Mon cher Nicolas,
Je t'écris depuis mon salon, sous une couette et avec 16 degrés tellement mon chauffage fonctionne mal. Je pense que nous avons des points communs mais j'avoue qu'avoir deux fois la surface de ta cellule me laisse privilégiée.
Certes, je n'ai pas de salle de sport privatisée, les chambres d'à côté ne sont pas occupées par des gardes du corps mais par des ados bruyants. Oh. J'oubliais que tu connaissais le bruit depuis ton expérience à La Santé. Mes confuses.
Ma bibliothèque n'est pas privée non plus et en plus, je ne trouve plus mon exemplaire du Comte de Monte-Cristo, qui doit être planqué entre un Musso et un Nothomb, prenant la poussière dans une pauvre étagère de fabriquant suédois bien connu.
Tu sais, j'écris aussi ! Comme toi !
J'ai un frigo plein, j'ai aussi des œufs mais je sais même les cuire grâce à un savoir ancestral transmis par ma mère et sa mère avant elle. Peut-être n'as-tu pas eu cette chance et j'en suis navrée pour toi. Par rapport à toi, j'ai sans doute de la chance car j'ai des yaourts "normaux" mais aussi des yaourts à base de soja et autres végétaux.
J'ai appris que tu vas publier un livre. Quelle chance d'avoir trouvé un éditeur... ce n'est pas chose aisée de nos jours. Le journal d'un prisonnier, quel panache ! Ce titre va être un best-seller. 20 jours de prison, loin de la voix cristalline de ton épouse et du mégaphone nécessaire pour l'entendre... tout ça loin de tout en n'ayant que quelques parloirs pour que l'on t'amène des sandwichs afin de combler ton manque de nutriments et que l'on évite que tu fondes comme neige dans le Sahara.
20 jours. J'espère que tu les as bien décrits pour que nous, qui nous tenons à carreau pour ne pas vivre la même chose, puissions nous rendre compte de ton enfer.
J'ai entendu qu'en mars 2026, tu auras droit à un procès en appel et je tenais à te donner quelques conseils au cas où un tribunal confirmait ta lourde peine:
- apprends à cuire des œufs.
- fais une liste de yaourts par ordre de préférence de marque et par pourcentage de nutriments et vitamines journalières apportées.
- achète toute la bibliographie dédiée à Mandela puisque ton cher fils déclare qu'il aurait beaucoup appris de toi. On ne sait jamais, cela t'évitera peut-être un procès pour plagiat.
- demande à ton épouse de t'écrire des chansons joyeuses pour remonter le moral dans les jours sombres qui peuvent malheureusement s'enchaîner.
Voilà, mon cher Nicolas, je te laisse et m'en vais de ce pas tuer un pot de yaourt en ton honneur dans mon salon de luxe.
N'oublie pas de nous gratifier d'un Tome 2 ou même d'une saga d'introspection et de développement personnel.