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Toujours tenter, derrière les symptômes, d'identifier la maladie ; derrière les faux-semblants, la réalité (Louis Pasteur).

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Billet de blog 22 juin 2014

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De l'intérêt de la fréquentation des gens de culture. Ils nous font nous interroger.

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De l'intérêt de la fréquentation des gens de culture. Ils nous font nous interroger.‏

   (De retour vers Paris en TGV, à 2h30 d'Avignon. Papier non signé. Vous en reconnaîtrez aisément l'auteur.)

          Avignon que j'abandonnais momentanément, la situation paraissant bloquée, prenant la précaution tout de même d'y conserver ma chambre, 22, place de l'Horloge, à deux pas du Palais des Papes, au modeste mais gentil Kyriad Hôtel, c'était tout ce que pouvaient permettre mes notes de frais, j'en profite d'ailleurs pour vous inviter à ne pas oublier la toujours ouverte souscription "Pour que vive L'Humanité", laquelle vous donne droit, vous le savez, à une réduction d'impôt. À grande vitesse donc, tout au long du sillon rhodanien, avec en tête une réflexion, plus fondamentale celle-là que celle de l'avenir de la Culture dans notre pays, plus fondamentale encore que non étrangère: le comment, le pourquoi, surtout le pourquoi du TAFTA (Trans-Atlantic Free Trade Agreement ), plus connu dans son appellation française ramassée le Grand Marché Transatlantique.
          Le comment, nous commençons à en connaître les grandes lignes: suppression des droits de douane, attaque sur les normes sociales, sanitaires et écologiques, marchandisation et dérégulation intégrales de l'économie, contrôle citoyen à la trappe, les lois de chaque État déclassées au profit de la "police arbitrale" des multinationales. Je n'y reviens pas, vous connaissez déjà cela! Des amis du Front de Gauche ou d'Attac vous en ont parlé, peut-être même surabondamment. Sinon reportez-vous de tout urgence à l'excellente présentation conférencière qu'en fait Raoul-Marc Jennar sur son site Internet (Google: tapez Raoul-Marc...).
          Mais le pourquoi. Allons au-delà de la formule choc et lapidaire de David Rockefeller: "Quelque chose doit remplacer les États, et le pouvoir privé me semble l'entité adéquate pour le faire". Si l'on s'en tient à cette formule, pourquoi et comment cet objectif planétaire du capitalisme néolibéral aujourd'hui mondialisé, (à côté duquel, le grand projet néo-conservateur post-clintonien et bushiste "Les USA pour le XXIe siècle" et ses conséquence, les guerres du Proche-Orient pour le contrôle stratégique des matières premières, n'était qu'un jeu de gamins), pourquoi cet objectif planétaire devrait-il se donner ce mécanisme circonscrit à l'espace transatlantique USA-UE?
Et c'est-là que me revient en mémoire la lecture pas si récente (2010) du remarquable ouvrage de Giovanni Arrighi "Adam Smith à Pékin (Les promesses de la voie chinoise)" où l'auteur, à contre-courant de la pensée dominante, s'interrogeait (il est décédé en 2009) sur le thème "La Chine, voie possible du capitalisme au XXIe siècle". Giovanni Arrighi, économiste, sociologue et historien, enseignant à l'University John Hopkins de Baltimore et au Centre Fernand-Braudel pour l'Etude des Systèmes Historiques et des Civilisations de l'University  New York Binghamton (je ne dis pas tout cela de tête ; je viens de vérifier!), y développe dans une synthèse remarquable inspirée de la "Dynamique du Capitalisme"de Fernand Braudel, la thèse du capitalisme comme système-monde depuis maintenant 4 à 500 ans, centré à chaque période sur un groupe de cités (Gênes, Venise et Florence du XVIe siècle), puis sur des États aux assises territoriales de plus en plus larges (Anvers, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne et enfin les États-Unis), déplacement d'espace et de siècle (du XVIIIe néerlandais au XIXe britannique et au XXe américain), chaque déplacement de centre correspondant au dénouement de la crise de fin de cycle du centre précédent. Synthèse magnifique et séduisante nous transportant sur cinq siècles, du passage/mutation du capitalisme bancaire des cités italiennes, au capitalisme commercial des Pays-Bas, industriel de la Grande-Bretagne, pour en arriver à la crise actuelle du capitalisme financier essentiellement centré, mais pas totalement, sur les États-Unis. Avec la question qui ne manque pas de se poser aujourd'hui. La réponse n'en est pas écrite d'avance : demain quel nouveau centre? Adam Smith n'avait-il pas anticipé cette montée de l'Asie? Et d'ailleurs pourquoi pas? L'Histoire a suffisamment montré que les centres se sont toujours déplacés depuis que les civilisations existent.
          Pour en revenir au TAFTA, ne pourrait-on pas y voir la tentative désespérée, désespérée car mon avis elle échouera, elle est littéralement folle, de ressouder, sous hégémonie américaine et sur les bases les plus ultralibérales, le vieil occident euro-atlantique rentré en crise de fin de cycle, face justement à l'Asie qui monte? L'hystérisation antirusse sur la crise ukrainienne, et quels que soient les torts partagés, n'en participe-t-elle pas? Même question pour l'ostracisation du monde arabo-musulman. Il resterait encore à rompre avec le Brésil! Mais après la Coupe du Monde, s'il vous plaît.
Je m'arrête tout de suite, car je vois déjà, devant leur écran, les mouvements d'humeur de quelques têtes, assez nombreuses, toujours les mêmes! Je ne prophétise pas. Je ne souhaite pas. Je m'interroge à voix haute. Et faites-en autant! Au lieu de me resservir: "haine de soi", "complotisme", "machiavélisme", "déclinisme" et autres billevesées.
Tout ce que je viens de laborieusement avancer peut, fragment par fragment ou en bloc, faire objet de débats, être complété, réfuté, remplacé! Et je vous invite à vous y mettre.
Il reste la question: pourquoi ce projet fou et littéralement inhumain de faire des deux rives de l'Atlantique, l'endroit où serait éradiquée toute trace de civilisation, remplacée par l'intégrale liberté du marché, dissolvant tout, le social, le politique, le juridique, l'esthétique, jusqu'au religieux? Bonjour la planète! Elle n'y résistera pas.
          Pauvres créatures que nos politiques qui, bien que plus instruits que vous et moi, et, sur cette question, sûrement plus conscients des désastres qu'ils préparent, y participent malgré tout, avec peut-être la seule et piètre excuse qu'ils se donnent, car ils doivent bien s'interroger quand ils sont seuls: "de toutes façons, si ce n'est pas moi qui le fait, un autre prendra ma place".

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