(Météo France - 73, avenue de Paris - Saint-Mandé - Val-de-Marne 8 Février 2017)
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Lorsqu'une tempête est annoncée, l'Institut Météo France a pour habitude, aux fins d'alerte et de communication, de lui donner un nom, de la baptiser en quelque sorte. Sachez que depuis 2002, il est possible au grand public de proposer un nom sur le site web de l'Institut. Cliquez Adopt a vortex (Adoptez une tempête). La règle de dénomination est simple : années impaires, prénom masculin ; années paires, prénom féminin.
C'est ainsi qu'ont été choisis ces dernières années, en 2007 et 2009, les prénoms de Lothar et de Klaus, en 2010, celui de Xynthia. Cette dernière avait dramatiquement ravagé La Faute-sur-Mer en Vendée. Cette année 2017, Pénélope, féminin, ne pouvant être retenu, les experts de l'Institut ont opté pour le prénom François pour baptiser le cyclone qui vient de dévaster La Faute-sur- Sablé dans la Sarthe.
La Tempête François s'est propagée en quelques jours avec une magnitude jusque-là jamais relevée à toute l'étendue du territoire. Jusqu'à être enregistrée par tous les tempêtographes européens. Orage, tornade, bourrasque, typhon, ouragan, tourbillon, cyclone, rafale, tourmente ou trombe, elle semble d'une telle violence que le pire est à craindre. Et les dégâts dans les villes et les campagnes, ces dernières pas seulement rurales, sont déjà considérables.
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Nous sommes aujourd'hui à Saint-Mandé, dans le Val-de-Marne, au siège de Météo France, reçus par M. Jean Lesage, son directeur, et Mme Anne Mabelle, sa directrice adjointe.
L'Institut étant chargé de l'émission des vigilances météo et de l'élaboration des projections climatiques globales sur l'étendue du territoire, nous venons solliciter auprès des services compétents, non seulement une estimation des dégâts à venir, ils s'annoncent déjà considérables, mais encore et surtout une analyse des conditions de survenue d'un tel ravage climatique. M. Lesage s'est montré tout à fait disposé à nous recevoir et à entendre nos questions. Comme bien souvent, et ceci même dans la haute fonction publique, Mme Labelle était préposée au service du café. Cela changera-t-il enfin un jour ?
M. Lesage, Mme Mabelle, pouvez-vous déjà nous dresser une estimation des dégâts, pertes et destructions en matière de biens et de personnes de cette Tempête François ?
Il est beaucoup trop tôt pour dresser un tel bilan. Ceci d'autant plus que, perinde ac cadaver, le principal intéressé, tout exposé qu'il soit, refuse encore de se retirer, nous voulons dire de se mettre au moins à l'abri.
(Perinde ac cadaver signifie littéralement « à la manière d'un cadavre ». Cette locution latine voulait illustrer, dans la Haute Antiquité, l'idéal ascétique d'obéissance totale, certains diraient aveugle, des moines du désert, obéissance comme la seule voie permettant d'accomplir infailliblement la volonté de Dieu. Cette obéissance aveugle conduisant au profit spirituel fut illustrée par l'exemple de Jean de Lycopolis qui reçut l'ordre, lors de son noviciat, d'arroser un bâton mort, ce qu'il fit sans discontinuer un an durant.)
Nous disons cela pour illustrer l'entêtement de l'intéressé. Mais, aux quatre coins du territoire, dans ce que nous appelons dans le jargon météo, les circonscriptions, les conséquences pourraient être énormes.
Mme Mabelle, d'une façon plus générale, comment analysez-vous la survenue de tels phénomènes climatiques ? Conséquences indirectes peut-être du réchauffement climatique observé depuis plusieurs années ?
Pas du tout. Je ne le pense pas. Je mettrais plutôt en cause l'échauffement présidentiel. Vous n'êtes pas sans observer que nos voisins européens, du Nord ou du Sud, de l'Allemagne et des Pays Scandinaves, à l'Italie, l'Espagne et le Portugal, bien que dans le même espace climatologique que nous, la zone tempérée, ne sont pas frappés par de tels cataclysmes.
Il y a une spécificité bien française que, pour ma part, je relie à l'institution présidentielle et à ses exacerbations monarchisantes. Le concept d'échauffement présidentiel est maintenant admis par toute la communauté scientifique. C'est lui qui est incontestablement, avec tous ses corrélats, à l'origine de ces phénomènes climatiques.
Qu'entendez-vous par corrélats, Mme Mabelle ? Le mot est peut-être un peu trop savant pour nos lecteurs.
L'échauffement présidentiel conduit immanquablement à la course d'un contre tous. Ils sont plusieurs à vouloir la disputer… Pour elle, il faut amasser un trésor de guerre, tisser des liens, quelquefois des conflits d'intérêts avec le monde de la finance, disposer de relais médiatiques, ils sont pour la plupart propriété de milliardaires, se constituer un réseau d'obligés sur tout le territoire, futurs courtisans à qui l'on distribuera, si l'on sort vainqueur, places, prébendes et sinécures.
Chacun mène sa course de son côté et les pièges et crocs-en-jambe ne manquent pas. Dans ce maquis et ces réseaux souterrains, l'art de poser des pièges est la condition primordiale de la réussite.
Dans tous les cas, d'indignation, d'imprécations, beaucoup moins souvent d'applaudissements, vous aurez tempête.
Nous vous comprenons bien. Mais quand aux conséquences de ce phénomène météorologique, les craintes ne sont-elles pas exagérées ? Les infrastructures politiciennes sont robustes et ont déjà affronté beaucoup d'autres tempêtes. On les a vus par le passé résister à d'autres bourrasques. Du scandale de Panama en 1892 à l'affaire Stavisky en 1934, celle-là même à l'origine des émeutes antiparlementaires de Février 1934, de l'affaire de l'Observatoire en 1956 à celle d'Urba-Gracco en 1991 (elles concernaient un autre François), les appareils politiciens ont plié, tangué, mais toujours heureusement survécu.
Certes, mais en tant qu'expert climatologique, nous a répondu Mme Mabelle, je pense que la Tempête François aura d'énormes conséquences. Entre autres, essentielle, la fracturation en cours de l'assemblage libéral-conservateur, assemblage contradictoire pour ne pas dire antagonique, dont le personnage François se voulait l'archétype et le stabilisateur.
Les projections de nos experts sont formelles. Climatiquement parlant, l'échauffement présidentiel et sa conséquence, la Tempête François, devraient entraîner une montée des eaux Marine et favoriser en montagne le déclenchement d'énormes avalanches macroniennes. Détestables prévisions s'il en est.