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Toujours tenter, derrière les symptômes, d'identifier la maladie ; derrière les faux-semblants, la réalité (Louis Pasteur).

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Billet de blog 4 juin 2014

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Et patatras! Toute la vaisselle par terre...

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Et patatras! Toute la vaisselle par terre...

(De notre correspondant J.Casanova, dépêché à Moscou.)
          Oui, dépêché, il fallait aller très vite, dépêché à Moscou de tout urgence pour y rencontrer Edgar Snowden et le questionner, si possible le premier, au lendemain de l'annonce faite par Mediapart d'une grande pétition nationale, lancée par L'Express pour l'obtention du droit d'asile en France du célèbre lanceur d'alerte.
Toutes les précautions étaient prises, par un de nos amis moscovites, pour un rendez-vous à proximité de la station de métro Chekhovskaïa, au Grand Café Pouchkine, si cher à Nathalie, notre guide immortalisée en 1964 par Gilbert Bécaud, Edgar Snowden ayant fait comprendre qu'il ne pouvait nous recevoir à son domicile, son adresse devant rester secrète. Un drone est si vite arrivé!
Tout allait pour le mieux! Devant une grande tasse de chocolat fumant, il faisait encore assez froid en cette saison, j'étais, je dois dire, assez fier d'aller porter la nouvelle à notre proscrit et de lui démontrer que l'hospitalité française n'était pas un vain mot, assise sur le droit d'asile, consacré dans nos Constitutions, "protection de la France à tout étranger persécuté dans son pays d'origine", ce même droit qui nous faisait accueillir Giuseppe Garibaldi, Albert Einstein, Bela Bartok, la merveilleuse Marlène Dietrich, Breyten Breytenbach, Jules Dassin et tant d'autres fuyant la tyrannie, la prison et quelquefois la mort. Il faut le dire aussi, l'ayatollah Khomeiny et Bébé Doc, mais n'est-ce pas là toute la grandeur de la chose!  
          Et la prestigieuse liste constituée des premiers signataires allait bien dans le sens de cette grande tradition républicaine française, avec ses personnalités à la haute stature morale, je ne peux les citer toutes, je vous renvoie à Mediapart: Pierre Bergé, Ronny Brauman, Pascal Boniface, Luc Ferry aussi, Cynthia Fleury, Marcel Gauchet, Jean-Noël Jeanneney, Julia Kristeva, Edgar Morin, enfin tout ce qui existe en France, comme autorité morale et reconnue de tous.
Dans la liste également, Daniel Cohn-Bendit et Bernard Kouchner, mais là, il s'agit d'autre chose et nous aurons l'occasion d'y revenir!
Optimiste donc était mon état d'esprit, bien que ne méconnaissant pas les embûches possibles, pouvant surgir à tout moment et de tous côtés et d'abord de notre Premier Ministre, toujours prompt à vouloir "léonardiser" le premier étranger venu, et je le voyais bien, d'avance, déclarer sur le perron de Matignon ou à BFMTV, qu'Edgar Snowden avait vocation, lui aussi, à rentrer dans son pays. Échappatoire on ne peut plus mesquine, mais qui ne m'aurait pas étonné d'un tel arriviste endurci.
          Et, tout à coup, à quelques minutes de notre rendez-vous, sous d'aussi encourageants auspices, que n'entends-je grésiller mon iPhone et apparaître à l'écran le numéro de mon rédacteur en chef à Paris: "C'est foutu! Tu peux déjà prendre ton billet de retour."
Et de me donner tous les détails: Edgar Snowden venait de révéler à l'AFP le contenu d'une conversation présidentielle Obama-Hollande, dont il avait eu connaissance, on ne sait comment, probablement par d'anciens contacts qu'il avait conservés à la NSA, dont les grandes oreilles avaient tout enregistré du coup de fil donné hier soir par notre Président à son homologue Outre-Atlantique, coup de fil officiellement annoncé à la presse comme devant porter sur la sortie honorable à trouver dans l'affaire BNP Paribas.
Et la transcription intégrale de l'entretien était déjà, en France, l'objet d'une crise politique majeure:
- Allo Barack, ici François, tu nous mets dans une brave merde (sic), avec tes sanctions (10 milliards de dollars) envers BNP. Cela fait maintenant deux ans que je me tue à expliquer chez nous que l'État ne peut pas tout, et toi, tu nous casses le travail (sic), avec l'Etat US foutant à genoux une banque française,
- Don't worry, Frankie, (car c'est ce gentil diminutif qu'il donnait maintenant à notre Président, probablement certain d'obtenir bientôt, en vertu du TAFTA, Pacte pour le Commerce et l'Investissement Transatlantique, que désormais chaque citoyen européen soit affublé, c'est plus friendly, d'un diminutif yankee).
La conversation bien sûr n'en restait pas là, mais l'essentiel était dit et cela faisait très mal: au pays du néolibéralisme, l'Etat commande; en France, en vertu des mêmes présupposés, il ne peut rien.
          En tous les cas, c'était certain. La malencontreuse révélation de notre lanceur d'alerte mettait sérieusement à mal les efforts de nos signataires. Et c'était dur à encaisser, après le fol espoir soulevé! Quelle mouche avait donc piqué notre proscrit alors que tous nos efforts tendaient à lui trouver cette si belle issue?
Les explications les plus saugrenues me venaient à l'esprit: une amourette à Moscou, lui faisant trouver le temps moins long et ne pouvant le rejoindre à Paris, privée de visa par la légendaire tracasserie des autorités soviétiques, pardon russes? Une provocation destinée à montrer qu'il en avait d'autres dans la musette?
Non, tout cela ne tenait pas.
          Et, c'est alors, que relisant la liste des généreuses personnalités signataires qui, cela est certain, n'allaient pas toutes être félicitées de mettre ainsi dans un si grand embarras tout ce que compte le lobby atlantiste à Paris, c'est alors que je compris tout. À la simple lecture de deux noms parmi les autres : Daniel Cohn-Bendit et Bernard Kouchner.
Il y avait un lézard, comme on dit dans le Sud-Ouest! En fin tacticien, ancien maître-espion, Edgar Snowden, repérant ces deux noms, soigneusement et anodinement mêlés aux autres, avait compris le piège: l'attirer à Paris, pour ensuite l'échanger contre la levée des sanctions US (10 milliards de dollars) envers BNP Paribas. 

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