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Toujours tenter, derrière les symptômes, d'identifier la maladie ; derrière les faux-semblants, la réalité (Louis Pasteur).

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Billet de blog 4 décembre 2015

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Toujours tenter, derrière les symptômes, d'identifier la maladie ; derrière les faux-semblants, la réalité (Louis Pasteur).

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Carnet rose du 23 Décembre.

Chers amis, la lecture de votre presse favorite, et l'éventail est large, vous apprend que le 23 Décembre sera déposé en Conseil des Ministres un projet de loi relatif à la Révision Constitutionnelle. Révision touchant aux domaines de l'état d'urgence, de l'état de siège, des pouvoirs spéciaux, de la déchéance de nationalité, voire de loi martiale, que sais-je encore…

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(Maternité des Bons Enfants - 7, rue Saint-Vincent-de-Paul - Paris 10°     23 Décembre 2015)

              ...que sais-je encore.

   Nombre de juristes, d'intellectuels, de citoyens tout simplement, s'inquiètent déjà quant aux motifs et aux attendus de la Chose. Avec l'argument très fort qu'il est dangereux, en matière de Loi Fondamentale, d'agir dans l'urgence.

  Ces quelques mots prononcés le 16 Novembre par le Président, devant le Congrès rassemblé, ne sont pas sans nous inquiéter. Je cite le Président : « ... déchoir de sa nationalité française un individu condamné pour une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, même s'il est né français, je dis bien « même s'il est né français » dès lors qu'il bénéficie d'une autre nationalité ». Ou dit autrement : inscrire dans la Constitution la distinction entre Français selon leur origine.

           Pour notre part, bien loin de toutes ces graves supputations, permettez-nous de vous livrer avec quelques jours d'avance notre Carnet Rose du 23 Décembre.

           La jeune maman avait tant espéré la date du 25 Décembre. Les prévisions de la sage-femme le lui avaient laissé entrevoir jusqu'au bout. Donner naissance à sa petite fille, un 25 Décembre, fête de Noël, jour du Divin Enfant, quel plus beau cadeau à la communauté familiale la plus élargie !

   Trop grand espoir et son excès de tension physique et mentale, soucis et agitation des derniers jours de la grossesse, on ne sait, les premières contractions et douleurs du travail survenaient très vite, trop vite, dès la matinée du 23, et Françoise Quinquennat accompagnée de son mari Manuel gagnait de toute urgence la Maternité des Bons Enfants de la rue Saint-Vincent-de-Paul.

           Nous sommes en début d'après-midi. Tout s'est passé à merveille. La jeune maman courageuse a refusé l'assistance de la péri-durale et son enfantement sans douleur. Je veux souffrir, a-t-elle dit. C'est naturel ! Acquiescée du regard par Manuel, l'époux compatissant. Oui ! Lui aussi a souffert dans cet enfantement.

   L'émotion et la joie des deux époux sont à leur comble. On vient de déposer la petite fille sur le ventre de la maman. Quoi de plus émouvant que ce geste symbolisant l'acte d'avoir donné naissance !

   C'est une petite fille, et les deux parents, aux anges, de confier à la sage-femme occupée aux premiers soins du bébé : « Nous lui avons choisi deux prénoms, Révision et Constitutionnelle ». Et le papa, Manuel, d'annoncer : « Je vais de ce pas l'aller déclarer au service de la Guerre Civile, non, de l'Etat civil, où avais-je la tête ? »

   Étonnement, ravissement, applaudissements de toute l'équipe autour de la jeune parturiente. Puis, comme toujours, après l'émotion bien compréhensible devant le spectacle d'une nouvelle venue au monde, et ce quelqu'en soient les prénoms, le professionnel reprend ses droits et la sage-femme son examen : la petite nouveau-née est bien rose, signe d'un excellent taux d'oxygénation capillaire et de rien de plus je vous en prie, pouls bien frappé, rythme respiratoire régulier ; elle a déjà crié, témoin du déplissement brutal de son petit arbre respiratoire.

   Cependant, quelques manifestations ne sont pas sans interroger l'attention experte de la maieuticienne : ces yeux injectés de sang, ce rictus sardonique découvrant des gencives déjà dotées de canines, ces mains crispées laissant entrevoir des griffes acérées au bout des doigts.

   Vite, Docteur, appelle-t-elle le pédiatre de garde, la petite Révision, oui, Constitutionnelle, pas utérine, oui celle de Madame Quinquennat, la petite Révision m'inquiète beaucoup. Venez vite !

 (Révision utérine : il peut arriver, après l'accouchement du nouveau-né, que le placenta reste « accroché » à l'utérus, et que son évacuation, ce que l'on appelle la délivrance, ne se produise pas. Le risque principal de cette rétention du placenta est la survenue d'une grave hémorragie. Pour s'en prémunir, le médecin obstétricien ou la sage-femme peuvent aller, avec la main, dans la cavité utérine,  sous anesthésie, « décrocher » ce placenta restant. C'est ce que l'on appelle une révision utérine.)

           Nous vous en laissons là chers lecteurs, vous sentant un peu secoués par la description du faciès de la petite Révision, vous demandant si vous ne revivez pas ce pénible moment de cinéma où Sigourney Weaver découvre Alien dans son vaisseau spatial (Alien, le 8° passager. Ridley Scott).

   Reprenez vos esprits. Nous vous en dirons plus après les investigations menées par l'équipe de Pédiatrie néonatale de la Maternité, des Bons Enfants, cela nous n'en sommes plus si sûrs.

           Nous sommes toujours le 23 Décembre, tard dans la soirée. L'équipe pédiatrique vient de rendre ses conclusions aux deux parents. Manuel, comme à l'habitude, n'a pas desserré les dents. Françoise s'essaie à quelques facéties, mais le cœur n'y est pas. L'ambiance est lourde.

   Le médecin-directeur du Département de Néonatologie, est formel : l'enfant est viable. Mais il est porteur d'une grave embryopathie au nom inquiétant : liberticidie. Il s'agit d'une affection congénitale, non génétique, précise-t-il. Nos conclusions viennent d'être validées par notre confrère de Washington, le Dr Bush, un des meilleurs spécialistes mondiaux de cette affection, la liberticidie.

 (Congénital : présent à la naissance. Génétique : en rapport avec les gènes, avec l'hérédité).

   Se tournant vers M. Quinquennat : « L'étude de l'ADN parental nous confirme bien votre paternité, M. Quinquennat. Pardonnez-nous cette précision, mais nombre de bilans génétiques parentaux invalident quelquefois la paternité présumée. Bien entendu nous n'en faisons jamais état. Il y a des secrets dans les familles, ils sont sacrés. Dans le cas qui nous occupe, celui des origines de la petite Révision, ce n'est pas le cas. Vous êtes bien le Papa. » Et, souriant à la maman : « Mme Quinquennat, en auriez-vous douté, vous êtes bien la Maman. »

   L'étiologie de cette liberticidie est du domaine de l'épigenèse, rajoute savamment le praticien.

 (Epigenèse : actions de facteurs extérieurs non génétiques influençant, au cours de la grossesse, le développement de l'embryon.)

   Dans votre cas particulier, je pense qu'il faut mettre en cause un trouble survenu dans le dernier trimestre de votre grossesse : traumatisme affectif ou, cela s'est déjà vu, craintes ou angoisse de ne plus être reconnue dans votre travail, dans vos fonctions. Quel est votre métier ? Votre emploi serait-il menacé, Mme Quinquennat ? Cela a pu jouer.

          Nous ne sommes heureusement pas, chers lecteurs, dans les lointaines campagnes chinoises, où l'infanticide vient souvent résoudre de façon tragique le sort d'une petite fille mal formée. Ni, à l'époque de St-Vincent de Paul dont c'est justement la rue, et où l'on pouvait abandonner sous un porche l'enfant que l'on ne voulait plus. Il serait recueilli.

   Non, Manuel et Françoise Quinquennat veulent garder l'enfant, pauvre petite Révision, atteinte de liberticidie.

   Heureux épilogue, qui montre que dans l'adversité, des concours et des secours que l'on pensait impossibles peuvent malgré tout se manifester. En dépit de vieilles rancœurs, beaucoup dans le quartier, au nom du principe que Révision doit vivre et grandir, se sont portés volontaires pour l'aide aux deux parents. Premier voisin, un fort en gueule toujours vociférant au comptoir des bars environnants, contemplant l'enfant et songeant envieux : « J'aurais tant voulu être le père ». Une autre, célibataire sans enfant, blonde platinée à la voix éraillée par le tabac, au vu de l'ingrate frimousse : « Elle pourrait être mienne. Au moins, pourrais-je lui servir de nourrice ». Modestes et simples, refusant tout pathos ou déclaration hasardeuse , ils nous ont confié : « Nous voulons que Révision vive ! » Leur nom ne seront pas cités, mais nous pensons que vous avez déjà reconnu ces louables voisins.

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