Chaque mère rêve d'un avenir heureux pour ses enfants.
(De nos envoyés spéciaux Jean Casanova et Stéphane Baudelaire à Indianapolis - Indiana - 7 Novembre 2014)
Ému par cette belle formule devenue l'indéfectible devise des -Moms demand action for Gun Sense in America-, mouvement des mères américaines en lutte pour une législation interdisant le port des armes à feu dans leur pays, notre rédacteur en chef nous dépêchait à Indianapolis pour y rencontrer et écouter Shannon Watts, la fondatrice du mouvement.
(La date n'est pas encore fixé de ce rendez-vous, mais nous voulons déjà vous y préparer en vous présentant Shannon et son combat).
Shannon Watts, dont vous ne pouviez encore connaître le nom, est l'une des mamans ayant perdu leur enfant, ceci vous vous en souvenez, dans la tuerie de l'école primaire de Sandy Hook (Newton), dans l'État de Connecticut, le 14 Décembre 2012: 28 morts, dont 20 enfants, le directeur de l'école et plusieurs enseignants. Shannon, mère et conscience civique, comme seuls les États-Unis en fabriquent, décidait au lendemain du drame d'éveiller les esprits et d'entamer ce long et difficile combat.
Il commence à porter ses fruits! Mais vous devinerez qu'il sera long, en prenant connaissance d'un de ses premiers succès: Target, le 3° distributeur américain, notre Carrefour ou Leclerc ou encore Auchan peu importe, par la plume de son directeur John Mulligan, vient d'écrire à ses clients, avec d'infinies précautions: "à partir d'aujourd'hui, nous demandons respectueusement à nos clients de ne pas rentrer en armes dans nos magasins".
Pour l'Européen, tombé des nues, que nous sommes tous, l'incrédulité l'emporte. Il est vrai que Gérard Mulliez, propriétaire d'Auchan, ne nous en demande pas tant, conscient du contre-productif et du surréaliste que représenterait le spectacle de nos ménagères derrière leur caddie, la winchester en bandoulière ou le colt au ceinturon. Notre première réaction bien compréhensible restera: à quand un Cicéron US, déclamant pour stigmatiser la barbarie de ses concitoyens: "O tempora, o mores"?
Oui, la route sera longue, même si d'autres firmes, comme Costco, chaîne alimentaire hard-discount, interdisent explicitement maintenant à leurs employés d'amener leurs armes au travail. D'autres ont suivi ce louable exemple: Jack in the Box, Chili's, Starbucks, la liste n'est pas close.
Demandes immédiatement moquées par la grande association de porteurs d'armes, Open Carry Texas (Texas, il fallait s'y attendre), indiquant que désormais "clients et employés désarmés seront sans défense face aux agissements criminels des déséquilibrés", résumant ainsi l'esprit du 2° Amendement à la Constitution: le port d'armes est justifié par la légitime défense.
Que dire de ce fossé de civilisation entre les deux rives de l'Atlantique, sinon qu'il est l'illustration plus générale de la thèse selon laquelle les Hommes font l'Histoire mais sont aussi le produit de leur Histoire.
Et pouvait-il en être autrement dans ce pays, les États-Unis, dont les fondations se sont construites, il y a 150 à 300 ans, les armes, sinon à la ceinture, du moins toujours à portée de la main: pour confisquer d'abord ces immenses territoires aux tribus de Peaux-Rouges et à leurs bisons, puis pour repousser à la mer la soldatesque anglaise pendant la Guerre d'Indépendance, pourchasser les esclaves noirs évadés des plantations, enfin pour s'étriper l'un et l'autre pendant la Guerre de Sécession, sans oublier de se protéger des chasseurs de primes et des mauvais garçons dans les bourgades sans shérif, scènes immortalisées dans tous les "Règlement de comptes à OK-Corall" du cinéma de notre enfance.
Ceci, alors que dans la féodalité européenne, le port des armes était réservé à la noblesse (malheur au gueux surpris par son seigneur une arme à la main), instruits qu'étaient les puissants, depuis plus de 1000 ans, par les révoltes d'esclaves et l'exemple de Spartacus, du danger du peuple en armes.
Danger mortel et finalement advenu avec la Prise de la Bastille et la tête coupée à l'aristocratie, nous ne développons pas, vous connaissez maintenant bien notre goût pour ces évocations. Nos sages et prudents régimes parlementaires, et c'est tant mieux, ont perpétué cette interdiction. Peut-être, mais ce n'est pas certain pour des raisons assez voisines de celles de nos féodaux. En tous les cas, nul ne s'en plaindra!
Gare aux extrapolations hasardeuses! Que chacun progresse avec le meilleur de son Histoire, et que par un tête-à-queue, sinon plausible, du moins toujours possible, au terme de l'Accord sur l'Investissement du Partenariat Transatlantique, plus communément surnommé TAFTA nous ne voyions pas Charlton Heston, président d'honneur de la National Rifle Association, mettre en demeure l'État Français, par procédure arbitrale svp, d'autoriser l'installation de ses armureries dans toutes les villes et villages de France.
(Vous ne verrez probablement dans cette conclusion qu'une des marottes que Stéphane et moi poursuivons depuis quelques temps et nous en ferez peut-être le reproche, à savoir le dénigrement systématique de nos dirigeants d'hier et d'aujourd'hui, acharnés, en secret, à la conclusion de cet Accord).
À dans quelques jours donc, après notre rencontre avec Shannon Watts, mère courage).