Trois jours après l'interpellation et la garde à vue des hommes de la Société du Mont-Pèlerin dans l'affaire du "casse du siècle", les enquêteurs progressent très vite. Les perquisitions et saisies habituelles de documents, agendas, téléphones portables, ordinateurs, ainsi que le revisionnage des JT des dernières semaines, n'ont pas tardé à donner à l'enquête de nouvelles dimensions.
Ce que cherchent à déterminer en premier lieu, les magistrats du Pôle de la Haute Délinquance Financière maintenant saisis, ce sont les liens entre les prévenus et la fameuse Société du Mont-Pèlerin, société internationale que certains qualifient de "maison-mère des idées néolibérales".
Nombre d'éléments interrogent policiers et magistrats. Ayant écarté a priori les motivations d'enrichissement personnel et cerné leur caractère idéologique, ils cherchent à comprendre comment ces mêmes hommes, fine fleur de la formation républicaine à la française, ont pu tomber dans les rets de la SMP. Pour la plupart d'entre eux, le cursus universitaire est celui de l'élite républicaine : lycées Condorcet ou Henri IV, École normale supérieure, IEP, ENA (promotions Louise-Michel, Voltaire...), DEA multiples : philosophie, lettres classiques...
Il y a là une contradiction énorme, sur laquelle butent les enquêteurs : par quelle alchimie secrète a pu s'opérer la transmutation intellectuelle de cette élite républicaine en cohorte sectaire prête à tout pour dépouiller le bien public.
Nombre d'observateurs pensent qu'en l'absence d'éléments matériels tangibles, il sera impossible d'instruire sur ce volet de l'affaire, celui-ci relevant plus du débat historique et politique que du judiciaire.
Les hommes du Mont-Pèlerin ne sont pour autant pas tirés d'affaire, car d'autres questions sont posées, et d'abord celle de l'accès, en toute impunité à la "salle des coffres", dirons nous. Tout le monde a, bien sûr, en tête le fameux "Cercle Rouge" de Jean-Pierre Melville, où deux truands de haut vol, aidé d'un ancien tireur d'élite alcoolique, font main basse sur les trésors d'une grande bijouterie parisienne.
Nous ne sommes pas ici dans ce scénario, l'accès s'étant réalisé ici de la façon la plus légale du monde, c'est à dire autorisé par le suffrage du peuple. L'enquête va donc s'efforcer d'éclairer les techniques, plus mensongères que frauduleuses, utilisées par les prévenus pour obtenir le sésame républicain.
Les documents que les enquêteurs étudient en ce moment émanent essentiellement des JT d'Octobre 2011 à Avril 2012, période durant laquelle les prévenus sillonnaient le pays, répétant en boucle des formules fétiches comme "le changement c'est maintenant", "mon ennemi, c'est la finance" et autres allégations destinées à éveiller, dans un peuple lassé du bling-bling, les espoirs de la justice sociale.
Là encore, l'accusation aura du mal à trouver quelque consistance, tant ces dernières pratiques sont, depuis des années, devenues monnaie courante. Au plus, la caractérisation de publicité mensongère qui pourrait être retenue, n'encourt dans le Code pénal que des sanctions mineures.
Reste alors au menu des magistrats, le déroulement propre du casse et les opérations de maquillage destinée à masquer la captation d'une somme aussi colossale.
C'est à ce point de l'enquête qu'apparaît toute la maestria de nos gentlemen-cambrioleurs. La gigantesque arnaque se déroule en 2 temps :
1) Effacer, tout d'abord, au chapitre recettes, toute une série de prélèvements réguliers, restant donc de fait dans la poche des obligés contributeurs. La liste des bénéficiaires est très longue, peut-être difficile à établir avec précision, mais le rôle pivot joué par la BP de l'avenue Pierre-Ier-de-Serbie, ne laisse aucun doute sur l'identité des principaux bénéficiaires: sociétés du CAC40, consortiums bancaires, géants de la distribution, avionneurs et, entre autres, cela est maintenant avéré, les 3 Français comptabilisés parmi les 85 personnes détenant à elle seule la moitié de la richesse mondiale. À ce stade de l'enquête, leur nom n'a pas encore été révélé.
2) Pour masquer ce déficit, deux techniques:
- tout d'abord, le compenser, au moins partiellement, par de nouveaux prélèvements sur d'autres têtes, essentiellement taxes et impôts, sur les revenus du travail, les pensions, la consommation de biens de nécessité, de nouvelles franchises sur les dépenses de santé etc...
- secundo, plus pernicieux encore, effacer nombre de lignes budgétaires au chapitre dépenses, technique dite de la "restriction des dépenses publiques". Plutôt que du côté des émoluments ministériels et parlementaires, les enquêteurs regardent du côté des investissements en matière d'équipement, de formation, de recherche, de transition énergétique, de prévention sanitaire...
Appelée encore par certains affranchis, "privatisation rampante", cette technique, au-delà de la suppression d'activités publiques qu'elle engendre, permet d'ouvrir au secteur lucratif de nouveaux créneaux de recherche de profitabilité. Et le tour est joué!
Comme vous le voyez, l'instruction risque d'être longue. À l'abri derrière la présomption d'innocence, nos compères vont pouvoir continuer d'occuper les hautes fonctions qui sont les leurs. Bataille judiciaire de longue haleine en perspective.
Félicitons nous en tout cas, sinon de l'indulgence, au moins du débonnaire de notre Code pénal. Amendes, prison avec sursis, voire TIG, c'est tout ce qu'encourent les prévenus, sinon la relaxe.
Il y a 200 ans, au temps de la Constitution de 1793, convaincues de prévarication aux dépens des biens nationaux, les têtes roulaient dans la sciure.
* A la demande de la rédaction, nous cédons la rubrique. Des développements nouveaux interviennent en Crimée.En application du programme de sanctions économiques décidées par les présidents Hollande et Obama, nous apprenons la prochaine fermeture de tous les établissements Mac Donald en Crimée. Heinz Clifford, le magnat californien du ketchup, pourrait suivre l'exemple de la société au hamburger. C'est dire le défi auquel les autorités russes ne vont pas manquer d'être confrontées.