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Billet de blog 3 janvier 2012

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La Petite Ceinture

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Un endroit à part dans l’histoire du graffiti parisien, un lieu magique qui a été un spot incontournable que tous les premiers writers ont fréquenté… Le plus grand et le plus long terrain de graffes de France ! 

Un peu d’histoire pour commencer… La Petite Ceinture de Paris était une ancienne ligne de chemin de fer de 32 kilomètres de longueur, faisant le tour de la capitale à l'intérieur des boulevards des Maréchaux. Ouverte entre 1852 à 1869, elle fut dans les premières années exclusivement consacrée au transport de marchandises avant de l’être au trafic de voyageurs. La ligne d'Auteuil fut directement ouverte aux voyageurs en 1854 !

Désertée par les Parisiens en raison de la concurrence du métro, la ligne a été fermée au trafic de voyageurs en 1934, à l’exception de la ligne d'Auteuil, restée ouverte jusqu'en 1985 ! Aujourd'hui, elle est abandonnée et amputée d'une partie de sa longueur puisqu’une partie de la ligne d'Auteuil a été intégrée à la ligne C du RER.

La Petite Ceinture, une fois livrée à elle-même, devient rapidement un endroit underground, un no-man’s land dans la ville : les amateurs de trains s’y promènent, les cataphiles y empruntent certains passages plus accessibles et moins voyants, les amoureux s’y retrouvent, les enfants y vivent des aventures dignes de Stand By Me (j’ai connu ce lieu petit quand j’allais chez des cousins à la Porte de Vanves !)… Mais on y trouve aussi des Skins, des clodos, des toxicomanes, des

Comparé à nos visites dans un terrain comme celui de Mouton-Duvernet, peindre sur la Petite Ceinture à la fin des années 80 était une sorte d'escapade bucolique dans le XIIIe arrondissement. Rien à escalader, rien à enjamber, on entrait dans les entrepôts Sernam de la place Rungis comme dans un moulin. On attendait que les quelques manutentionnaires et autres chauffeurs de bahuts aient le dos tourné pour aller sur la voie. L'arrière du bâtiment était l'endroit idéal pour essayer bombes, dont quelques marques obscures récupérées à droite à gauche, nouveaux lettrages et effets avec les pointures des KGB comme Speak, Prez ou Ray, le futur Dealyt. On y allait de préférence quand il faisait beau avec quelques bières et, si les traverses n'avaient pas autant été jonchées de détritus, ça aurait pu être un bout de paradis. Les gendarmes de la Garde Républicaine qui habitaient dans la caserne Kellermann qui surplombe l'endroit appelaient de temps en temps les flics, quelques clodos traînaient dans les parages et quand on était en jambes, on se coltinait les enchaînements de tunnels et de plein air jusqu'au XVe arrondissement en posant un peu partout. Par la suite, c'était également notre moyen d'accès préféré pour aller dans les catacombes, via des chatières qui étaient creusées dans le premier tunnel et que la maréchaussée comblait régulièrement. Quand on avait la flemme d'aller dans le XIIIe, on y descendait aussi par l'avenue Jean Moulin.

Coke Star // KGB

Quand je devais avoir 14 ou 15 ans, j’habitais à Porte de Vanves et la Petite Ceinture passait juste derrière chez moi. On y accédait par plusieurs endroits et, à l’époque, on passait par là pour aller au parc Georges Brassens dans le XVe. À cette époque, on voyait souvent les signatures des Skins et aussi les personnages de Jérôme Mesnager. Mais je n’oublierais pas que ce qui avait capté mon attention c’est le Z des CTK ! Signature ultra stylisée et vraiment adaptée au contexte plus qu’underground de la Petite Ceinture, comme une énigme… Au début, je n’avais pas capté que c’était un tag : je croyais que c’était évidemment un groupuscule mais pas forcément associé au Hip-Hop. Ensuite, j’ai compris que c’était la signature de Bando car son blaze était à côté du fameux Z, au coté de celui du regretté Boxer. Avec du recul, je trouve que c’était vraiment courageux de tagger sur la petite ceinture car les tags n’étaient pas légions et les Skins étaient quand même très présent là-bas. On était avant l’époque des chasseurs de Skins et la Petite Ceinture et les catas étaient un peu la chasse gardée des Skins. On peut dire que poser dans la Petite Ceinture en 85 était dix fois plus risqué que de poser dans la rue. Quand je suis devenu Tee J (époque 87-89), je suis de nouveau retourné sur la Petite Ceinture pour descendre dans les catacombes…

Tee J // NTM

Boucles de ceinture…
Milieu des années 80, le Hip-Hop débarque en France et se répand comme un freestyle de Bronx Style Bob, embarquant dans son sillon les jeunes de tous milieux sociaux par sa fraîcheur, son innovation et son énergie imparable. Je suis le Mouvement. J'en suis. J'en serai. À jamais. D'une manière ou d’une autre. Cette promesse, beaucoup d'entre nous à l’époque l'ont faite, et s'aperçoivent aujourd'hui, quelque soit leur activité, producteur, designer, serveur ou balayeur, qu'elle n'a pas été totalement vaine. Cet état d'esprit vit en eux, en moi, intact, il m'accompagne, et a marqué toute une génération. Pour nous, apprentis taggeurs, graffeurs, MC's et breakdancers, la Petite Ceinture fut un de nos premiers terrains de jeux, au même titre que les rues, les couloirs, les tunnels puis les dépôts du métro allaient le devenir par la suite. C'est là que les "Posses" se croisent, que les danseurs se défient, que les taggeurs peaufinent leurs styles et esquissent leurs premières fresques, brûlures, flops, et autres Top to Bottom, au son des ghetto-blasters et dans une relative tranquillité (sans flics aux trousses j'entends, en tous cas au début). La Petite Ceinture, c'était le lieu de ralliement, de transition, un no-man's land, une zone de démarcation entre plusieurs mondes, la ville et la banlieue, le toléré et l'interdit, cet interdit dont la transgression allait vite devenir notre raison d'être, notre marque de fabrique, notre code d'honneur, marqueurs en pogne et bombes en manche. Chacun sa porte d'entrée. La mienne, c'était la Sernam, place Rungis, qui était aussi une des principales "plaque tournante" pour tous les cataphiles de la capitale. C'est là que Posh me bluffe par l'originalité et la pureté de son style, que CTHU ouvre le chemin des catacombes, que le magazine 1-Tox fait ses premières photos, et que je prends mes premières poses de "rappeur français" devant ses objectifs. C'est là que Beope me fait faire ma première visite des galeries, entre deux courses-poursuites avec les Skinheads nazis du quartier ; c'est aussi là que Nicolo Le Psycho et les Redskins leur font la guerre et la misère. C'est dans ce tunnel que j'ai fait ma première fresque et dans ces galeries que le personnage principal du scénario que nous terminons en ce moment avec Guillaume Adler, scénariste, écrivain, et ancien taggeur catégorie "acharné" (Seyo, CWA-AEC), donne vie à sa future fille. Tout ça à moins de 300 mètres de mon ancienne école primaire, au bout de la rue Kuss. En y regardant de plus près, que des bons souvenirs pour le p'tit gars du XIIIe que je suis. Alors, en guise de signature, à l'ancienne, prends mon tag dans ta face, et retiens bien : pour se saluer, on disait PEACE.

Phonk Aka Jeronimo Saer // 41Crew

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