Union sacrée.
(De notre envoyé spécial Jean Casanova à Satory Yvelines)
(De retour précipité en France, revenant de Santiago-du-Chili après avoir renoncé à m'embarquer pour l'île de Pâques... 8 j. de traversée).
Oui, aujourd'hui envoyé au camp militaire de Satory et non pas, chers lecteurs, comme vous pourriez le croire, le nom de cette petite bourgade des Yvelines évoquant immédiatement pour vous les suites de l'impitoyable répression versaillaise qui suivait la Commune, Satory où fut jugée et condamnée à la déportation par un tribunal de guerre, Louise Michel, et fusillé l'héroïque Colonel Rossel, non, ma visite ici n'était pas pour interroger ce glorieux passé, mais, paradoxe affreux, pour représenter notre journal, l'accréditation nous parvenait il y a 48 heures, au Grand Salon International de la Défense et de la Sécurité Terrestres et Aéroterrestres, vous l'avez compris, le rendez-vous annuel de tous les marchands d'armes et de la galonnerie internationale.
Et bien sur, il n'était question entre nous, accrédités hexagonaux, dans les rares moments de répit que nous laissait l'interminable déambulation au travers des stands du Salon, devant l'exposition de tout ce qui se fait de mieux aujourd'hui en machines à tuer, au milieu des casquettes, képis, shakos et autres casoars de tous les continents, des représentants officiels de toutes les firmes de la mort, tankistes, avionneurs, missiliers et canonniers, automitrailleurs, auxquels se mêlaient d'étranges personnages aux allures fausses, vous l'avez tout de suite deviné, commissionnaires et rétrocommissionnaires, chargés de prélever leur part et celle de leurs affidés sur ce toujours florissant marché, il n'était question entre nous, petits journalistes, leur badge d'accréditation dûment accroché au revers de leur col de chemise, il n'était question que de l'héroïque déclaration (à chaque époque, ses héros) de notre Premier Ministre, tel Denfert-Rochereau, sur les murs de la citadelle de Belfort : "La loi de programmation militaire sera totalement préservée". Coup de menton martial à l'attention de la soldatesque et des marchands de mort, dont il savait ainsi qu'ils gagneraient les cœurs.
Eh oui, chers amis, à la veille du vote au Parlement du collectif budgétaire destiné à entériner la réduction de 50 milliards de la dépense publique, à l'heure où tous les ministères, Équipement, Éducation Nationale, Culture, Santé, Justice... doivent revoir à la baisse drastique toutes leurs prévisions, avec tout ce que cela implique en matière de blocage salarial, de suppressions d'emplois, de rétrécissement des services publics, cette mâle déclaration avait vocation à signifier que, pour tuer, il restera de l'argent.
Et au nom de quels principes? Les plus grands! Ceux de la souveraineté nationale, du rayonnement de la France à l'étranger, de la protection du territoire!
Et avec quels mots ? Les plus sacrés ! "Sanctuariser le budget de la défense", "La loi de programmation militaire sera notre Bible !"
Oui, pour ce qui constitue le cœur du domaine sacré de la souveraineté, l'intransigeance de notre Clémenceau sera totale. Qu'on se le dise!
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Après sa prestation de marionnette en gendarme Flageolet, sans autre coup d'éclat que celui du renvoi de Léonarda, notre Premier Ministre s'apprêterait-il à endosser le costume de Matamore ou de Capitan, soldats fanfarons? Personnages de la Commedia dell'arte, plus connus dans notre folklore hexagonal sous les noms ridicules de Fracasse, Rodomont, ou Tranche-Montagne.
Après la normalité de 2012, n'allons nous pas assister à la parodie du faux point-d'honneur, du serrement de mâchoires et des mouvements d'epaulettes ?
Si c'est dans cet accoutrement et avec ces postures, que la Gauche se prépare à monter au front pour 2017, pour ma part, chers lecteurs, et prenant les risques de la censure militaire, ce sera objection de conscience, insoumission ou désertion.
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Jean Casanova
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