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Toujours tenter, derrière les symptômes, d'identifier la maladie ; derrière les faux-semblants, la réalité (Louis Pasteur).

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Billet de blog 12 août 2015

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Toujours tenter, derrière les symptômes, d'identifier la maladie ; derrière les faux-semblants, la réalité (Louis Pasteur).

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Jeunesse du Monde.

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(De nos envoyés spéciaux Jean Casanova et Patrice Orwell  -  Campus HEC  -  Jouy-en-Josas  -   Yvelines    27 Août 2015)

           Chers lecteurs, nous avons pris quelques jours d'avance, une quinzaine si peu, vous nous avez souvent vus anticiper avec plus de hardiesse, pour vous amener à Jouy-en-Josas, en cet après-midi du 27 Août, à la veille d'un anniversaire dont il sera question dans quelques instants. A Jouy-en-Josas, à la plénière de clôture de l'Université d'Eté du MEDEF.

   Joli coup de l'équipe de communicants préposés à la présentation et à la thématique de cette édition annuelle que l'intitulé de cette Université : Jeunesse du Monde. Cette même jeunesse à laquelle notre ministre-banquier faisait au printemps dernier la chaude recommandation. Non pas la plus que galvaudée, éculée : « Jeunes de tous les pays,  unissez-vous. Vous n'avez rien à perdre, si ce n'est vos chaînes. ». Mais la sympathique et stimulante « Jeunes de tous les pays, devenez donc milliardaires ! » 

           Signe de la qualité et de l'intensité des travaux de l'édition 2015, la tenue en fin d'après-midi de l'atelier Jeunes modes d'emploi (sur la tendance dépérissante du salariat et l'avenir radieux de l'auto-entreprenariat). Suivi d'un cours brunch et d'un retour rapide au travail avec l'atelier Libéralisme - Néolibéralisme, qu'est-ce qui a changé ?, atelier animé par l'essayiste et économiste Alin Mainc,  auteur aux éditions Grasset du récent succès de futurologie Vive l'Allemagne. Un absent de marque, le toujours Ministre du Travail, François Rebsamen, retenu au dernier moment à Dijon par  la tenue annuelle, il ne pouvait s'y dérober, de la Frairie des Moutardiers et de la Jurande des Maîtres des Pains d'épices.

   Oui, chers lecteurs, travaux de haute tenue et effervescence intellectuelle lors de cet atelier auquel nous vous aurions souhaités nombreux présents, tant cette question Libéralisme - Néolibéralisme, véritable pont aux ânes du commentaire politique aujourd'hui, reste encore chargée de beaucoup d'imprécision.

 Le Dictionnaire de l'Académie Française définit cette expression, pont aux ânes, comme se disant des Choses si communes que tout le monde croit les connaître. Vous serez nombreux à vous reconnaître dans ce maniement un peu flottant de la Chose et des différences que contiennent pourtant les deux termes. 

           Heureusement, Alin Mainc ne manquait pas, avec son brio habituel et sa clarté d'exposition, de nous décrire l'enfantement de l'un par l'autre, il y a maintenant 77 ans, le 28 Août 1938, nous arrivons à cette fameuse date anniversaire, à Paris, lors d'un colloque fondateur tenu près du Palais Royal, dans les locaux de l'Institut International de Coopération Intellectuelle. Colloque marqué par l'intervention de Walter Lippmann, jeune sociologue et économiste américain, connu depuis peu du monde politique après la parution de son ouvrage La Cité Libre.  Intervention si remarquable et remarquée que le colloque est resté dans l'Histoire sous le nom de Colloque Lippmann. Oui, le Néolibéralisme est né à Paris.

 L'ouvrage de Walter Lippmann, La Cité Libre se voulait un « un agenda du néolibéralisme ». Du libéralisme, il gardait le cœur du réacteur : liberté des prix, concurrence, budgets publics à l'équilibre ; mais souhaitait que l'Etat intervienne dans l'Economie pour garantir la concurrence, voire pour l'imposer. 

 Autre référence, plus distanciée et plus critique, pour ceux qui voudraient approfondir cette question décisive de l'articulation entre l´Etat et l'Economie, nous conseillons la lecture du récent ouvrage de François Denord Néolibéralisme, version française

          Ce qu'Alin Mainc, en un atelier, et François Denord, en un ouvrage, nous ont si bien présenté, nous allons, chers lecteurs, tenter de le résumer sommairement en quelques lignes. 

   Après l'âge d'or du Libéralisme au 19° siècle, l'Economie y était libérale, l'Etat n'y intervenant que très peu, la Première Guerre Mondiale et surtout la Grande Dépression de 1929 changeaient la donne et sonnaient le retour de l'Etat aux commandes : pour diriger les économies durant la guerre, dans un premier temps ;  pour les relever à l'issue de la Grande Dépression, dans un second.  Ceci, au travers de trois doctrines économico-politiques où l'Etat est amené à jouer le rôle central : le fascisme italo-allemand, le socialisme soviétique et le new-deal rooseveltien et son Welfare State, le fameux Etat-Providence.

   Passons sur les spécificités historiques nationales expliquant la diversité selon les pays de ce retour de l'Etat. Les différences ne sont pas minces, mais aujourd'hui, ce n'est pas notre question. 

   Et retenons la nécessité pour les tenants d'alors les plus lucides du Libéralisme, l'américain Walter Lippmann, le britannique John Maynard Keynes, l'autrichien Friedrich von Hayek, le français Jacques Rueff et bien d'autres au cours de ce colloque, d'avoir tenté de définir une nouvelle articulation entre l'Etat et l'Economie, différentes des trois précédentes.

   Nous vous résumerons beaucoup en vous indiquant que 10 ans plus tard, après la guerre et ses 50 millions de morts, la croisade pour la rénovation du Libéralisme reprendra, une fois le conflit terminé, dans la petite station de Vevey, en Suisse, au Mont Pèlerin, Walter Lippmann toujours présent, accompagné d'un nouveau venu bientôt célèbre Milton Friedman et de l'allemand Wilhem Ropke. Ce sont les thèses de ce dernier, regroupées sous le nom d'ordo-libéralisme, qui finiront par l'emporter dans la refondation du Libéralisme. Après la faillite en 1929 de l'équilibre général et prétendument spontané de la concurrence pure et parfaite (le « laissez faire, laissez passer» de Jean-Baptiste Say ; « la main invisible » d'Adam Smith), thèse centrale du Libéralisme, un rôle nouveau de coordinateur général se voyait dévolu à l'Etat : donner un cadre légal et institutionnel fort à l'organisation de la Concurrence Libre et non Faussée, veiller à le renouveler et à l'adapter en permanence, par delà bien sûr tous les aléas de la question démocratique et de l'expression des souverainetés populaires. Le Néolibéralisme était né, du moins dans sa forme programmatique. Il lui faudra attendre encore 30 ans pour pouvoir se frayer le chemin politique sur les décombres du New Deal rooseveltien et de ses variantes européennes des lendemains de Libération de 1945. 

   Nous en sommes là aujourd'hui, chers amis.  L'exemple grec vous en convaincra.

           Et si nous avons pris le temps de retenir votre attention durant ces quelques lignes, c'est pour tenter d'en finir avec les propos plus qu'illusoires, volontairement trompeurs et pernicieux, que vous ne manquerez pas de voir réapparaître dans les prochains programmes électoraux en lice pour 2016-2017, à savoir la nécessité avancée d'un retour de l'Etat pour réguler l'Economie. Un retour de l'Etat, ne vont-ils pas manquer de prôner. Comme c'est bizarre !

   Nous avons tenté en quelques lignes, et merci à Alin Mainc de nous y avoir aidé, de vous expliquer que depuis 30 à 40 ans, l'Etat n'avait jamais cessé d'être présent, de réguler et d'organiser les Institutions et la Loi de la Concurrence Libre et non Faussée. (Traités de Rome, de Maastricht, d'Amsterdam, de Nice, de Lisbonne et bien d'autres.)

  Aux batteurs d'estrade, du Bourget ou d'ailleurs, vous parlant de régulation, vous poserez maintenant la question : laquelle ?

           Mais nous vous abandonnons là. La plénière de clôture va commencer dans quelques instants, en présence, invité d'honneur comme l'année dernière, de notre Premier Ministre. Et son titre ne manque décidément pas de panache : « Tous conquérants ! »  Peut-être, une nouvelle déclaration d'amour à prévoir. 

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