Je ne suis pas assuré que le besoin d'un article sur le côté sain des politiques se fasse sentir aujourd'hui. Aux révélations du Canard enchaîné sur le caractère fictif des différents emplois occupés par l'épouse et les enfants de François Fillon, en France, se conjugue l'affaire Publifin, en Belgique, où des élus ont été rémunérés jusqu'à 500 euros la minute pour des réunions bidon.
J'ai ainsi longtemps hésité avant de rendre public le présent billet. Le laisser à l'abandon englouti au milieu de mes notes, pour y revenir un de ces jours, était le sort qui je lui avais assigné au moment où je l'ai entamé. Mais paradoxalement, le contexte actuel a été le principal motif qui m'a incité à changer d'avis. Sur l'arrière-fond du paysage médiatique tel qu'il est aujourd'hui (concurrence et course à l'information entre les médias, prolifération des chaînes d'information en continu, etc.) s'est éclos ces dernières semaines un climat de remise en question totale des politiques . Par conséquent, Il est devenu de plus en plus difficile de ne pas se joindre au chœur des contempteurs du "métier" de politique. Il est donc non seulement souhaitable, mais nécessaire, de se détacher du vacarme médiatique pour prendre du recul afin de ne pas s'égarer dans les marais de la pensée de foule.
D'habitude critique vis-à-vis de cette "corporation", je me sens plus libre aujourd'hui de penser intempestivement et donc de faire voir les politiques sous une autre face.
C'est ainsi que mercredi dernier, en France, l'Assemblée nationale a adopté son dernier texte de la législature. Le genre d'événement-épilogue qui permet de réaliser qu'un fragment de l'histoire est en train de s'écouler. C'est surtout l'occasion de faire un flash-back sur les moments forts de ce quinquennat. J'ai ainsi rarement hésité à visionner les vidéos des compilations des moments forts de celui-ci ( Les remarquables déclamations épiques de la garde des Sceaux Christiane Taubira pendant les débats sur sa loi éponyme, les séances suivants les attentats du 7 et 8 janvier et du 13 novembre, les débats sur la loi El Khomri, etc.).
(voir exemple de vidéo sur ce lien)
Face à l'intensité des débats, de même que le tonus et l'énergie que les politques y mettent — j'ai bien conscience que l'effet du montage n'y est pas pour rien dans ce genre de vidéos —, voilà que mes positions vis-à-vis de ces hommes et ces femmes, pour un instant, sont devenues presque roses. Vite, se sont levés dans mon souvenir quelques passages de textes où des philosophes — d'habitude fort virulents et critiques à l'égard de cette gent — leur ont rendu hommage.
Dans la chute de sa préface de son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, Jean-Jacques Rousseau conclut, en parlant des gouvernements, ainsi : " En considérant ce que nous serions devenus, abandonnés à nous-mêmes, nous devons apprendre à bénir celui dont la main bienfaisante, corrigeant nos institutions et leur donnant une assiette inébranlable, a prévenu les désordres qui devraient en résulter, et fait naître notre bonheur des moyens qui semblaient devoir combler notre misère". Pour ceux qui sont habitués aux critiques fiévreuses de Rousseau dans ses écrits à l'égard des politiques, ils sont en train de — je peux le parier à coup sûr — vérifier sur Google l'authenticité de l'extrait cité ci-dessus.
Sur un autre registre, Friedrich Nietzsche, avec son esprit de "philosophe à coups de marteaux" — pour reprendre son expression — , voit en le politique quelqu'un qui étudie les hommes dans le but de " mettre la main sur de petits avantages à leur encontre, ou même de grands",mais pour autant il " est l'espèce la plus humaine quoi qu'en disent les apparences".
De quoi la citation de ces passages voudrait-elle être la démonstration ? D'une part, que pour prendre des positions favorables aux politiques, ces auteurs critiques l'ont accompli sans honte ni remords, dans leurs ouvrages les plus illustres, à la vue de tous. D'une autre, que la "profession" de politique mérite quelque respect, ne serait-ce que pour les sacrifices (de la vie privée dans l'espace public entre autres) qu'elle requiert, l'altruisme qu'elle implique, ou encore les efforts intellectuel et physique qu'elle sollicite.
Il est enfin non seulement aberrant, mais ridicule, de tomber dans la dialectique du "tous pourris" et du râlement aveugle et permanent. Cela serait tout à fait injuste, si ça n'avait manqué d'être blessant, du moins, pour les politiques les plus dignes de cet attribut si riche en-soi.