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Billet de blog 29 octobre 2024

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« Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde » : l’homophobie détruit des familles

Ce film roumain, réalisé par Emanuel Pârvu, raconte l’histoire d’un village chamboulé par la révélation de l’homosexualité d’un adolescent.

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Après une violente agression homophobe, le village apprend l’homosexualité d’Adrian. Ses parents, homophobes, et confortés dans cette idéologie par ce discours dominant dans le village, digèrent mal la nouvelle.

L’homophobie et l’autodestruction

Les parents en veulent à leur fils de leur avoir caché des secrets, et ne lui font plus confiance. Ils deviennent paranoïaques et scrutent toute sa vie privée, jusqu’à fouiller son téléphone. Ils ont peur du « qu’en dira-t-on ? » et ne veulent plus qu'il sorte. Ils deviennent de plus en plus nerveux, lui hurlent régulièrement dessus car il conteste leur autorité. Ils pleurent souvent, car ils s’empêtrent dans une relation de plus en plus toxique vis-à-vis de leur fils. C’est la force de ce film : il réussit à montrer, avec des scènes parfois sans dialogues, à quel point l’homophobie détruit aussi les personnes homophobes, en sabotant elles-mêmes leurs propres relations sociales.

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Image du film « Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde ». © Emanuel Pârvu

L’homophobie, par la violence et l’ostracisation qu’elle produit, pousse ses victimes à mentir, et à vivre dans le secret. Lorsque le secret est révélé, les relations avec les proches qui n’acceptent pas le coming-out deviennent invivables, au point de devoir couper les ponts.

Dans le film, l’homophobie éloigne aussi ses victimes de la religion. Tout le village est très croyant, et le prêtre est une figure d’autorité. Adrian, lui, a des icônes orthodoxes de Jésus dans sa chambre. Durant le film, Adrian subit un exorcisme violent de la part du prêtre du village, avec la complicité de ses parents. Vers la fin du film, il regarde silencieusement ses icônes avec une certaine déception. 

L’homophobie, une inversion des valeurs

Cette discrimination ne peut que détruire la famille et produire du vice chez chaque individu. Le film réussit parfaitement à disséquer les conséquences de l’homophobie sur la vie de famille. Ceux qui militent contre les droits des homosexuels – et ils sont nombreux en Roumanie – en prétendant défendre les valeurs familiales, défendent une idéologie qui détruit bien plus la famille que n’importe quel discours pro-LGBT.

En voyant ce film, j’ai pensé au Premier ministre britannique David Cameron, du Parti conservateur : « Je soutiens le mariage gay non pas en dépit d'être un conservateur, mais parce que je suis conservateur. » Il estimait que les homosexuels devaient avoir le droit de se marier afin de pouvoir se conformer au modèle de famille nucléaire, et qu’ils devaient même pouvoir se marier à l’église pour respecter les traditions. Selon lui, l’homosexualité sera toujours là et une société conservatrice moderne ne doit pas les marginaliser, mais au contraire maintenir la structure familiale coûte que coûte. Cela implique d’accepter le coming-out et d’intégrer l’homosexualité dans les traditions maritales et religieuses.

Homophobie d’État ?

L’homophobie ne se limite pas au cercle familial et au voisinage. Le film représente des policiers, influencés par cette idéologie, qui couvrent des violences homophobes, excusent des agresseurs ou culpabilisent les victimes. Malgré des lois roumaines qui reconnaissent la légalité des relations entre personnes du même sexe – mais pas encore leur mariage – et considèrent l’homophobie comme une circonstance agravante lors d’une agression, les homosexuels sont mal défendus par les forces de l’ordre. Les policiers, loin d’être garants de la loi, sont biaisées par le discours homophobe, mais aussi par des solidarités communautaires dans le village.

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Image du film « Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde ». © Emanuel Pârvu

Un film remarqué par la critique

Pour son réalisme et ses qualités cinématographiques, le film d’Emanuel Pârvu a remporté la Queer Palm du Festival de Cannes 2024, un prix qui récompense chaque année un long-métrage et un court-métrage traitant des minorités sexuelles. Dans la presse française, il a eu de nombreuses bonnes critiques.

TROIS KILOMÈTRES JUSQU'À LA FIN DU MONDE de Emanuel Pârvu | BANDE-ANNONCE OFFICIELLE © Memento Distribution

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