans le coup), mais là encore l’imprévisibilité des conséquences de ce type de conflit est de nature à rebuter même un Président imprévisible. A moins d’envisager un conflit ouvert avec la Chine, à propos de Taïwan ou pas, mais il faudrait dans ce cas préparer l’opinion (car « l’opinion ça se travaille ») et cela risque de prendre quelques temps.
Je reviens à mon avis précédent, la guerre en Ukraine va continuer (tant pis pour ceux qui pouvaient ou voulaient espérer une paix, tant mieux pour ceux qui veulent la guerre contre les méchants), elle aura des intensités variables avec le temps et bien sûr des communiqués de victoire dans chaque camp.
Sinclair, le 20 janvier avant l’investiture de Trump.