(De notre envoyé spécial à travers les siècles J.Casanova - Paris, 21 Janvier 1848)
C'est ainsi que débute un paragraphe des premières pages du livre de Karl Marx "Les luttes de classes en France", dans lequel il peint l'état de la société française à la veille de la Révolution de 1848. Je donne suite à votre lecture, frappé par le vertigineux parallèle entre l'état économique, social et politique de la France d'alors et celle d'aujourd'hui. Attention, parallèle n'est pas à l'identique ! Et, de conclusions hâtives il ne faut point tirer ! La précaution s'imposait pour un certain nombre d'entre vous, toujours prompts aux simplistes réactions. Mais je vous laisse juger par vous-même en ouvrant les guillemets :
"Tandis que l'aristocratie financière faisait les lois, administrait l'État, disposait de tous les pouvoirs publics organisés, dominait l'opinion publique par l'état des choses et par la presse, on vit se reproduire dans toutes les sphères, de la Cour au "café borgne", la même prostitution, la même fraude éhontée, la même soif de s'enrichir, non point en produisant, mais en escamotant la richesse d'autrui disponible, se déchaîner l'affirmation effrénée des appétits pervers et dissolus , entrant en collision à tout instant avec les lois bourgeoises elle-mêmes.
Dans son mode d'acquisition comme dans ses jouissances, l'aristocratie financière n'était plus rien d'autre que la résurrection de la canaille au sommet de la société...
Finalement, deux événements économiques de portée mondiale précipitèrent l'explosion du malaise général et mûrirent l'humeur à la révolte.
La maladie de la pomme de terre et les mauvaises récoltes de 1846 accrurent l'effervescence générale dans le peuple. La disette de 1847 provoqua des conflits sanglants en France comme sur le reste du continent. D'un côté, les orgies éhontées de l'aristocratie financière, de l'autre la lutte du peuple pour les denrées de première nécessité. À Buzançais, on exécuta des émeutiers de la faim, à Paris des escrocs repus furent soustraits aux tribunaux.
Le second événement d'importance qui hâta l'explosion révolutionnaire fut une crise générale du commerce et de l'industrie en Angleterre* : revers massifs des spéculateurs, abolition des droits de douane sur le blé, banqueroute des grands marchands épiciers de Londres, suivie de près par celle des banques et par la fermeture des fabriques dans les districts industriels anglais. Les ravages causés dans le commerce et l'industrie par l'épidémie économique rendirent encore plus insupportable l'autocratie de l'aristocratie financière..."
(Note de notre bientôt de retour envoyé spécial : Angleterre* : l'Angleterre de 1850 = les USA de 2008).