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Toujours tenter, derrière les symptômes, d'identifier la maladie ; derrière les faux-semblants, la réalité (Louis Pasteur).

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Billet de blog 11 mars 2014

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Social-démocratie. Ce mot a-t-il encore un sens aujourd'hui ?

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            Un amalgame est volontiers commis, peut-être pas innocent : celui qui utilise, l'un pour l'autre, et vice-versa, les termes de réformisme et de social-démocratie pour les opposer aux termes de radicalité ou de révolution. Mais après tout, partons de là.


  Pour bien comprendre le sens du terme social-démocrate, il convient d'abord, très schématiquement, d'en faire l'historique. Les partis ouvriers de la II° Internationale, à la fin du 19° siècle, notamment ceux d'Allemagne et de Russie, donc celui de Lénine, portaient, au moins jusqu'en 1914, le nom de parti social-démocrate, sans en rabattre, dans cette appellation, de leur prétention révolutionnaire. Ce n'est qu'en 1920, après la révolution de 1917 et avec la création de la III° Internationale et la scission de ces partis ouvriers, que leur fraction non-bolchevique, restée fidèle à la II° Internationale, notamment en France, sous l'étiquette SFIO (Section Française de l'Internationale Ouvrière), que ce mot de social-démocrate (SD) trouvait son nouveau sens, qu'il a depuis conservé : partisan d'une évolution réformiste a contrario d'une radicalité révolutionnaire.

  1936 et le Front Populaire ont fait, en quelque sorte, la fortune de ce courant politique et idéologique qui, terriblement déstabilisé par 1940 et l'Occupation, réussissait son retour en 1944-45, en grande partie, il faut le dire, dans un rôle de contre-feu face au PCF propulsé par son rôle dans la Résistance. La social-démocratie (SD), forme agissante et performante du réformisme allait trouver son âge d'or dans le contexte historique très particulier des années 45 -75, période où le rapport de forces de classes à l'échelle mondiale, et tout particulièrement en France, poussait grandes bourgeoisies et oligarchies à composer.

          Lourdement compromises dans la collaboration, sur la défensive en Europe au lendemain de l'effondrement des fascismes, inquiètes quant au prestige idéologique d'une Union Soviétique auréolée de sa victoire sur le nazisme, affrontées, notamment en France, à  un bloc socio-politique issu de la Résistance et armé d'un programme, celui du CNR, dont elles percevaient parfaitement les potentialités révolutionnaires, ces bourgeoisies se voyaient mises en demeure de composer au plan du partage capital-travail. Ceci d'autant plus facilement que les nécessités de la  reconstruction en Europe,la poursuite du pillage colonial en Afrique et en Asie leur donnaient les marges de manœuvre nécessaires à cette composition.


   Les « vertus » réformistes incarnées, dans ce contexte, par la social-démocratie, en Europe et en France, ne pouvaient trouver là qu'un terrain idéal à leur déploiement : pour dire vite et donc schématiquement, engranger au bénéfice du travail, les concessions obligées du capital.

          L'histoire a depuis rebattu les cartes. Ce contexte historique n'existe plus : implosion à l'Est du  « camp socialiste », chômage de masse installé depuis plus de 30 ans avec asphyxie progressive de l'état salarial par le couple infernal chômage-précarité, dissolution, plus ou moins aboutie selon les pays, de la forme parti-communiste et des représentations révolutionnaires, toutes évolutions auxquelles d'ailleurs la SD a prêté plus que son concours. Ceci, paradoxalement, alors que la poursuite de son hégémonie politique aurait supposé qu'elle travaille à la stabilité de ce rapport de forces.

  Dans les nouvelles conditions d'aujourd'hui, le réformisme est mort et ne peut plus embrayer sur rien. L'adversaire de classe qui rasait les murs en  1945 à relevé le la tête. Il s'est doté depuis les années 70-80 d'une nouvelle stratégie néolibérale qui, même si elle semble atteindre ses limites aujourd'hui, a totalement bouleversé la donne économique et politique depuis 30 ans. Pendant de l'ultra- rentabilité financière ( au-dessous de 15 %, on ferme et on licencie), se fait jour une nouvelle exigence politique ,au travers des discours sur l'exigibilité de la dette, dont l'aboutissement n'est rien d'autre que la dislocation de l'État Social. Produit d'une configuration historique, la SD ne pouvait que substantiellement s'éteindre quand se transformait elle-même cette configuration historique. Les feux dont elle brille encore, sont ceux d'un astre mort.

  Son personnel politique dirigeant n'a plus dès lors d'autre choix, déjà adapté lui-même à ce nouveau rapport de forces de classes, que de se couler subrepticement dans la formulation politico-idéologique la plus à-même de lui garantir l'occupation, sinon perpétuelle, au moins alternative, de ces tant convoités palais nationaux. Cette formulation a aujourd'hui trouvé son nom : social-libéralisme. Nier ce glissement, pour l'avouer ensuite à demi-mots, y préparer douloureusement son appareil intermédiaire, sa base militante et son électorat, voilà la tâche contorsionniste à laquelle la direction de la feue-SD est maintenant attelée. Cela ne sera pas simple, car elle expose ainsi son flanc gauche aux feux de la  « gauche radicale ».

          Attention ! A ce jeu de la conquête, non plus du pouvoir -c'est le marché qui le tient- mais de ses lieux, les désormais socio-libéraux et leur appareil dirigeant sont prêts à tout, y compris à promouvoir, dans une tactique oscillante de diabolisation-dédiabolisation, leur « meilleur adversaire », le FN ou son  avatar en gestation, la « droite décomplexée », autre configuration à vocation majoritaire d'une droite néo-conservatrice regroupée autour du FN. Serait alors installée la nouvelle bi-partition nécessaire à la gestion-perpétuation de l'ordre libéral.

  Voilà le projet. Il n'est pas inéluctable ; l'histoire est riche de possibles ! Mais la première condition pour bifurquer, est d'avoir compris où l'on voulait nous emmener.

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