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Billet de blog 29 janvier 2024

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Discussion avec Pierre Stambul (UJFP), et Layla (UP), sur la Palestine

Voici la retranscription d'un échange qui s'est tenu le Samedi 13 Janvier à Nantes, animé par Pierre Stambul, militant à l'Union Juive Française pour la Paix, ainsi que Layla, militante du collectif Urgence Palestine. Le débat intervenait après la diffusion du documentaire Fedayin, le combat de Georges Abdallah portant sur le révolutionnaire prisonnier en France depuis près de 40 ans.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans la soirée du Samedi 13 Janvier 2024, près de 150 personnes ont assisté à la projection du film documentaire, Fedayin, le combat de Georges Abdallah dans les locaux de la CEMEA de Nantes. La diffusion était suivie d’une discussion ainsi que d’un repas en soutien aux Palestiniens. Les fonds (près de 1500€ récoltés pour la soirée) étaient reversés à deux associations en place à Gaza (une antenne médicale et une structure de quartier). 

Illustration 1
Affiche du film : Fedayin, le combat de Georges Abdallah

Film documentaire produit et réalisé par Collectif Vacarme(s) Films France • 2021 • 82 minutes • HD - en accès libre sur youtube

Résumé : "Le nom de Georges Abdallah apparaît régulièrement dans les manifestations, des articles de presse ou dans des courriers de parlementaires au ministère de la Justice. Mais qui est-il réellement ? Pourquoi un communiste libanais d’origine chrétienne est-il emprisonné en France depuis plus de 35 ans ? Pourquoi est-il considéré par les Palestinien(ne)s comme un de leurs prisonniers ? À bien des égards, l’histoire de Georges Abdallah est à la fois celle d’une époque mais aussi celle d’une gauche arabe aussi riche que méconnue. Fedayin, le combat de Georges Abdallah retrace le parcours d’un Libanais, engagé auprès de la lutte palestinienne en plein cœur de la guerre civile libanaise. De la Nakba (1948) à Septembre Noir (1970) en Jordanie, puis l’occupation israélienne du Liban (1982), des camps de réfugié(e)s palestinien(ne)s qui ont forgé sa conscience, à la mobilisation internationale pour sa libération, nous allons à la découverte de celui qui est devenu l’un des plus anciens prisonniers politiques d’Europe : Georges Adballah. Nous suivons son engagement dans la résistance palestinienne pendant la guerre du Liban puis en Europe au sein des FARL (Fractions Armées Révolutionnaires Libanaises). Puis nous le retrouvons en France où il sera arrêté en 1984 et condamné pour complicité dans des exécutions politiques de représentants des États-Unis et d’Israël. Georges Adballah est libérable depuis plus 1999 et est entré dans sa 37e année de détention, faisant de lui un des plus vieux prisonniers politiques d'Europe. Au-delà de l'histoire judiciaire et politique qui caractérise le parcours de Georges Abdallah, le film retrace sa vie à travers une série d’entretiens au Liban, à la rencontre de sa famille, ses proches et des anciens compagnons de lutte, mais également en Europe avec son avocat, ses soutiens et des personnes qui l’ont côtoyé."

Les échangés étaient animés notamment par Pierre Stambul[1] venu de Marseille, militant depuis 2002 dans l’Union Juive Française pour la Paix pour les droits du peuple palestinien et pour une paix au Proche-Orient fondée sur l’égalité et la justice, ainsi que Layla, militante fondatrice du collectif Urgence Palestine[2]. En voici les grandes lignes retranscrites :

Pierre Stambul : « Je dis juste quelques petits mots en plus du film. Moi j’ai rencontré Georges sept fois, et on ne sort pas indemne de six heures de discussions avec Georges. C’est vraiment passionnant. Il a réussi à rester extrêmement lucide, extrêmement fort physiquement et intellectuellement. […] Georges […] c’est la Palestine, c’est la révolution et il parle comme un révolutionnaire des années 70. Quand on parle de l’Autorité palestinienne, il l’appelle la bourgeoisie compradore […]. En même temps c’est un incroyable déni de justice. Je rajoute des petites choses qui ne sont pas dans le film. Il avait un avocat commis d’office [Jean-Paul Mazurier] à son procès où il a été condamné à perpétuité. Le soir du procès, l’avocat dit : « Je suis un agent de la DST[3] ». Le procès n’est pas refait. 10 ans après son arrestation, on le connaît, c’est une crapule. Il est passé depuis au Front National, lui qui a été député Rassemblement Pour la République (R.P.R.) et qui était à l’époque dirigeant de la DST, il dit : « C’est moi qui ai mis les armes dans la chambre où on les a retrouvées. Georges Abdllah n’a rien à voir avec ça ». Et le procès n’est pas refait. Il [Georges] a déposé une nouvelle demande de libération qui va être examinée dans 2/3 mois. La seule difficulté, vous la comprenez, c’est que le ministre de l’Intérieur doit signer l’acte d’expulsion, et vous connaissez le nom du ministre de l’Intérieur actuel, donc ça pose évidemment quelques problèmes. Georges sinon il est, ce qui est dit dans le film, il est sans arrêt… il écoute la radio soudanaise quand il y a la révolution au Soudan… Quand on le voit, il m’interroge sans arrêt sur Gaza, sur la Palestine, sur l’Union Juive Française pour la Paix. C’est un révolutionnaire et la question palestienne évidemment est totalement au cœur de ce qu’il est.

Une intervention demande de préciser les nouvelles quant à une éventuelle libération de Georges Abdallah.

Pierre Stambul : La seule nouvelle qu’on a, je vous l’ai donnée, il a fait une nouvelle demande de liberté. Donc il y aura probablement un jugement comme celui de 2012, et il y aura de fortes chances pour qu’une fois de plus la Justice dise qu’il doit être libéré. Mais pour qu’il soit libéré il faut la signature d’un acte d’expulsion vers le Liban. Au Liban, toutes les factions sont d’accord avec sa libération. Il a été visité par la ministre de la Justice du Liban. Il a été visité deux fois par l’ambassadeur du Liban. Mais je le répète, il faut que le ministre de l’Intérieur français signe l’acte d’expulsion… Si. Il y a une toute petite nouvelle, c’est que Macron a répondu au comité de soutien en disant à peu près rien : que la justice en France était souveraine et tout… Mais…enfin, elle est souveraine mais c’est la politique qui décide si oui ou non il est libéré.

[…]

Layla : Pour ce qui nous concerne on le dit, en tant que Palestiniens […], on exprime très fortement cette opposition à ce qui est en train de se passer en France mais pas que… En fait, c’est une manipulation qu’ils ont réussi à mettre en place. De faire assimiler le sionisme à… au… au sémitisme si l’on peut dire. De telle façon que, si l’on critique l’État d’occupation, on est taxé d’antisémite. Et c’est effectivement quelque chose qui revient régulièrement et qui est aujourd’hui en passe, en France, de devenir une mode. Il y a une proposition de loi qui est fait actuellement par certains députés, pour qu’il y ait une véritable assimilation entre l’antisionisme et l’antisémitisme. Donc on insiste effectivement sur le langage. On insiste sur la précision du vocabulaire. Et c’est très clair en ce moment également : la visibilité du langage médiatique et le double standard. […]  Par exemple, on dit d’eux [les occupants] qu’ils « ont été tués », alors qu’on dit de tous les Palestiniens qui sont « assassinés » par Israël, qu’ils sont morts. Malheureusement ils sont morts, comme ça, naturellement ! On est en train de dire qu’à Gaza il y a la famine, on est pas en train de dire que ce sont les sionistes qui sont en train de les affamer. Comme si c’était une cause naturelle : « Ah bah dommage, il y a eu des inondations, ils n’ont plus de terres à cultiver ! ». Ce n’est absolument pas ce qui est en train de se passer. Israël est en train d’affamer les Palestiniens, de Gaza en particulier. Israël est en train de faire en sorte qu’il n’y ait plus rien qui puisse parvenir chez nous. Nous […] on n’est pas frileux d’utiliser les bons termes. Effectivement aujourd’hui, il y a une question qui se pose sur la classe politique française et sur l’ensemble des forces même solidaire en France. Parce que même nous, en tant que Palestiniens, on mène un combat depuis des années pour pouvoir porter notre propre parole et avec nos propres mots. Et à chaque fois on vient nous dire : « Ah non non non, là c’est un peu trop… ! Ah non, là ça frise l’antisémitisme… etc ». Donc on revendique de pouvoir parler sans qu’il y ait besoin d’un patriarcat qui nous dise ce qu’on peut et ce qu’on ne peut pas dire. Il y a aujourd’hui une force qui est la force armée de la résistance palestinienne. Ce mot-là n’est pas non plus utilisé, on n’utilise même pas le mot de « combattant », on utilise les mots de « terroriste », les mots vraiment qui font en sorte que l’on soit ciblé. […] Aujourd’hui, il y a énormément de comités qui relèvent ce qui se passe dans les médias de façon à pouvoir le reporter à l’Arcom[4], et à d’autres juridictions plus importantes peut-être concernant le double-standard dont je viens de parler. […] Faites en sorte que le poids du peuple des auditeurs, et des téléspectateurs, soit entendu, et soit lourd pour eux. Qu’ils comprennent qu’on n’est pas des idiots. On veut dire la vérité, on veut entendre la vérité. Et on fait en sorte de la diffuser à nos niveaux, grâce aux réseaux sociaux qui sont aujourd’hui aussi une arme entre nos mains. Donc il faut continuer de les investir malgré le fait qu’il y ait une sécurité de leur part qui est également complice avec les sionistes. Ils essaient de faire en sorte que l’on ne puisse pas diffuser ce que l’on veut. Qu’on ne puisse pas diffuser certaines choses avec des prétextes évidemment fallacieux. Donc continuez de diffuser autant que vous le pouvez les informations sur tous les médias qui sont à votre disposition.

Pierre Stambul : […] Sur tout l’aspect concernant la paire « sionisme/antisémitisme ». Alors d’abord, le mot « terrorisme » n’est pas défini dans le droit international. Ce qui est défini dans le droit international c’est « crime de guerre », « crime contre l’humanité », « apartheid » et « génocide ». Et Israël coche les 4 cases. Par exemple, certaines personnes pensent que le mot « génocide » veut dire « extermination » : ça ne veut pas dire que ça. Ce qui se passe à Gaza : avoir déplacé plus de 90% de la population, les affamer, les priver d’eau et détruire les abris où ils sont allés, ça s’appelle un génocide. Donc là-dessus, il n'y a absolument pas photo. Plus d’1,5 % de la population de Gaza est morte en 3 mois. Et dans la France occupée, pendant la Deuxième Guerre mondiale, il y a 1,5 % de la population qui est morte en 5 ans. Ça donne une échelle du génocide qui est en cours. Si le mot « terroriste » signifie de ne s’en prendre qu’aux populations désarmées, les 35 000 morts et disparus qu’il y a à Gaza, si ça ne s’appelle pas du terrorisme, c’est quoi ? Bien évidemment et j’ai même envie de dire, les Alliés quand ils ont bombardé Hiroshima ou Dresde pendant la deuxième guerre mondiale, c’étaient bien des populations désarmées, et on ne les a pas taxés de terrorisme. Donc on comprend bien que cette arme-là, je dis dans le film qu’elle a été appliquée aux résistants français, c’est évidemment un langage de l’ennemi. Toujours dans le langage de l’ennemi, le mot « antisémitisme », c’est une invention de l’ennemi. C’est Wilhelm Marr, un des premiers racialistes de la fin du XIXème siècle, qui invente ce mot. Mais les races ça n’existe pas. Ni les aryens, ni les sémites. Il y a des langues sémitiques qui étaient l’araméen, l’arabe, l’hébreu, mais il n’y a pas de races. Ce mot-là a évidemment été inventé à un moment donné où on a classifié les humains, les « races » entre guillemets, qui étaient considérées comme inférieures dans les pays colonisés : c’étaient l’Indien, l’Arabe et le Noir. En Europe, c’étaient le Juif et les Tsiganes. Mais ce mot-là, je le répète, c’est un mot de l’ennemi. Sur l’histoire « antisémitisme/antisionisme » , écoutez, le couple ce n’est pas celui-là. Le couple depuis 120 ans c’est « sionisme/antisémitisme » . Les sionistes, il y a 120 ans, comme les antisémites, avaient une même lutte : que les Juifs quittent l’Europe. Ils avaient la même idée que Juifs et non-Juifs ne pouvaient pas vivre ensemble. Et cette idée meurtrière, elle a mené au fascisme actuel et au génocide. Donc c’est ça qu’il faut comprendre, et aujourd’hui, c’est, ça vient d’être dit, tout l’extrême droite raciste et antisémite qui soutient Tsahal parce qu’ils soutiennent le génocide, parce qu’ils soutiennent l’enfermement des populations réputées dangereuses, et parce qu’ils soutiennent toutes les politiques qui ont mené à Pegasus[5], et à la surveillance et à la répression, et au fait que dans les manifestations, ce sont souvent des gaz lacrymogènes israéliens que vous allez respirer. C’est pour ça qu’Israël est soutenu, c’est pour leur État.

Intervention d’une militante du Collectif Femme Vie Liberté basé à Nantes: On peut voir que le Hamas a été mis en avant dans les médias, mais c’est quoi la réalité ? Est-ce que là-bas c’est vraiment le cas ou pas ? Est-ce qu’il y a d’autres militants à part les militants du Hamas ? Et puis comment on les compare, le Hamas, ou en général, disons la résistance aujourd’hui, et les résistants qui militaient avant surtout à l’époque de Georges Abdallah ? Est-ce qu’ils sont comparables, ou pas ? Et puis qu’est-ce qui a changé depuis ?

Layla : Alors… A Gaza et en Palestine, de façon générale, évidemment, il y a plusieurs forces armées. En fait, tous les partis ont leur branche armée. L’opération du 7 octobre a été menée en commun avec les 6 forces armées majoritaires - à savoir Hamas évidemment, qui est mis en avant ici […]. Il y a le djihâd islamique dont on a aussi parlé un petit peu puisqu’il a été aux côtés du Hamas au moment de l’échange pendant la trêve. Il y aussi les forces de Fatah, qui sont Les Brigades des martyrs d’Al-Aqsa, la branche armée du Fatah. Oui, il y a bel et bien une branche armée du Fatah, contrairement à ce que l’on pourrait laisser croire parce que Fatah […] représente l’Autorité palestinienne. Il y a également le FDLP (Front démocratique pour la libération de la Palestine) et le FPLP (Front populaire de libération de la Palestine) qui sont présents.  Donc toutes ces forces, toutes ces factions ensemble travaillent sur le terrain et ont des liens politiques également. Comme le prisonnier basque qui parlait de Georges en disant : « la prison est une activité politique ». En Palestine, la prison est une activité politique. Les prisonniers ont souvent eu ce rôle de lier les différentes factions et les différents partis palestiniens. Donc ça, ça se passe aussi chez nous. Dans les prisons de l’occupation, les principales factions et principaux partis travaillent ensemble et travaillent aussi à influencer ce qui se passe à l’extérieur de la prison, dans tous les territoires de la Palestine.

Pour ce qui concerne la comparaison entre la façon de militer ou de résister à l’époque de Georges Ibrahim Abdallah et maintenant, évidemment que depuis […] la géopolitique de la région a totalement été bouleversée. On sait qu’au Liban – s’il y a des Libanais dans la salle - le gouvernement est totalement fantoche si ce n’est pas fantôme. Qu’il y a eu l’explosion du Port de Beyrouth il y 3 ans maintenant [...]. Il y a également une grosse tentative de déséquilibre des forces du Liban, et notamment du Hezbollah, qui aujourd’hui est également un bouton sur lequel tout le monde voudrait pouvoir appuyer, de façon à atteindre l’Iran, de façon à envisager une guerre plus régionale et l’entrée plus active encore des États-Unis sur le terrain du Moyen-Orient. Et l’on sait évidemment qu’après l’Irak, après l’Afghanistan, les États-Unis ne sont pas en position de force dans la région et c’est pour ça qu’ils freinent un petit peu. Mais malheureusement ils sont déjà impliqués. Ils ont énormément de bases, ils ont aussi, malgré, et c’est pareil, le double discours de beaucoup de régimes arabes notamment de l’Arabie saoudite. Ils ont des bases américaines qui sont déjà dans le Moyen-Orient et qui sont prises pour cibles par les forces de résistance en général, autour du Yémen évidemment comme on l’a entendu ces derniers temps.  Il y a tout ça qui est en jeu en fait et donc non : la façon de résister aujourd’hui n’est pas la même. Il y a eu énormément de désillusions au sein des forces armées palestiniennes parce que depuis il y a les accords d’Oslo qui ont mis en place un jeu de pouvoir qui est complètement là aussi au service de l’occupation en Palestine. Ils ont mis en place une Autorité palestinienne qui n’a d’autorité que le nom, et qui n’a absolument aucun pouvoir autre que celui de collaborer avec l’occupant. Donc aujourd’hui notre résistance est mise à mal par ce qui était censé être notre représentant en fait ! Donc non… on est dans une situation qui pousse la résistance à être complètement clandestine […]. Et qu’aujourd’hui, c’est pour ça qu’on insiste sur le fait que la résistance palestinienne, elle ne défend pas que la Palestine comme le disait Pierre Stambul. Les armes qui sont utilisées aujourd’hui contre les protestations, contre les oppositions que ce soit en France ou ailleurs dans le monde, elles viennent d’Israël, elles viennent d’armes qui sont testées d’abord sur les Palestiniens.

Pierre Stambul : J’ai eu la possibilité d’aller deux fois à Gaza, en 2013, et en 2016. Lors du séjour de 2016, j’ai rencontré en tant qu’Union Juive Française pour la Paix, la direction politique de tous les partis politiques de Gaza. Donc un représentant du groupe parlementaire du Hamas et un autre député au parlement, la direction politique du Djihâd islamique ce qui n’est pas évident mais on y est arrivés, deux dirigeants du Fatah, la direction politique du FPLP dont Mariam Abou Daqqa qui a été chez moi à Marseille et qui a été arrêtée là-bas, puis à Paris, avant d’être expulsée[6]. J’ai rencontré aussi les dirigeant du Parti Communiste, et d’autres petits partis de Gauche. Ce qui se passe aujourd’hui ce n’est absolument pas une Guerre Israël-Hamas, c’est une guerre de destruction et d’éradication de l’État d’Israël contre le peuple palestinien. Ce qui se passe aujourd’hui ce n’est absolument pas une riposte ou des représailles parce que la Palestine est attaquée. Les Palestiniens ont été expulsés de leur propre pays il y a 75 ans. Gaza et la Cisjordanie, Jérusalem-Est sont occupés depuis 56 ans. Gaza vit sous blocus intégral, par terre, par mer, et par air depuis 17 ans, et il y a eu, avant le 7 octobre, une série de bombardements qui ont fait plus de 5000 morts. Et quand les Gazaouis, on voit quelques images dans le film, ont protesté pacifiquement lors des marches du retour de 2018/2019, le résultat ça a été 350 morts et 10 000 estropiés, donc il s’agit pas du tout d’une violence de représailles. L’attaque contre le peuple palestinien, elle est permanente. La seule chose que je veux rajouter c’est que j’ai rencontré à Gaza, pendant que nous on était avec la société civile, avec la pléthore d’associations petites et grandes qu’on trouve dans toute la Palestine. Et il y avait quand même un sentiment de... D’abord Gaza c’est très libre. Vous rentrez dans un taxi collectif, immédiatement c’est : « Vive le Hamas ! », ou « Non à bas le Hamas, c’est des corrompus ! ». Les gens discutent. Dans une même famille, vous avez un fils qui est au Hamas, un fils qui est au Fatah, un fils qui au FPLP, et un autre qui est au djihâd islamique. Et c’est fréquent. Bien évidemment, c’est ça la société de Gaza. On y discute extrêmement librement. Mais, moi j’ai senti un très fort sentiment de dégagisme quand même, une espèce de rancœur contre les partis, contre leur division. Et ils disent : « Leur division c’est une victoire de l’occupant. Il nous manque un Nelson Mandela. Ils luttent pour leur propre intérêt ». J’ai un peu enquêté sur… en les interrogeant à fond, et Hamas et Fatah… sur la division. Il n’y avait pas la moindre chance qu’il y ait une réconciliation parce qu’il y a des intérêts y compris de pouvoir et de fric qui bloquent absolument toute espèce de réconciliation. Donc enlevez-vous de la tête que Gaza c’est les Partis politiques. Gaza c’est avant tout une société extrêmement libre, une société très très éduquée. Il y a 1% d’illettrés à Gaza, il y a 100 000 étudiants dans 6 Universités, il y a 21 000 diplômés chaque année… Une société où l’on discute librement, une société qui s’auto-organise pour le préscolaire, le périscolaire, pour l’entraide. Et vous avez vu les images à la télé… les conneries sur les tunnels sous l’hôpital Al-Shifa, qui sont aussi crédibles que les armes de destruction massive en Irak[7]. Moi quand je suis à Al Shifa - je dis ça parce que pour moi Gaza c’est ça - c’est la psychologue, la seule salariée de l’hôpital Al Shifa qui dit : « On ne peut pas travailler, on a un besoin d’aides psychologiques énorme pour les soignants et pour les malades ». Elle prend sa page Facebook, elle demande des psychologues diplômés. 100 réponses, qui acceptent de travailler gratuitement. Elle leur fait passer un examen, elle prend vite les 26 meilleurs. 23 femmes et 3 hommes. C’est aussi le niveau des étudiants de Gaza : tous avec des diplômes, et 5 ans d’études. Et quand je leur demande : « Pourquoi vous accepter de travailler gratuitement, et même de payer le taxi collectif et les uniformes ? ». Ils nous disent : « De 1 : on ne peut pas laisser notre société s’écrouler. Et 2 : un jour le blocus s’arrêtera. On a de l’expérience, on aura du travail ». Donc Gaza c’est ça. Ce n’est pas toutes les conneries qu’on peut entendre dans les médias et les diffamations.

[…]

Pierre Stambul : Elias Sanbar, dans le film Le Char et l’Olivier[8], il dit : « En 1948, si on avait dit aux Palestiniens et à mon père. Vous partez, mais c’est pour toujours, ils auraient préféré se faire tuer sur place ». Aujourd’hui il y a une situation extrêmement désespérée à Gaza. Il y a des gens, y compris mes proches, qui demandent qu’on les sorte. Il n’empêche, d’abord ils n’ont nulle part où aller. Il n’y a pas de pays arabes, de dirigeants arabes qui soient prêts à tenter le suicide de les accueillir. Ils n’ont nulle part où aller. Donc la question elle n’est pas aujourd’hui s’ils vont partir, mais qui va les chasser ? Le but d’Israël c’est la Nakba, c’est de les virer. Mais la signification, c’est qu’on est revenu 75 ans en arrière, et qu’on va avoir des millions de personnes sous la tente, et c’est la déstructuration de la société palestinienne qui est importante. […] Sur une autre partie de ce qui a été dit, Israël n’assure pas la sécurité des Juifs. Je veux dire s’il y a bien un pays où les Juifs sont en insécurité, c’est bien en Israël. Et tant qu’ils détruiront le peuple palestinien, ils seront en insécurité. Il n’y a pas de paix sans justice. Il y a un côté, nous avons écrit, l’Union Juive Française Pour la Paix, un communiqué il y a quelques jours qui disait : « Ils exterminent la population palestinienne mais ils tuent le judaïsme. Ils ont une idéologie qui est criminelle pour les Palestiniens, mais qui est totalement suicidaire pour les Juifs ». Et ça c’est quelque chose qu’il faut dire à ceux qui acceptent l’horrible guerre et le génocide qui sont actuellement menés. Ils en subiront bien-sûr les conséquences. Comme d’autres, les pieds noirs en Algérie, ont subi les conséquences de ce que faisait l’OAS. Donc ça c’est quelque chose qui est à dire aujourd’hui. Ils mettent en danger le judaïsme.

J’ajoute, on parlait des États-Unis. Aux États-Unis, il y a une fraction importante des Juifs états-uniens qui se mobilisent pour la Palestine. Notre association sœur, Jewish Voice for Peace[9], a occupé la statue de la liberté. Ils ont occupé la gare centrale de New-York avec des cris : « Jews against genocide », les Juifs contre le génocide. Ils sont debout néanmoins.

Intervention d’un membre de l’association Les Amis d’Abu Dis solidarité Palestine basée à Rezé : Moi ma question, c’est que concernant la jeunesse, et concernant les nouveaux dirigeants qui vont émerger, on est où ? Parce que tous les prisonniers politiques sont en prison, toutes les personnes qui pouvaient reprendre le mouvement politiquement, j’en connais pas beaucoup. Donc si vous avez des informations à nous apporter pour le futur de la Palestine... ? Et notamment avoir des nouvelles de l’autre prisonnier politique, Marwan Barghouti… ? 

Layla :  Alors, il y a comme on a dit, des chefs ou des pressentis qui ont été arrêtés et qui sont maintenus en détention par l’ennemi depuis des années. Et l’on sait très bien pourquoi ils ne les relâcheront pas. S’ils les relâchent, on a toujours le doute que ce sera pour servir leurs intérêts. Ils sont, pour le coup je parle de mon avis personnel ici, ils sont à mon avis beaucoup plus utiles aujourd’hui à unifier les mouvements dans les prisons, que de servir de cibles à l’extérieur. Malgré tout, ils sont toujours une cible en étant en prison, on sait très bien ce qui s’y passe. Au-delà de ça, il y a aujourd’hui une résurgence dans tous les mouvements de résistance, dans toute la Palestine, avec notamment Jénine, un bastion de la résistance, aujourd’hui sur le devant de la scène. Il y a évidemment de plus en plus de jeunes qui ne se reconnaissent pas comme le disait Pierre Stambul. Il parlait de la situation à Gaza mais c’est le cas dans toute la Palestine, et même au-delà, dans les Partis dits traditionnels qui sont nés d’un modèle occidental. Donc les Partis aujourd’hui politiques, de la même façon que en France je pense, avec le mouvement des gilets jaunes et jusqu’à aujourd’hui on peut le voir, il y a eu une grosse désillusion sur la représentativité et la réalité d’une démocratie sur le modèle occidental telle qu’il nous l’est vendu. Et donc il y a effectivement une double question : c’est-à-dire que, est-ce que l’on veut que des figures émergent de ce modèle-là ? Auquel cas ils vont nous en trouver, y’a pas de problème, et malheureusement ce ne sera jamais une solution pour nous. Et si ça n’émerge pas de ce modèle-là, d’où vont-ils émerger aux vues de ce qu’ils font à la jeunesse palestinienne aujourd’hui ? La jeunesse palestinienne aujourd’hui qu’elle soit sous les bombes et donc avec un lot de personnes au minimum handicapées, orphelins, blessés à vie pour x ou y raison… C’est-à-dire qu’aujourd’hui il y a quand même des milliers d’enfants qui ont perdu au moins un membre, qui se retrouvent peut-être sans famille, qui n’ont plus de cocon familial, qui n’ont plus de sécurité psychologique ou affective, qui n’ont plus de sécurité physique - cela va sans dire, mais ça c’est comme toute la population actuellement. Comment vont-ils grandir ? La population, la jeunesse d’aujourd’hui palestinienne, à l’extérieur de Gaza, à l’extérieur même de Palestine aujourd’hui, comment va-t-elle grandir ? Parce que malgré tout nous sommes ici aussi soumis à un traumatisme. On voit notre peuple se faire massacrer. On voit les vidéos et on se sent inutiles. Et pourtant on ne peut pas leur devoir ça, et de regarder ce qui se passe. Et donc nous sommes aujourd’hui tous, soumis à ces traumatismes. Qui va émerger et comment ? Et est-ce qu’on doit émerger dans le cadre qui nous est imposé par l’occident et l’impérialisme ? […] Regardez le théâtre de La Cour Internationale de Justice. Regardez le théâtre de l’ONU. Aujourd’hui, sous prétexte qu’il y a un peu moins d’un siècle en Europe on a commis un génocide contre des Juifs, et autres d’ailleurs, parce qu’il n’y avait pas que des Juifs à l’époque qui étaient ciblés bien évidemment. Sous prétexte de ça, on a 5 puissances occidentales qui imposent un VETO sur absolument tout ce qu’elles souhaitent, à tout le reste du monde. Et notamment aujourd’hui les États-Unis en soutien à l’occupant en Palestine. Et notamment aujourd’hui, on nous parle de droit international, de droit humanitaire, de droit tout ce qu’on veut, des droits de l’Homme, des droits de l’enfant et des résolutions de l’ONU, qui n’ont jamais été suivis d’effets, ni en les faisant appliquer […]. Dans quel modèle veut-on qu’on émerge en tant que leader aujourd’hui de la mobilisation ? Parce qu’il faut comprendre aujourd’hui qu’on veut imposer une espèce d’uniformisation de la pensée politique dans le monde entier en refusant des modèles qui ne correspondent pas à ce qu’on nous a imposé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Donc aujourd’hui on veut, on cherche des figures. Mais les figures qui vont émerger ne correspondront pas à ce qu’on nous donne. En tout cas de toute façon pour ce qui nous concerne, ce n’est pas encore envisageable. Il faut qu’on arrive nous à remettre en cause le système mondial actuel, à remettre en cause le système tel qu’il est des organisations supranationales comme l’ONU dont j’ai parlé, mais aussi comme l’Europe. L’Union européenne qui est construite sur un modèle dit démocratique, je vous l’ai dit je crois dans une intervention, vous allez voter pour le parlement européen. Le parlement européen va représenter la voix de ceux qui l’ont élu, et la commission européenne va dire : « on s’en fout, on ne va rien y faire ! ». Voilà. Et c’est ce qui s’est passé dans les années 2000, quand ils ont voté la suspension des accords avec Israël, parce que c’est prévu dans chaque préambule d’accord qui est convenu entre l’Europe et l’État occupant, donc ces accords sont conditionnés au respect des conventions du droit international qu’ils se sont fixés eux. Nous on ne leur a rien demandé. Ça fait partie du préambule qu’ils se sont fixés eux et qu’ils ne sont même pas en capacité de faire respecter. Donc nous, ce modèle-là ne nous convient pas. Clairement, je pense qu’aujourd’hui il faut une révolution mondiale contre ça. Une révolution qui dise : on a marre que les trois quarts de la planète soient dirigés par les 5 puissances qui ont le droit d’un VETO permanent au conseil de sécurité de l’ONU, alors qu’on n’est pas d’accord avec ce qui est en train de se faire. Donc il faut revoir cette réalité, cet équilibre des forces, qui n’est pas aujourd’hui représentatif de l’état du monde. Quand ça ça aura été vu, je pense que l’on pourra envisager et rechercher les personnes qui réellement pourront porter la voix des Palestiniens. Et commençons aujourd’hui, quelque chose qui ne nécessite pas nécessairement la personnification d’une lutte. Salah Hamouri l’a dit : tous les Palestiniens aujourd’hui portent en eux la résistance, et comme l’a aussi dit notre frère dans le film, le jeune palestinien réfugié du Liban, parce qu’ils existent, parce qu’ils portent leur cause et la parole de notre lutte.

Pierre Stambul : Sur la question, ne jamais oublier que Israël ne veut pas être partenaire pour la paix. Et donc chaque fois qu’elle [la Palestine] risque d’en avoir un [représentant], elle l’élimine, elle l’emprisonne, elle l’humilie. Il y a eu un élément où les voix prépondérantes de la Palestine à l’époque de Georges Abdallah, c’était le FPLP. C’était la lutte armée et tout. Aujourd’hui toute la direction du FPLP, Ahmad Saadat en tête, est en prison, arrêtée par l’Autorité palestinienne. Et je suis évidemment entièrement d’accord sur le fait que c’est une autorité pétainiste. Donc aujourd’hui si l’on regarde un peu, tous les partis politiques ont des prisonniers emblématiques. J’ai cité le FPLP, mais il y a 21 maires ou députés du Hamas qui sont en prison. Toute la direction du djihâd islamique a été littéralement exterminée. On les met très peu en prison et la plupart des temps on les tue, ou comme Khodr Adnane qui est mort en grève de la faim. Le Fatah aussi a aussi son prisonnier emblématique qui est Marwan Barghouti et qui n’est évidemment pas de la même tendance que Mahmoud Abbas. Donc voilà il faut avoir cette idée en tête. Est-ce que des figures peuvent émerger ailleurs en Palestine ? Il y a, je pensais moi à La Tanière des Lions, je pensais à des jeunes à Naplouse, à Jericho et Jenine qui savent que… Ils me font penser à une des dernières paroles de mon père, qui était pourtant devenu réactionnaire, mais qui avait été dans le groupe Manouchian, et qui m’avait dit deux mois avant sa mort : « Tu sais, on savait que si on combattait pas on était condamnés à mort, et que si on combattait on était condamnés à mort. Alors on a choisi de combattre ». Je pense qu’aujourd’hui ils sont tout à fait dans cette situation-là. Alors ce que je dis c’est que soutenir les Palestiniens ce n’est pas forcément chercher quelle force ou quel leader ils vont se donner. Pour moi, il y a vraiment deux aspects. L’un c’est d’aider la société palestinienne à rester debout, qu’ils ne subissent pas ce que les Amérindiens des États-Unis, ou les Aborigènes d’Australie ont subi c’est-à-dire de ne plus faire société. Parce qu’un peuple peut être vaincu, on a ces exemples-là. Et la deuxième chose, c’est que la lutte elle se fait chez nous. C’est-à-dire : c’est nous qui devons par la puissance de nos manifestations être suffisamment forts pour obliger le gouvernement complice à sanctionner cet État et à enfin changer de politique. Je rappellerai que dans l’Histoire, deux fois Israël a été sanctionné. En 1957, il y a eu un vote conjoncturel du conseil de sécurité leur demandant d’évacuer le Sinaï. Ils l’ont évacué en 15 jours.  En 1991, George Bush père voulait remodeler le Proche-Orient, voulait que des négociations commencent. Yitzhak Shamir avait refusé, mais son gouvernement est tombé en deux semaines. Donc ça veut dire que si nous on est assez forts pour imposer des sanctions, si le mouvement BDS[10] est entrain de reprendre de la force, qui vient de remporter des victoires avec Puma, qui est en train de mettre sérieusement dans la merde Carrefour pour sa collaboration avec l’occupation. Si on arrive à avoir des succès de ce côté-là, c’est extrêmement important, on pèse dans le rapport de force. Et les Palestiniens, ça dépend beaucoup de nous.

Intervention du public : C’est juste par rapport à la solution de l’Etat Palestinien. On sait toujours parler de la solution des deux États, on sait que le gouvernement sioniste renonce à cette position-là. Comment vous envisagez une solution de résolution politique?  

Layla : Comment on l’envisage ? Dans un premier temps, on est évidemment la tête en plein dans ce qui en train de se passer aujourd’hui. Depuis quelques années, a été initié une réflexion sur l’après. L’après, et aujourd’hui avec toutes les conséquences que l’avant a eu, c’est d’abord la réparation. La réparation c’est le droit au retour de tous les réfugiés sur toute la terre de Palestine. Et c’est la seule chose qui compte de façon à libérer toute la Palestine. Parce qu’un régime colonial en terre de Palestine n’a pas plus le droit d’être qu’un régime colonial ailleurs dans le monde, sous prétexte que ce sont des Juifs qui ont eu - alors je ne sais pas si à l’époque ça se voyait comme ça - ce privilège qui leur était octroyé comme si c’était une réparation par rapport à ce qui s’était passé en Europe. Ça ne doit pas effacer que c’est une blessure, quelque chose vraiment qui a des conséquences aujourd’hui. Si aujourd’hui moi, je ne vis pas en Palestine, si je n’ai pas le droit de vivre en Palestine, c’est parce que l’Europe s’est octroyé le droit de donner mon pays et de faire de ma famille une famille de réfugiés. Donc réparons et la réparation commence par l’admission qu’il y a eu une erreur. L’erreur a été commise par un tiers qui a donné un pays qui ne lui appartient pas, à un peuple qui n’avait pas de pays, qui n’avait même pas un lien réel de nation - au terme d’État nation tel qu’on l’entend. Donc ils ont mis en place un État sur des termes religieux, alors même qu’ils remettent en cause les États religieux autour. Donc il y a énormément de choses de ce côté-là qui sont éventuellement à reprendre avant même d’envisager une solution. 1 État, 2 États, 3 États, 10 000 États, pas d’État…encore une fois, il y a d’abord et avant tout une discorde originelle qu’il va falloir régler. Et ça il faut aussi du coup revenir dessus. Et à ce propos, je vais juste préciser sur deux choses. L’État sioniste a été admis à l’ONU sous condition de faire respecter notamment l’apparition d’un deuxième État sur la terre de Palestine et de faire respecter les résolutions et notamment le droit au retour. Jusqu’à aujourd’hui ça n’a pas été fait. L’état sioniste est toujours membre, protégé même, de l’ONU. Encore une fois, on revient sur ce que je disais tout à l’heure, dans quel cadre on veut aujourd’hui que le monde connaisse la justice et le droit ? Parce que dans le cadre qui nous est proposé aujourd’hui ça n’est clairement pas possible pour tout le monde. Nous ce que l’on veut, c’est rétablir la justice et donc la justice passe avant le droit, puisque pour faire respecter le droit il faut la justice. […]

Pierre Stambul : Je pourrai dire en plaisantant, deux États sont possibles et souhaitables, et c’est une réalité. Quand vous allez là-bas, en Cisjordanie, et que vous passez ce qu’on appelle la ligne verte, la première chose que vous vous demandez c’est : « Où est la frontière et où en est l’État palestinien ? ». […] Ce que je veux dire c’est que les Palestiniens ne demandent qu’une seule chose, je vais répéter ce que Layla a dit, c’est que le droit international soit appliqué. C’est-à-dire, qu’est-ce que c’est ? C’est la liberté. Ça veut dire la fin de l’occupation, la fin de la colonisation, la destruction du mur, la fin du blocus de Gaza, la libération des prisonniers. C’est l’égalité des droits pour tous les habitants et c’est la justice puisque le crime fondateur a été de foutre dehors le peuple palestinien, et donc le retour des réfugiés. On peut ajouter un autre point : le jugement des criminels de guerre. Donc j’ai envie de dire, c’est quand ces conditions-là, qui ne sont rien d’autre que l’application du droit international, seront respectés et acquises, que la question étatique et la question de la forme que ça va prendre sera posée. Le poser à l’envers, c’est une grosse erreur. Il faut le poser absolument avant la question du fait que les Palestiniens, comme tous les peuples du monde, ont droit à la justice, ont droit au droit international qui leur soit appliqué. Alors, il y a quelques petits trucs sur l’Occident et l’État d’Israël. D’abord les Juifs ce n’est pas un peuple. Je ne suis pas descendant de Judéens de l’Antiquité, je suis pas du tout proche-oriental, donc on est descendants de convertis de différentes régions et de différentes périodes. Et les descendants des Judéens de l’Antiquité en réalité ce sont les Palestiniens. Ensuite, la réparation. Il faut savoir que toutes les institutions sionistes qui ont expulsé les Palestiniens de leur propre pays ont été créés 40 ans, 30 ans avant Auschwitz, bien avant la Seconde Guerre mondiale. La banque coloniale juive, celle qui collectait les fonds pour acheter des terres aux féodaux absents pour expulser les métayers présents, c’est 1898. Le Front National Juif, celui qui plante des arbres au niveau des villages palestiniens, c’est 1901. La Histadrout, le syndicat dont l’article numéro 1 c’est La Défense des lieux de travail Juifs et dont la première action a été une action de boycott des magasins arabes, c’est 1920. Et c’est la Histadrout qui va créer la compagnie Solel Boneh des travaux publics ; la compagnie Mékorot des eaux, celle qui vole l’eau des Palestiniens ; la banque d’Hapoalim qui a créé l’agence juive et qui a créé la Haganah, l’ancêtre de cette vaillante Tsahal qui fait un génocide. Donc tout ça, ça a été créé dans les années 1920,1930, donc ce n’est pas une réparation. Tout était prêt pour que les Palestiniens soient expulsés. Il y a simplement eu un consensus absolument odieux de la communauté internationale en 1945, c’est de donner comme réparation, comme prix à payer de 2000 ans d’antisémitisme, d’un génocide qui avait tué deux tiers des Juifs européens, et que ce soit payé par les Palestiniens. L’État juif n’a pas été créé en Bavière, n’a pas été créé en Silésie, il a été créé en Palestine. Donc voilà, la réalité elle est celle-là. Sur l’ONU effectivement, la résolution 194 qui intimait le retour des réfugiés qu’a fait Israël - ils ont détruit tous les villages, ils ont effacé la trace de la Palestine et Israël est accepté à l’ONU avec la mention : « respecte le droit international ». […] Donc voilà, c’est cette impunité là qu’il faut faire absolument cesser. Et peut-être redire un peu ce qu’a été l’histoire, parce que les Palestiniens ont payé le prix.

Le film en accès libre sur youtube :

Fedayin, le combat de Georges Abdallah (FILM COMPLET) © Collectif Vacarme(s) Films

Quelques liens :

Le site du film : https://fedayin-lefilm.com/

Sa page facebook : https://www.facebook.com/fedayinlefilm

Le blog de Pierre Stambul : https://blogs.mediapart.fr/pierre-stambul

➡ vous souhaitez organiser une projection près de chez vous ? Contactez l’équipe de production et de réalisation du film : vacarmesfilms@gmail.com + https://www.facebook.com/vacarmesfilms

[1] Biographie militante de Pierre Stambul par Gérard Perrier : https://devoirdememoirebesoindhistoire.home.blog/2019/06/15/pierre-stambul/

[2] https://urgence-palestine.com/

[3] Direction de la surveillance du territoire : organe de renseignement du ministère de l’Intérieur.

[4] Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.

[5] Logiciel d’espionnage numérique conçu et commercialisé dès 2013 par l'entreprise israélienne NSO Group.

[6] https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/20/l-expulsion-de-la-militante-mariam-abou-daqqa-suspendue-par-la-justice-le-ministere-de-l-interieur-va-faire-appel_6195650_3224.html

[7] https://news.sky.com/story/secrets-of-the-tunnels-what-lies-beneath-al-shifa-hospital-13019619

[8] http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/53680_1

[9] https://www.jewishvoiceforpeace.org/

[10] Campagne Boycott, désinvestissement et sanctions : https://www.bdsfrance.org/

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