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Une dame patronnesse est une personne qui organise des œuvres de bienfaisance. Comme elle, il existe dans les beaux quartiers, des dames patronales, elles-mêmes patronnes ou femmes de grand patrons.Tout autant que les dames patronnesses, les dames patronales sont connues pour leur bonté et leur sens de la compassion.
Nous sommes allés dans les beaux quartiers de Neuilly rencontrer quelques-unes d’entre elles.
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La célèbre violoniste Lindsey Stirling
Beaux quartiers, au domicile de Géraldine Mulliez, où nous assistions, attentionné mais aussi enthousiaste, au récital de la violoniste Lindsey Stirling. Présentes aussi, conviées en voisines, Martine Bouygues, Coqueline Courrèges, ainsi que de nombreuses épouses du pourtant cercle très fermé de nos milliardaires.
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Et justement, ce soir, après les notes bouleversantes échappées du merveilleux archet, toutes les conversations tournaient autour des récents propos de Geoffroy Roux de Bézieux, le président du MEDEF, à l’ouverture de son Université d’été, propos quant aux difficultés de recrutement que rencontrent aujourd’hui les patrons et la nécessité prochaine de significatives augmentations de salaire pour y remédier.
Le gros titre du journal L'Humanité, Géraldine y était abonnée, qui traînait sur un guéridon attirait justement l'attention sur cette délicate question.
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Les points de vue les plus divers s'exprimaient, saluant la sagesse de la décision, mais laissant aussi pointer nombre d'inquiétudes que nous résumerons en quelques mots : « Quelles vont être les conséquences de tout cela sur la marche de nos affaires ? »
Les salaires et le pouvoir d’achat sont-ils si bas que nous en soyons réduits à de telles extrémités ? Augmenter ? Une augmentation des salaires, certes, mais avec quelles conséquences pour nos affaires ? Le peuple en est-il vraiment réduit à la disette et si en difficulté pour subvenir à ses besoins ? Des augmentations de salaires ? Devons-nous vraiment en passer par là ?
- Mon Dieu, s'inquiétait Géraldine Mulliez, pensant à son Auchan, son Décathlon, son Saint-Maclou, son Kiloutou, son Kiabi...
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- Tout se passera bien, Géraldine, la rassurait Hélène Arnault, du haut de son enseigne LVMH.
- Vous en avez de belles, lui rétorquait Géraldine. On voit bien que nous n'avons pas les mêmes pauvres et les mêmes clients !
Marie-Hélène Peugeot restait pensive. Non, tout cela n'aura pas que des avantages !
- Nous allons porter remède à tout cela, rompit Géraldine, et ceci dès demain ! Puisque ces sans-le-sou rechignent à dépenser, eh bien, nous le ferons pour eux ! Et d’abord, vérifions la chose.
Et sitôt dit, notre petit club de se projeter dans l'affaire du lendemain : dépenser par elles-mêmes tout ce que ces braves gens étaient empêchés de faire. Impécuniosité.
A demain donc ! Chez Lidl. Et en Duster.
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Premier arrêt au parking d'un hard-discount, où venait de les déposer Georges, fidèle chauffeur, ayant, pour l'occasion, le matin même, acheté le Duster de Dacia, payé rubis sur l'ongle, si pratique pour ce genre d'équipée. Claire, la comptable de Liliane, ayant été préalablement dépêchée à la banque retirer quelques 100.000 €, le double de l’habituel retrait hebdomadaire, et sans pour autant que cela n'étonne l'imperturbable caissier, habitué à de tels écarts, mais, à vrai dire, plutôt en période électorale.
Notre petit monde sillonnait maintenant les allées de la supérette, poussant chacune son caddie, encore étonnées que cet étrange objet à roulettes porte le nom du jeune garçon qui, sur les greens de Saint-Nom-la-Bretèche et de Tremblay-sur-Mauldre, nettoyait leurs clubs, ramassait leurs balles et leurs servait de si rafraîchissants drinks sortis de sa glacière portative.
En cette veille de Pâques, les rayonnages du petit Lidl du boulevard Barbès, impossible d'en dénicher un à Neuilly, débordaient de jolies offres gastronomiques : barquette de bulots (2,99 €), farces de volaille aux morilles et à l'armagnac (2,39 €), cailles farcies aux raisins et au cognac (6,99 €), toutes alléchantes propositions qui leur montraient que ce petit peuple que l'on plaignait toujours, au fond, ne s'en tirait pas si mal.
Impression confortée lors du passage à la caisse, où, pour ses trois chariots débordant, leur fut demandées moins de quelques centaines d'euros. C'était à n'en rien croire !
Sur le boulevard, au hasard des bazars et des solderies, on s'arrêta même à l'étal d'une échoppe de loterie, pour s'amuser, milliardaires, d'avoir gratté un millionnaire.
Tati n'était pas loin et on y poursuivit quelques emplettes : robes fluo (9,99 €), bas de jogging bigarrés (7,99 €), sacs et foulards, jupes et leggings imprimés camouflage, le tout, là encore, décidément, ne pouvant excéder les 500 €.
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Il était temps maintenant de rentrer, car comme dans La baronne rentre à cinq heures, on attendait à la même heure Nadine de Rothschild pour le thé, chez Géraldine.
Juste le temps du détour à Versailles, avenue du Maréchal Franchet d'Esperey, où Georges pouvait enfin se débarrasser à l'office des Petites Sœurs des Pauvres de tous ces encombrants achats.
On en était encore toutes émues. Tant de choses pour si peu d’argent. Persistait cependant l'énigme, sur toutes les étiquettes de la mâtinée, de ces insistants et réitérés 99. Quasi-cent évoquant l'abondance ? Nombre magique ? Elles devinaient là quelque subterfuge, butant à en démonter le ressort.
Hélène eut le mot de la fin : « Mais ces pauvres n'en auront jamais assez. Ils ne sont pas si malheureux ! Il y a eu, sur cette question beaucoup d'exagération ».
Et à Georges, toujours impeccable et encasquetté au volant du monospace gris, alors qu'elles traversaient en riant les pelouses de la propriété, Géraldine d'intimer « Cachez nous ce vilain carrosse ! La baronne sera là d'un instant à l'autre ».