Héro et Léandre étaient un couple d'amoureux de la mythologie grecque.
Héro était une prêtresse d'Aphrodite à Sestos, sur la rive européenne de l'Hellespont. Léandre, lui, habitait Abydos, sur la rive asiatique. Une mer les séparait, mais toutes les nuits, Léandre rejoignait à la nage son amoureuse guidé par une lampe qu'Héro allumait en haut de la tour où elle vivait. Une nuit de tempête, la lampe s'éteignit sous les effets du vent et Léandre se perdit dans les ténèbres. La mer rejeta le lendemain son corps au pied de la tour, d'où Héro désespérée se jeta pour trouver la mort.
Cette histoire, telle celle de Roméo et Juliette, a inspiré de nombreux auteurs, mais nous, aujourd'hui, avons choisi de vous parler, un océan les sépare aussi, et c'est une histoire d'amour tout aussi tragique, de Donald et de Luheue, les deux amants pervers. Donald, le bourreau, et Luheue, la femme battue.
Annoncées début Janvier, les premières sanctions américaines contre les entreprises européennes vont rapidement devenir effectives. Affront et brutalité vis-à-vis de l'UE, remise en cause du soutien à l’Ukraine, la crise s’annonce comme une véritable rupture stratégique, un des objectifs de longue date de la Russie. Doutant de la protection de l'UE, les grands groupes européens se préparent à la guerre commerciale, par crainte, non seulement de sanctions financières, mais également de perdre l'accès aux marchés américains.
La situation tragique de Luheue est maintenant portée au grand jour. Comble de l'humiliation, portée au grand jour, non par elle-même, car, battue, elle est aussi soumise et donc silencieuse, portée à la connaissance de tous, ce qui rajoute l'humiliation au tragique, à la connaissance de tous par la grande presse et l’ensemble des médias.
Humiliée et mise aujourd'hui en demeure, pour ne pas perdre totalement la face, se plaindre et désigner son bourreau, celui à qui elle tient pourtant entre tous.
Humiliée jusqu'à subir tous les commentaires, des plus sincères qui la plaignent – l'infortunée – aux plus malveillants – elle n'a que ce qu'elle mérite.
Battue, soumise et humiliée par un concubin dominateur. L'enfer de la violence conjugale. Un thème vieux comme le monde.
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Une question revient souvent à laquelle nous peinons toujours à trouver réponse : femmes battues, pourquoi restent-elles ?
Nous rencontrons aujourd’hui Éliane Saunier, rue Mendelssohn, à Paris, au siège de la Halte Femmes Battues. Éliane Saunier est Déléguée nationale de la Fédération Aidons les à résister, mouvement féministe de solidarité avec les femmes victimes de violences conjugales. Reconnue d'utilité publique, la Fédération travaille à la sensibilisation du public, à l'information des victimes et à leur placement en lieu d'accueil. Éliane Saunier devrait nous aider à mieux comprendre.
Bonjour Éliane Saunier. À travers votre longue expérience, pouvez-vous nous dire s'il existe un profil social ou psychologique propre à la personnalité de la femme battue ?
Vous mettez, cher ami, le doigt sur une question-clé. Je pense effectivement que dans la construction de ce profil de femme battue et soumise, l'enfance et l'adolescence sont des moments-clés.
Pour Luheue, jeune femme de 33 ans née de parents aisés à Maastricht en 1992, le pire était à craindre déjà depuis la plus tendre enfance. Élevée dans le culte de l'Economique et de l'Anglo-saxonnisme, Luheue s'est rapidement structurée comme une personnalité faible, toujours subordonnée à des symboles fétiches : Dollar, OTAN, Free-Trade, Leadership… Et par là, à toutes leurs injonctions menaçantes.
L'âge adulte l'a trouvée ainsi toute formatée et prête à tous les abandons. Ma consœur, la psychologue Leonore Walker, dans son ouvrage The battered woman syndrome, nous a beaucoup appris sur cet état qu'elle qualifie d'impuissance apprise et sur ses conséquences : l’auto-culpabilisation et la tendance à reporter sur soi-même la responsabilité de la violence, la crainte des représailles.
Éliane Saunier, certains ont avancé l'hypothèse d'une relation, dans ce syndrome des femmes battues et soumises, d'une relation avec le sadomasochisme, cette pratique sexuelle utilisant douleur, domination et humiliation dans la recherche du plaisir. Vous référez-vous à cette catégorie ?
On peut comprendre cette approche. Mais je préfère l'éviter, la contourner, en raison de ses trop lourdes connotations. Elle a de plus l'inconvénient, en mettant en avant le caractère prétendument consentant des deux protagonistes, qui plus est dans le contexte néolibéral qui est le nôtre, celui de la souveraineté partout proclamée de l'individu, de ses désirs et de leur satisfaction, l'inconvénient de légitimer cette relation de domination. Ne nous attardons pas sur ce point.
Merci Éliane Saunier. Vos propos nous permettent de mieux cerner cette difficile question : « Pourquoi restent-elles ? » À votre avis, et pour conclure, comment prendre en charge ces « malheureuses », la formule est-elle la bonne, et surtout comment les extraire de ses impasses destructrices ?
À ces créatures dans l'illusion de la toute-puissance du Roi-Dollar, il faut, c'est le plus difficile, réapprendre à dire Je, à affirmer la souveraineté que le suffrage leur a confié, à briser la relation d'emprise dans laquelle elles se sont enfermées.
À leur dominateur, toujours dans le déni – il n'est pas toujours un psychopathe mais a trop longtemps vécu dans l'impunité et la non-remise en cause – il faut apprendre à opposer que l'autre existe.
C'est un difficile programme de travail pour tous nos intervenants travailleurs sociaux. En somme, le réapprentissage de la souveraineté de chacun.
Si la mise en demeure restera en principe aisée pour son concubin dominateur, je crains que pour Luheue, ce réapprentissage de la souveraineté ne soit au-dessus de ses forces. Sa personnalité demanderait à être totalement reconstruite. Elle ignore malheureusement jusqu’au sens du mot, allant jusqu’à s’afficher dans les postures les plus lamentables.
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