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Toujours tenter, derrière les symptômes, d'identifier la maladie ; derrière les faux-semblants, la réalité (Louis Pasteur).

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Billet de blog 21 mai 2014

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La guerre a commencé. Et déjà, nos troupes...(de notre correspondant de guerre J.Casanova au PC du général Maunoury, sur le front de l'Ourcq) 

          Tels ses ancêtres du début du siècle précédent, L'Illustration, Le Temps, Le Petit Journal qui, enfiévrés de ferveur patriotique dans les premiers jours d'Août 1914, affichaient à la une des communiqués de victoire retentissants, dont la succession assourdissante n'empêchaient pourtant pas les Prussiens d'arriver sur la Marne dès Octobre, notre héroïque Le Monde publie aujourd'hui le premier bulletin de l'impitoyable guerre à la finance lancée par notre Joffre de l'économie, le généralissime Valls et ses deux généraux de brigade Sapin et Cazeneuve.

  Je cite ce martial chapeau de la p.4 de son supplément Eco : "La lutte contre l'évasion fiscale finit par payer. L'État prévoit d'encaisser 1,8 milliards d'euros au titre des régularisations fiscales".
La prudence reste de mise : la victoire est prévue, sinon acquise !


           Oh ! Modestie et honnêteté obligent, il est immédiatement annoncé qu'on est loin des 60 à 80 milliards annuels de recettes estimées perdues et qui, véritable Alsace-Lorraine, restent à reconquérir.
Mais, apprenons-nous, l'offensive est lancée ! Que l'ennemi financier ne s'y trompe pas !

  Et déjà, les repentis fiscaux affluent, 23 000, poussés à sortir du bois depuis la chute d'un de leurs infiltrés, il y a encore 18 mois à la tête du Ministère du Budget. L'ire présidentielle est sans limites. Tel Édouard III d'Angleterre en 1346, au siège de la ville de Calais, courroucé par la résistance de ses habitants derrière leurs remparts, c'est, a donné l'ordre notre Président, "à genoux, en chemise, la corde au cou et les clés du coffre à la main, que je les veux dans mon bureau".

  Et, dans une envolée robinhoodesque, son chef d'état-major, le généralissime Valls, d'affecter immédiatement la rondelette cagnotte (1,8 milliards) à l'allégement fiscal des humbles chaumières du royaume impitoyablement rançonnées depuis deux ans par le biais de la taxe, de la dîme et de l'impopulaire gabelle. Espérant par-là, à la veille d'assemblées électorales, apaiser le ressentiment du bon peuple épuisé par tous les shérifs de Nottingham.


          A Paris, 55, avenue Bosquet, au siège central de la Caisse de Préconisation et d'Encouragement à l'Off-shore Fiscal (CPEOF), on reste prudent. Et même, pour certains, soulagés. Ce front secondaire de la guerre à la finance, la fraude fiscale de particuliers imprudents, ne concerne après tout que quelques voltigeurs, gros commerçants, chirurgiens capillaires avantageux, artistes de cinéma à la bedaine et aux cachets ventripotents, légataires heureux d'un héritage qu'ils avaient jusque-là tenu cachés, avant-centres du ballon rond il y a encore cinq ans ados un peu voyous de banlieue, tous personnages dont le sort n'est pas ici jugé primordial et dont on est largement prêt à faire le sacrifice rituel, comme du fameux bouc auquel Dieu avait demandé à Moïse de faire porter les péchés du monde.

  On reste prudent et même relativement confiants dans les états-majors secrets de nos poids-lourds du CAC 40, Total, BNP Paribas, Air Liquide, LVMH, Schneider Electric et Pernod Ricard..., où le dérobement aux obligations fiscales a pris d'autres allures que celles empruntées par ces petits joueurs, gagnant les rives du lac Léman avec quelques serviettes de cuir bourrées de liasses, sous un plaid au fond du coffre de leur 4x4 BMW et, si la saison le justifie, avec trois paires de skis arrimées sur leur galerie de toit, sur de sinueuses petites routes alpines devant, en principe, leur permettre d'échapper aux contrôles de la volante.


          Paradis fiscaux, sociétés off-shore sont encore à l'abri des Lebels de nos vaillants piou-pious et cette guerre-là, hautement improbable n'est pas prête de commencer, pense-t-on. Certains parlent même d'un gentleman's-agreement passé en haut lieu.
A moins que, et c'est là tout l'art du blitzkrieg, ce débonnaire momentané dont semble jouir nos évadés ne soit que de façade et que des plans secrets d'offensive soient déjà dans les cartons de Matignon, plans d'une attaque-surprise, véritable Pearl Harbor pour la Finance. Prochain couvre-chef pour notre généralissime : après le képi du général Joffre, la casquette de l'amiral Tojo ?
Soyons certains, en tous cas, que notre Le Monde sera de la partie et applaudira des deux mains, dans ce parti-pris qui est le sien et que beaucoup lui reprochent, celui des humbles et petites gens affrontées aux puissants.

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