(Au pied de l'Esterel - Les Estivales de Marine Le Pen - Fréjus - Var 18 Septembre 2016)
Prêt à tout. Ira-t-il jusqu'au coup d'État ? À l'instar d'un fameux prédécesseur ? Le Prince Président Louis-Napoléon Bonaparte, premier Président, en 1848, de la République Française. Perplexe, à l'automne 1851, à six mois de l'échéance de son mandat – la Constitution de 1848 indiquant expressément qu'il n'était pas renouvelable – il songeait déjà à la fin de son immunité, au retour des créanciers et à la sanction de son insolvabilité, la prison pour dettes.
Dans son célèbre ouvrage, Le 18 Brumaire de Louis Napoléon Bonaparte, Karl Marx résumait d'une formule latine lapidaire, l'inquiétant dilemme du personnage : Aut Caesar, aut Clichy. Traduction : Ou César, ou Clichy. De façon plus claire : redevenir Président, ou destination Clichy, prison réservée à cette époque aux faillis et insolvables.
Nous connaissons la réponse donnée à cette angoissante question : le coup d'État du 2 Décembre 1851 et le Second Empire pour 20 ans. Même si pour les historiens, la chose ne fut pas le motif essentiel de ce coup de force, elle compta pour beaucoup.
Le philosophe Hegel faisait cette remarque que tous les grands événements historiques se répètent deux fois : la première comme tragédie, la seconde comme farce. Nous y sommes précisément.
Cerné par les affaires, exposé aux gardes à vue, aux mises en examen, aux procès, aux amendes ou pire encore à la prison, il ne reste plus à Nicolas Sarkozy qu'une échappatoire, la réélection en 2017 et la reconquête de l'immunité.
Le débardeur est déjà enfilé. Sera-t-il le costume du coup d'État ?
(Le débardeur, emblème bien connu de la virilité, est apparu au XIXe siècle, lorsque les forts des Halles, manutentionnaires au physique imposant, ont décidé de couper les manches de leur chemise de laine, gagnant ainsi plus de liberté pour les mouvements des bras, tout en se protégeant les lombes des courants d'air froids. Séduit, Marcel Eisenberg, propriétaire de la bonneterie Marcel à Roanne, eut l'idée de fabriquer ce maillot auquel il donna son nom, le Marcel. Prisé des ouvriers et des soldats, puis porté au cinéma un siècle plus tard par Marlon Brando et Bruce Willis, il est devenu l'attribut du pectoral viril et testostéroné. Vous savez tout sur le Débardeur et le Marcel. Précision supplémentaire, il peut être porté avec des talonnettes.)
Dans un essai pamphlétaire, grand succès de librairie, paru en 2007 au lendemain de l'élection de Nicolas Sarkozy, De quoi Sarkozy est-il le nom, le philosophe Alain Badiou s'interrogeait. Non sur l'identité du nouveau Président, là n'était pas pas la question, mais sur la signification profonde, pour la France de l'époque, d'un tel événement. Et de citer quelques pistes explicatives : la faillite morale et politique de la Gauche, déjà ; la peopolisation de la vie politique ; le culte du Chef et de l'Homme providentiel ; le pétainisme latent de la société française ; les institutions antidémocratiques de la Ve République…
Dix ans plus tard, aujourd'hui, la question De quoi Sarkozy est-il le nom mérite d'être réexaminée. Quels correctifs ou compléments apporter aux réponses d'hier ?
La faillite morale et politique de ce que l'on appelle maintenant, depuis quatre ans, « la Gauche de gouvernement ». Ses reniements et trahisons, au point de devoir porter aujourd'hui le nom de « Droite complexée ». N'insistons pas ! La chose est acquise et plus que confirmée.
La peopolisation de la vie politique. État stationnaire, mais toujours aussi préoccupant.
Le culte de l'Homme providentiel. Un bémol ! Tant se répand aujourd'hui l'idée de la surdité de la France d'en haut aux problèmes de la France d'en bas, de la trahison des élites, du désenchantement vis-à-vis du Politique.
La droitisation de la société, travaillée par la xénophobie, les hantises migratoires, la thématique des guerres de religion, la crainte des attentats. Il y a sûrement de cela.
Mais, mettons surtout l'accent sur les institutions antidémocratiques de la Ve République et tout particulièrement sur sa clé de voûte, l'institution présidentielle, dont le côté vicié apparaît aujourd'hui de façon éclatante. Alors que les études d'opinion enregistrent que 8 Français sur 10 ne veulent plus d'un affrontement au sommet entre les deux frères ennemis, un système pervers de Primaires manipulées fait tout, il va peut-être aboutir, pour leur entrée, tous deux, en lice : François Hollande et Nicolas Sarkozy.
Le premier jouissant dans l'opinion d'une cote de confiance dépassant à peine les 10 % ; le second poursuivi par les instances judiciaires pour trafic d'influence, escroquerie en bande organisée, caisse noire et maquillage de comptes de campagne, peut-être également corruption par l'argent étranger ; accusé encore par une commission d'enquête du Parlement britannique d'avoir favorisé le chaos en Libye pour des raisons de politique intérieure, en 2011, à un an de sa tentative de réélection.
Voilà les deux protagonistes clés que veulent nous fourguer les Primaires. Voilà De quoi Sarkozy est-il le nom aujourd'hui, Monsieur Badiou, si vous songez à une réédition.
Dans peut-être le seul pays d'Europe et du monde occidental, où l'accès au pouvoir suprême permet de ne pas rendre compte à la Justice des faits de la plus haute gravité qui vous sont imputés, un individu, plutôt que la fuite à l'étranger, un faux passeport ou une opération de chirurgie esthétique, a choisi la reconquête de l'immunité par le suffrage majoritaire. En forcené prêt à tout, on s'interroge, concourt-il simultanément à deux Primaires, celle de son parti et…