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Toujours tenter, derrière les symptômes, d'identifier la maladie ; derrière les faux-semblants, la réalité (Louis Pasteur).

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Billet de blog 16 février 2017

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Espèces menacées. Que faire ?

Adieu, pandas, cacatoès, tigres et ours polaires ?

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(Siège de la Revue Alauda - 4, rue du Petit Château - Brunoy - Essonne          16 Février 2017)

Illustration 1

           Adieu, pandas, cacatoès, tigres et ours polaires ? De nombreux scientifiques impliqués dans la défense de la biodiversité estiment qu'il faut cesser de concentrer nos efforts pour la préservation des espèces en voie de disparition les plus emblématiques, pour se préoccuper d'autres espèces, moins connues mais qui ont peut-être plus de chances de survivre.

   600 d'entre eux consultés par la Revue Nature sont d'accord avec l'idée d'un « triage » qui supposerait de s'occuper de certaines espèces plutôt que d'autres, trop difficiles à préserver.

   L'idée est controversée et sans consensus pour l'instant, les « anti-triage » la jugeant même immorale et de plus irréaliste, tant les interactions écologiques sont complexes et souvent mal connues. Et d'abord sur quels critères ? Pourquoi essayer de sauver le colibri, plutôt que la chouette ou le lori ?

Illustration 2

           Nous sommes aujourd'hui à Brunoy, dans l'Essonne, au siège de la Revue Alauda (le signifiant latin de l'Alouette), l'organe de la Société Française d'Ornithologie. Sa directrice, la Pr Colombe Rossignol, nous y a gentiment convié au séminaire consacré à la survie menacée de ce petit volatile familier de nos campagnes rurales et électorales, Ardea Rosea ou Ardea Solferinella, communément appelé le Héron solférinien. Vous connaissez tous cet échassier au long cou grêle en forme de S, si bien adapté à l'ingurgitation de couleuvres et dont l'on retrouve encore de nombreuses colonies dans les zones humides et les plans d'eau, comme aux abords des grandes vasques des jardins de l'Élysée et du Palais-Bourbon.

Illustration 3

           Une communication récente que vous avez peut-être encore en mémoire avait mis en lumière la relation toute particulière, les scientifiques appellent cela une symbiose, la relation toute particulière entre ce gracieux échassier, le Héron solférinien, et un redoutable saurien très particulier, le Gattaz (Gattaz Bosqueticus), lointain cousin du crocodile et du gavial.

   Symbiose ou cohabitation élective marquée par l'abandon fréquent par le Héron solférinien autour de ses nids de compléments alimentaires très appréciés du Gattaz, tels que crédits d'impôt, allégements des charges, défiscalisation et Loi Travail. En échange, si l'on peut dire, le Héron solférinien, en installant ses nids au-dessus des marais fréquentés par les Gattaz, s'assurait une protection contre ses prédateurs naturels, toujours en compétition avec lui pour l'occupation des plans d'eau élyséens et bourboniens, tel le plus connu d'entre eux le Héron Nicolocéphale (Ardea Nicolacephala).

           Tout était pour le mieux dans le pire des mondes, nous dit la Pr Colombe Rossignol, jusqu'à la récente période où cette aussi remarquable facilitation écologique réciproque se voyait interrompue par la migration des Gattaz à la recherche de cohabitations plus fructueuses auprès d'autres nuisibles tels que le Choucas Sarthois au plumage noir et aux sourcils broussailleux, ou plus sûrement encore le Macrondin de Bercy (Myocastor  Rotschildus). Connu des élégantes pour sa fourrure bon marché, surnommé encore Loutre d'Amérique ou Lièvre des Marais, ce joli mammifère est réputé pour fréquenter les berges droites et gauches des différents cours d'eau. Berges droites et gauches, dont par sa pratique de creusement de terriers, il participe à la déstabilisation et à l'effondrement. Certains observateurs polito-zoologistes ont émis l'hypothèse que cet effondrement des berges droites et gauches était en réalité destiné au comblement des canaux et à rendre plus aisé le passage d'une berge à l'autre.

Illustration 4

          Abandonné et en grande détresse, le Héron solférinien ? Menacé dans sa survie et ses capacités de reproduction ? C'est fort possible et tout à fait inquiétant, poursuivit la Pr Rossignol. D'autant plus que ses rares points de nidification aujourd'hui sont simultanément pillés non seulement par le Macrondin-fouisseur, mais également par le Mélenchon-dégageur dont la prédilection pour les mêmes lieux d'habitat que le Héron solférinien en fait un redoutable compétiteur.

           À ce moment de son exposé, la Pr Rossignol s'est vue poliment interrompue par une question de l'auditoire.

    « Merci pour la qualité de votre exposé Madame, et pour vos explications quant à la relation privilégiée entre le Héron solférinien et le Gattaz. Effectivement, la remise en cause de cette relation pourrait être fatale à l'espèce, pas celle des Gattaz bien évidemment. Mais ne pensez-vous pas que l'éclosion toute récente d'un nouveau petit solférinidé, le Hémon, au si joli ramage et au plumage rose tirant sur le rouge, ne pensez-vous pas que ceci pourrait constituer une possibilité de survie du genre Solferinella ? En somme, Hémon, plus que Héron, ne serait-il pas apte à perpétuer le genre Solferinella ? »

Illustration 5

           Avant même que Mme Rossignol ait pu répondre, un violent brouhaha s'empara de la salle, des cris et des sifflets fusaient de toutes parts. Comme les apostrophes les plus péjoratives : « On ne nous refera pas le coup du Bourget », « On n'est pas des imbéciles, on a même de l'instruction… », « Le Hémon n'est qu'un Héron, il avalera aussi les couleuvres… », « Les solférinidés, on s'en est déjà fait une idée », « Benoît, on n'est pas des benêts ». Nous vous en passons des meilleures et des plus injurieuses.

   Quand Mme Rossignol put enfin, la bronca apaisée, reprendre la parole, jugeant l'atmosphère électrique peu propice à un débat serein, même sur la conservation des espèces menacées et entre ornithologues de bonne foi, elle s'empressa de conclure sur la complexité des interactions écologiques et sur le caractère souvent néfaste pour une espèce, en l'occurrence le Héron solférinien, d'avoir trop laissé se développer une symbiose avec d'autres espèces en principe antagoniques, tel le Gattaz. Le Héron solférinien sera-t-il retenu dans la catégorie des espèces menacées à préserver ? Oui, peut-être, non, très probablement ? Nous hésitons encore. Quant à l'épineuse question du Hémon, il n'y a pas de roses sans épines, elle la laissa prudemment sans réponse. Pour nous, Mme Rossignol, elle demeure, plus qu'insistante, taraudante.

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