Fable ethnologique.
(De notre correspondant J. Casanova, à Santiago-du-Chili. En quête d'un bateau pour l'Ile de Pâques.)
Probable succès d'édition, bien que de peu d'intérêt scientifique ! Cela vaudrait pour un amusant et documenté article de la dernière livraison de la revue américaine d'Anthropologie "Ethnologics and Ethnographics", référence dans le monde des chercheurs en sciences sociales.
Une équipe de chercheurs, spécialistes de l'écriture océanienne de Râpa Nui, l'île de Pâques, conduite par Marylin F. Guyers et Joséphine W. Henincott, anthropologues à Boston University (Massachusetts) vient de nous faire une amusante révélation.
Travaillant au décryptage des fameuses tablettes Rongo-Rongo, tablettes de bois couvertes de signes, ainsi nommées d'après le lieu de culte Orongo où elles furent découvertes, et à l'étude des pétroglyphes, petites sculptures en bois dont les répétitions de symboles ont été rapprochées des refrains traditionnels des champs de guerre polynésiens, seuls vestiges à ce jour de cette antique civilisation, nos anthropologues ont ainsi pu élucider ce qui, pour nombre d'entre nous, n'avait pas manqué d'interroger durant la campagne présidentielle française de 2012, nous y venons : la reprise en groupe par l'ensemble des soutiens (dans l'article américain : supporters) du candidat F. Hollande lors des meetings et autres réunions électorales, dont les JT nous donnaient l'abondante lecture, reprise en groupe d'une gesticulation d'apparence ésotérique ou cabalistique que j'aurais peine à vous décrire, mais que vous gardez probablement en mémoire: un croisement des deux avant-bras, suivi instantanément d'un revers de main barrant la poitrine.
Pardonnez ma difficulté à la description, mais je pense vous l'avoir remis en mémoire. Dans le feu de l'action et la ferveur de la campagne, tous le monde avait bien compris qu'Harlem Désir et ses groupies meetingiéres, dessinaient là le signe de l'assurance tranquille et de l'invincibilité du "Le changement, c'est maintenant". La victoire obtenue ne faisant d'ailleurs que renforcer cette interprétation.
Eh bien, voyez-vous ! Là n'était pas la traduction à en faire. C'est ce à quoi vient de conclure notre consciencieuse équipe d'ethnologues au terme de trois mois de travail de décryptage et de recoupement de toutes les tablettes Rongo-Rongo et pétroglyphes à leur disposition. Et ceci, en retrouvant après un minutieux travail de restauration des statuettes, la reproduction à l'identique de cette sympathique mais énigmatique gesticulation, dans des scènes représentant des danses guerrières entamées avant le combat, bien en vue du groupe adverse, et destinées, soit à l'intimider, soit le plus souvent à le rassurer quant à la bénignité des intentions. Et précisément, la traduction approximative de cette posture qu'en donne notre équipe, assistée de spécialistes en linguistique maorie et austrénesienne, serait (sic) : "si toi, as gros pognon, toi pas être inquiet".
Jusque là, pourquoi pas ? Mais, pour donner corps à la thèse qui a immédiatement, il fallait s'y attendre, circulé dans le milieu de la gauche de gauche, à savoir, la connivence du candidat à la Rose et des marchés, manquait tout de même un chaînon. Comment ce mystérieux signal crypté avait-il été élaboré et surtout, comment le "camp du pognon", et lui seul, l'avait-il si opportunément décodé ?
Et à ces deux questions, bien entendu, nos scientifiques n'ont pas donné suite. Chercheurs, oui ! Policiers, voire délateurs, non !
Et c'est là, chers lecteurs, que vous reconnaîtrez, si ce n'est déjà fait, l'intérêt, en démocratie, d'un journalisme d'investigation. Car mon confrère Stéphane Baudelaire et moi-même sont en mesure de vous révéler le "pot-aux-roses" (pardonnez ce jeu de mots un peu facile).
Dans le staff de campagne du candidat à la Rose, où se pressaient sociologues, experts financiers, humanistes professionnels, humoristes aussi, économistes néoclassiques et tant d'autres, beaucoup auraient pu jouer ce rôle d'agent de liaison avec le "camp du pognon" (nous nous en tenons à cette formulation pour éviter toute polémique inutile), bien peu, pour ne pas dire aucun, n'auraient pu imaginer cette mise en scène ésotérique dont la signification, terriblement cryptée, était pourtant reçue cinq sur cinq par ceux à qui elle s'adressait.
Rendons justice à ce jeune diplômé de l'Ecole des Langues Orientales, que nous avons identifié et dont nous tairons le nom, spécialiste de la Papouasie, travaillant initialement à la rédaction du discours du candidat lors de sa visite pré-électorale en Nouvelle-Calédonie et qui, consulté par ce-même candidat sur les moyens propres à délivrer un message secret aux marchés financiers, message secret cette fois, après le piteux épisode de l'interview au Guardian et son "I am not dangerous", dont le seul effet n'avait été que de s'attirer les quolibets communistes et de semer le désarroi, heureusement momentané, dans sa base militante, rendons donc justice à ce jeune homme d'avoir su imaginer cette savante et si jolie scénographie, ce qui supposait chez lui une érudition et un sens tactique que bien peu de jeunes gens possèdent aujourd'hui.
Stéphane et moi-même travaillons encore sur la vérification de l'identité de celui, il s'agit d'une autre personne, qui serait allé délivrer les clefs du code au 55, avenue Bosquet, adresse que vous connaissez bien maintenant, en lecteur attentif de nos dépêches.
Notre dépêche transandine s'adresse aussi à tous ces parents cinquantenaires, voyant toujours avec inquiétude leurs enfants, brillants étudiants, s'engageant dans ces si longues études en Sciences Sociales (Anthropologie, Linguistique, Préhistoire...), études toujours décriées par le vulgus - à quoi cela peut-il bien servir ? - et dont la secrète déception - de si brillants enfants ! - restera toujours qu'ils n'aient pas opté pour les mathématiques pures et leur débouché aujourd'hui consacré, le trading à la City.
Eh bien qu'ils se détrompent ! "La valeur bien née, n'attend pas le nombre des années !" Notre talentueux jeune homme vient d'intégrer, à un poste éminent, le Département de l'Histoire des Civilisations de l'EHESS (École des Hautes Études en Sciences Sociales), sur recommandation de Denis Kessler, vice-président du Medef, lui-même ancien Directeur d'études dans cette prestigieuse institution.
Il y a tout de même une morale à cette fable ! A l'éminence du service rendu, correspondra une juste rétribution !