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Toujours tenter, derrière les symptômes, d'identifier la maladie ; derrière les faux-semblants, la réalité (Louis Pasteur).

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Billet de blog 10 septembre 2016

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Toujours tenter, derrière les symptômes, d'identifier la maladie ; derrière les faux-semblants, la réalité (Louis Pasteur).

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L'automne sera difficile pour le monde du Cirque

Inquiétudes à la direction des deux Cirques, Bygmalion et Solférino...

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Toujours tenter, derrière les symptômes, d'identifier la maladie ; derrière les faux-semblants, la réalité (Louis Pasteur).

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 (Siège de la Fédération Française des Écoles du Cirque - 13, rue Marceau – Montreuil - Seine-Saint-Denis   10 Septembre 2016)

Illustration 1

           Si aucune larme ne vous vient aux yeux, faites au moins semblant. Il y a les oignons !                                                                                                                                  

Illustration 2
Comment l'oignon fait-il pleurer ? À la coupe ou à l'épluchage de son bulbe, cette liliacée potagère libère du sulfate d’alkyle, très irritant pour les yeux. Les clignements d’yeux en réaction n'y feront rien. Bien au contraire, en étalant le produit irritant sur toute la surface des globes, ils contribueront à faire pleurer la cuisinière, et quelquefois même le cuisinier.                  

           L'Automne sera difficile, plus même, périlleux pour le monde du Cirque. Nous ne vous parlons pas là, heureusement, des vénérables institutions qui enchantaient déjà nos dimanches après-midi d'enfants sages. Leur succès aujourd'hui ne se démentit pas. AmarPinder, Bouglione et Alexis Grüss sont toujours là, toujours là et bien vivants. Ces honorables maisons bénéficient encore d'un grand prestige bien mérité.

  Notre alarme concerne d'autres formations d'apparition plus récente, toujours richement dotées par de généreux mécènes amoureux du spectacle vivant et de ses professionnels, celles dont nous avons pris maintenant l'habitude de la tournée quinquennale, communément appelée Primaire, tournée d'Automne, une fois tous les cinq ans, qui tente d'attirer sous ses chapiteaux un public de plus en plus circonspect et dubitatif.

(Ne vous laissez pas prendre à ce petit piège sémantique. Quinquennal signifie qui dure cinq ans, mais également, qui se produit tous les cinq ans.)

  Circonspect et dubitatif au spectacle pourtant endiablé de leurs trapézistes voleurs, clowns, dresseurs de fauves, avaleurs de sabres et traîneurs de casseroles. Vous avez reconnu là les cirques Bygmalion et Solférino.

          Beaucoup d'entre vous s'interrogent sur les raisons de cette désaffection à l'égard de ces deux compagnies. Il y a tout d'abord des raisons structurelles, inhérentes, aujourd'hui en France, à l'organisation du spectacle vivant. Disparition des champs de foire des villes et des villages, craintes des communes de ne pas voir rentabilisés les investissements et aménagements qu'elles feraient en la matière, en raison de la périodicité trop espacée – tous les cinq ans – de cette forme de spectacle.

  Crainte également, dans la dernière période, du risque d'attentat. Mais il y a beaucoup plus.

Illustration 3

L'hostilité latente des associations de protection animalière et des défenseurs des artistes à quatre pattes, arguant de l'immoralité du dressage et des dures conditions de vie en ménagerie. Et ce, malgré les dénégations des organisateurs. « Nos animaux sont suivis et pucés. N'allez pas entendre par là qu'ils ont des puces. Des vétérinaires passent régulièrement les voir et leur hygiène de vie est totalement respectée. Nous avons vis-à-vis d’eux un engagement moral », ont juré leurs grands dieux les directeurs des deux établissements, Laurent Cauquiez et Jean-Christophe Gouroudelis.

          Le Ministère de la Culture, qui est aussi dans notre pays celui de l'Information, a décidé, en accord avec les grands médias télévisés, de favoriser l'accès au petit écran, durant tout l'Automne, jusqu'en Janvier même pour Solferino, chacune à leur tour, de ces deux troupes de bateleurs.

   Finis les gradins et les chapiteaux ! C'est maintenant du fond de votre fauteuil, dans votre salon, en grignotant des cacahuètes, que vous pourrez admirer chameaux, dromadaires, zèbres, autruches, vaches à grandes cornes, et autres bêtes à concours électoral ; clowns tristes, droits dans leurs bottes, ou plus joyeux dans leur marinière, trapézistes voleurs sans filet, traîneurs et avaleurs de sabres et de casseroles, dompteurs de djihadistes et saltimbanquiers.

   Au programme également, des spectacles de guignols, des furets à vélo et surtout, des numéros de chiens savants bondissant à travers des cerceaux de flamme pour mordre la Finance, numéro particulièrement apprécié depuis sa première présentation, il y a cinq ans, au Bourget.

Illustration 4

          André Medrano et Gaspard Bouglione, tous deux responsables de la démarche qualité à la Fédération Française des Écoles de Cirque (FFEC), ont tenu à prendre leurs distances vis-à-vis de cette décision des pouvoirs publics.

  Pour André Medrano, « Le Cirque est avant tout un spectacle vivant qui nécessite un rapport direct entre les acteurs, hommes ou animaux, et leur public. Le média télévisuel supprime ce rapport. On peut craindre de plus l'effet de saturation, nuisible à l'image générale du Cirque, dont ne va pas manquer d'être responsable la diffusion quasi-quotidienne, durant tout l'Automne et probablement jusqu'en Janvier prochain, des émissions consacrées à Bygmalion et Solferino ».

  Quant à Gaspard Bouglione, il a indiqué craindre les effets de surenchère consécutifs à la concurrence exacerbée entre les deux compagnies. Tensions et surenchères dont ne manqueront pas de souffrir artistes et animaux de ménagerie.

          Les enjeux restent considérables, car, au-delà de ceux tenant à la popularité des têtes d'affiche et de ce qu'elles en attendent pour la suite de leur carrière, c'est tout un monde de petites mains, techniciens, dresseurs d'animaux et de chapiteaux, musiciens, gardiens de ménagerie, personnels d'entretien jusqu'aux crieurs publics avec leurs voitures à haut-parleur, tout un petit monde et leurs familles qui vivent des prébendes liées à la plus ou moins grande audience des deux cirques respectifs, Bygmalion et Solférino.

  Pour toutes ces petites gens, c'est la vie matérielle des cinq prochaines années, ce qu'il y a tous les jours dans l'assiette, qui va être déterminée par le succès ou non de la tournée d'Automne.

Illustration 5

   Les responsables de la FFEC nous ont fait part de leur inquiétude, celle, au Printemps 2017, d'un grand plan social dans l'une et l'autre des deux maisons.

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