(Siège de Libération - 11, rue Béranger - Paris 3° 4 Janvier 2016)
La consultation avec quelques jours d'avance de notre éphéméride nous informe de la survenue prochaine de la Saint-François, le 24 Janvier. Ils sont nombreux les François élevés à la sainteté : Saint-François-d'Assise, Saint-François-de-Sales, Saint François-Xavier, Saint François de Paule, patron de la Calabre et bien d'autres encore…
En hagiographes plus modestes, au siège de Libération, au côté de mon confrère Laurent Fofrin, les yeux embués, nous vous parlerons aujourd'hui de Saint-François de Tulle. Qui était-il ? Eh bien, sans lui, sans sa merveilleuse capacité épiphanique, sachez le, nous n'honorerions pas la journée du 11 Janvier, journée où la planète rassemblée oubliant ses querelles, prie pour nos morts. Cette seule chose mérite que l'on relate pieusement la vie du saint homme.
(Le terme de capacité épiphanique ne fait aucunement allusion à cette fête chrétienne célébrant l'adoration des Rois Mages, ceci bien que nous en soyons aujourd'hui à la veille. Non, il s'agit du don propre aux saints de prise de conscience soudaine et lumineuse.)
Le saint homme vient de nous présenter ses vœux, mais avait fait les siens depuis longtemps déjà.
(Dans la tradition chrétienne, faire ses vœux désigne l'engagement public par lequel un homme ou une femme promet de suivre Jésus-Christ tel qu'il vécut, une vie de pauvreté, chasteté et obéissance.)
François rentre très jeune moinillon à l'abbaye de l'Élysée. Sous les ordres alors, d'un autre abbé François qui lui ne fut pas canonisé. Après des années de prières et de labeur, admiré pour sa modestie, le jeune moinillon en devient enfin le septième abbé, supplantant au dernier moment son supérieur confondu par sa luxure.
Très vite, il est remarqué dans l'Eglise pour sa grande austérité, plus pour les autres que pour lui-même disent ses détracteurs, il y en a toujours ! Mais tellement bon et humble qu'on le demande partout pour réformer, et la tâche ne manque pas : monastères, ministères, complémentaires, mariage qu'il veut pour tous bien que se le refusant pour lui, découpage de régions, code du travail des serfs du domaine et tant d'autres choses encore.
A toutes ces demandes, il prête attention, écoute soigneusement et, dès le lendemain, empoigne son bâton de pèlerin.
Il voyage beaucoup, jusqu'à Rome, Washington et Berlin où, par vénération pour Sœur Angela qui y repose, il baise les pieds de tous les moines de la BCE.
Toute misère touche son cœur. Durant la Grande Famine de l'année 2016, alors que sur les terres de l'abbaye la pauvreté fait de grands ravages, il fait fondre les vases sacrés du patrimoine pour en distribuer l'or aux marchands et financiers, charge à eux par leur négoce, enjoint-t-il, d'en répandre la manne sur les serfs dans le besoin. Il vend ses propres biens, il n'en avait pas beaucoup, et mendie pour les affamés, non pas auprès des puissants seigneurs cousus d'or, mais auprès des laboureurs de ses terres qui ont encore quelque pain dans leur huche.
(Huche : coffre ou petit meuble pour conserver le pain.)
Pacifique, bien que dans les forges de l'abbaye il se fabrique glaives, écus, cottes de mailles, hasts, masses d'armes, balistes, le tout en grande quantité, Saint-François veut et agit pour la trêve de Dieu. Il traverse la Méditerranée, se rend en pèlerin de la Paix à Jérusalem et à Medine. « Que l'on ne se batte plus, ne cesse-t-il d'implorer, même si l'on se fournit chez moi à bon prix de tout le nécessaire. »
Cette propension à la paix entre les religions, Saint-François la développe également au sein de l'abbaye entre gens de même foi, mais de chapelles rivales, pacifiant les guerres intestines en promettant le maroquin aux uns, rassemblant les autres autour de lui en disposant avec ses doigts des charbons ardents dans la Constitution, miracle et émerveillement, sans se brûler.
Voulant rester le saint patron des Ecologistes, il fait écrire par les copistes des ateliers de l'abbaye, le Saint-Livre de la COP 21, somptueusement orné d'enluminures, saint livre qui rassemble les préceptes pour le retour de la pluie et du beau temps.
En prologue du magnifique parchemin, il fait inscrire la courte prière qui, toute sa vie, aura dicté son action : « Seigneur, pour sauver l'Homme et la Nature, ne remet pas en cause le saint ordre du Monde, celui de la Finance. A son égard, j'aimerais mieux être puni pour excès de miséricorde que pour excès de dureté. »
Jalousé néanmoins pour tout le bien qu'il fit et l'onction divine qu'il en retirait, Saint-François est chassé par ses propres serfs en l'an 2017 et perd ainsi la direction des affaires de l'abbaye.
Plusieurs fois prix Nobel de la Guerre et de la Paix, il poursuit ses voyages à travers le monde et, à l'occasion de conférences, grandes assemblées où l'orateur est richement rémunéré, continue de prêcher tantôt l'une, tantôt l'autre.
Modeste toujours, il se voulait être appelé « l'archange des moines », toujours invoqué pour conjurer les affections éruptives et érubescentes (rougeoles et autres scarlatines), il termine sa vie dans l'aisance et meurt à Tulle en…
Sa sépulture reste un lieu de pèlerinage.