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Plus d'un an après le début d'une campagne israélienne brutale et inhumaine qu'un comité de l'ONU a jugée correspondre à un génocide, les manifestants continuent de se rassembler par milliers, voire par millions, pour soutenir le peuple palestinien, profondément trahi par les gouvernements mondiaux et les institutions internationales.
En manifestant dans les rues, sur les campus universitaires et aux portes des ambassades, non seulement aux États-Unis et en Europe, mais aussi dans des dizaines de pays qui s'étendent de la Barbade aux Maldives, militants et manifestants affirment leur résistance et leur détermination à attirer l’attention du monde sur les atrocités commises dans les territoires palestiniens occupés, tandis que l’armée israélienne s’efforce de réduire au silence les témoignages palestiniens. Avec un espace civique anéanti par les assassinats ciblés de journalistes et de travailleurs humanitaires, les coupures d’Internet et les restrictions de l’aide, les territoires palestiniens occupés figurent désormais parmi les pays « fermés » dans le rapport mondial annuel du CIVICUS Monitor, un outil de recherche fournissant des données quantitatives et qualitatives sur l’état des libertés civiques dans 198 pays et territoires.
Et il est absolument essentiel de ne pas détourner notre attention : Israël est devenu l’un des pires violateurs des droits de l’homme et de l’espace civique en existence. La bande de Gaza enregistre actuellement le taux de malnutrition infantile le plus élevé et les territoires palestiniens occupés figurent parmi les zones les plus meurtrières au monde pour les enfants. L'armée israélienne a assassiné plus de 2.100 nourrissons et jeunes enfants de moins de deux ans sur les quelque 17.000 enfants tués dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre 2023.
Ces atrocités ont suscité, à juste titre, un mouvement de solidarité international. Pourtant, à leur grande honte, les gouvernements de partout ont répondu à ces appels à la justice par la violence et la répression.
Selon le rapport du CIVICUS Monitor, l'usage excessif de la force et la répression des manifestations figurent parmi les violations les plus fréquentes. Fait notable, près de 10 % des atteintes à l’espace civique recensées dans le monde en 2024 ont eu lieu dans les territoires palestiniens occupés ou ont ciblé des personnes exprimant leur solidarité avec le peuple palestinien. Ces violations, constatées à l’échelle mondiale et portant atteinte à des libertés fondamentales telles que la liberté d’expression, la liberté d’association et la liberté de réunion pacifique, illustrent la répression de ceux qui, en faveur de la paix, ont été battus, punis, intimidés et censurés par leurs propres gouvernements pour avoir dénoncé leur complicité ou leur inaction face à ces horreurs.
Malgré les appels répétés depuis octobre dernier de manifestants, militants et étudiants à Paris, Toulouse et ailleurs à travers le pays, la France, à l’instar de nombreux autres pays européens, refuse de prendre ses responsabilités pour garantir la justice face aux crimes de guerre et crimes contre l’humanité, et pour défendre les droits inaliénables du peuple palestinien.
Le Quai d’Orsay a déclaré dernièrement qu'il continuerait à travailler étroitement avec le Premier ministre israélien en raison de l'« amitié historique » entre les deux nations, malgré le mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) à l’encontre de M. Benjamin Netanyahu et de son ancien ministre de la Défense, M. Yoav Gallant. Il est crucial de rappeler que personne, pas même les chefs d’État, n’est à l'abri d'une procédure judiciaire devant la CPI. Ce principe fondamental de la justice internationale est inscrit dans les fondements de la Cour elle-même, qui a été créée précisément pour garantir que l’impunité ne soit pas accordée à ceux qui dirigent et commettent les crimes les plus graves. Il est d’autant plus symbolique que l’idée d’un tribunal international pour juger ces crimes soit née à Paris, là même où la paix a été retrouvée après les horreurs de la Première Guerre mondiale, une prise de conscience qui s'est renforcée à travers les atrocités de la Seconde Guerre mondiale, du Rwanda et de la Yougoslavie.
Certains pourraient affirmer que soutenir le gouvernement israélien contribue à réparer les torts causés par la Shoah et le génocide du peuple juif. Mais Israël ne s’en prend pas uniquement aux territoires palestiniens occupés, mais aussi à son propre peuple. Depuis le 7 octobre 2023, le gouvernement israélien a adopté au moins 19 dérogations aux lois et libertés individuelles en invoquant l’état d’urgence. Bien que plusieurs manifestations aient eu lieu pour réclamer la libération des otages et un cessez-le-feu immédiat, sans oublier celles dénonçant le gouvernement de Netanyahu, tant avant le 7 octobre qu’au-delà, Israël a sévèrement restreint le droit de manifester, recourant à une violence disproportionnée et procédant à des arrestations arbitraires.
En tenant compte de l’agonie continue des populations des territoires palestiniens occupés et des restrictions croissantes imposées en Israël et à travers le monde à ceux qui dénoncent cette situation, devons-nous vraiment accepter que nous sommes tous impuissants face à cette injustice ? Cependant, nous ne sommes pas tous désarmés. Les responsables mondiaux ont l’opportunité d’agir pour prévenir de nouvelles horreurs et freiner l’érosion de l’ordre mondial.
La France qui incarne les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité depuis plus de deux siècles se doit de collaborer d'urgence avec la CPI pour éviter de sombrer dans un échec moral. La résilience du peuple palestinien et la solidarité mondiale offrent une lueur d’espoir mais il incombre à la France de veiller à ce que cette étincelle d’espoir ne s’éteigne pas. Et pour cela, la France doit faire pression sur Israël pour qu’il se conforme aux décisions de la Cour internationale de justice et reconnaître la responsabilité d’Israël dans le maintien des politiques discriminatoires qui établissent un régime d’apartheid systématique contre le peuple palestinien. La France doit également exiger la reconstitution du Comité spécial contre l'apartheid et du Centre des Nations unies contre l'apartheid, ainsi que mettre fin à toute coopération militaire et économique avec Israël qui perpétue l’occupation illégale.