Suite au débat entre Onfray et Badiou sur Médiapart en avril et dont j'ai dit le plus grand mal, je me suis replongé un peu dans l'onfrologie récente. On y découvre qu'il s'est fait lamentablement ratatiné par Tarik Ramadan en février et qu'il s'est lamentablement fracassé contre la papesse de la philosophie dominante (la déconstruction au sens large, genrée en particulier) en mars.
Je ne vais pas en rajouter à son sujet : ce n'est plus nécessaire. Son cas est clair pour tout ceux qui s'y intéresse. Plutôt que de critiquer ce que dit ou écrit Michel Onfray, je vais prendre la défense de Michel Onfray lui-même, une défense butlerienne ou plus précisément éribonienne.
La question qui me vient quand je lis le dernier oukase de Michel Onfray contre Judith Butler, c'est : c'est quoi le problème de Onfray ? Pourquoi cette agressivité, cette impatiente, non fondée et sans intérêt intellectuel ?
Et là, la réponse m'apparaît comme une évidence, un cas d'école de la déconstruction éribonnienne (je dis éribonnienne car c'est son œuvre qui m'a donné les concepts et la méthode, son œuvre et sa dernière incarnation bellegueulienne). Onfray vient d'un milieu populaire et il a été traumatisé par les milieux pédophiles catholiques (il faut écouter les interviews qu'il a pu donner pour le savoir). C'est quelqu'un de plus intelligent et de plus puissant que la moyenne. Il est professeur de philosophie et écrivain. Il donne des cours de philosophie pour adulte gratuitement. Il a emmené dans cette démarche d'autres intellectuels. Il a une grande culture et une grande puissance de lecture. C'est le signe clair d'une intelligence et d'une puissance supérieure. Ca n'en fait pas un géant, mais un esprit au-dessus de la moyenne. Alors c'est quoi son problème ?
Son problème, c'est son traumatisme et son origine populaire, c'est à dire les contraintes psycho-sociales qui l'ont empêché de gravir les échelons de la reconnaissance. Et le fait qu'il n'a pas fait le travail d'auto-analyse, de déconstruction psycho-sociale, qui lui permettrait de savoir où il en est et pourquoi il en est là. Onfray a oublié le précepte fondamental du philosophe : connais-toi toi même.
Il a tenté ce travail en s'en prenant littéralement mais aussi tripalement à la chrétienté. Sa critique de Paul est dans cette veine. Mais la démarche est mauvaise : le texte et mes tripes, ça ne fait pas de la philosophie. Ca fait tout au plus de la justice de café du commerce. C'est d'autant plus mauvais que ça donne une impression de puissance (la maîtrise du texte) qui enferme dans le dogmatisme. Pour aboutir à la conclusion que Dieu est ressuscité, c'est vraiment pitoyable.
Ainsi, n'ayant pas compris pourquoi il n'a pas la reconnaissance institutionnelle universitaire qu'il pourrait avoir, peut-être, s'il travaillait vraiment, il se contente d'une reconnaissance médiatique qui fait de lui le nouveau chien de garde des dominants.
L'inconscient étant ce qu'il est, une machine faite de concepts construits qui nous gouverne, la contradiction le taraude, inconsciemment. Contradiction entre une reconnaissance médiatique spectaculaire et futile parce que vide, creuse, sans substance, et le désir d'être tout simplement consolé et encouragé par un plus grand que soi, c'est-à-dire de se connaître soi-même et par-là de pouvoir rencontrer l'autre. Il finit donc par taper directement sur celui-là même qu'il n'a pas su rencontrer et qui est le miroir de son aveuglement, le pape de la déconstruction, dont le représentant en France, Didier Eribon, nous montre un parcours exactement inverse en partant du même point de départ populaire (lire par exemple : http://didiereribon.blogspot.com/2014/03/luniversite-la-recherche-et-la-montee.html).
Cette analyse rend Michel Onfray, avant toute chose, pitoyable.