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Toujours tenter, derrière les symptômes, d'identifier la maladie ; derrière les faux-semblants, la réalité (Louis Pasteur).

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Billet de blog 22 novembre 2019

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Jeu de bonneteau

Le bonneteau est un jeu d'argent, un jeu de dupes et de l'ordre de l'escroquerie…

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        Le bonneteau est un jeu d'argent, on le sait maintenant, un jeu de dupes et de l'ordre de l'escroquerie. Proposé à la sauvette sur les marchés et les lieux publics, il est pratiqué en France depuis le XIVe siècle et connaît encore de beaux jours en ce début de XXIe siècle.

  Le maître du jeu, appelé bonneteur, est un charlatan professionnel assisté de complices, appelés, c'est selon, démarcheurs ou marcheurs, chargés de rabattre les gogos. Un Castagneur est souvent présent, chargé lui, de jouer les gros bras et de calmer les éventuellement rebelles perdants.

  Pratiqué à l'aide de deux cartes, l'une rouge, l'autre noire, cartes que le bonneteur manipule habilement pour tromper les badauds et les faire miser à perte sur celle qui ne sortira jamais, ce jeu connait d'autres variantes comme celui de la balle sous trois gobelets, ou de la fève sous trois coquilles, ce dernier immortalisé dans le tableau de Jérôme Bosch, L'Escamoteur. La fève pouvait être remplacée par une petite boule de liège appelée muscade.

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C'est de là que nous vient la jolie expression « Passez, muscade ! »

          Immortalisé dans la culture populaire, le jeu de bonneteau a inspiré plusieurs scènes de cinéma comme dans Fric - Frac de Claude Autant-Lara, en 1939, et tout récemment, d'un jeune metteur en scène déjà connu pour sa pagnolade, Macron des sources, Emmanuel Autant-Dira, dans le film à l’émouvant scénario, La Charité pour l'Hôpital.

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          Le Monde du 20 Novembre nous en fait part : « Dette des hôpitaux, l'État va reprendre à sa charge 10 milliards d'euros en trois ans. »

  En quoi une telle annonce « assainir la situation financière de nos hôpitaux » relève-t-elle du bonneteau et tout simplement de l'escroquerie ? Nous allons y venir.

Illustration 4

  Mais tout d'abord, commençons par le début : qu'est-ce que l'Hôpital ? Pièce maîtresse du système de santé français, l'Hôpital, public ou privé, général ou universitaire, est un lieu destiné à la prise en charge de toutes les pathologies trop complexes pour être traitées par le médecin de famille prescripteur d’une ordonnance exécutée par le pharmacien.

  Et comme ces deux derniers, médecin et pharmacien, même si les modalités en sont différentes, l'Hôpital est intégralement financé par la Sécurité Sociale. Par la Sécurité Sociale et non par l'État, contrairement à d'autres pays, comme par exemple en Grande-Bretagne, où le NHS (National Health Service) est abondé par l'État et donc le contribuable.

  L'originalité de l'Hôpital en France, et toute la problématique est là, tient à son financement exclusif par la Sécurité Sociale, elle-même alimentée, non par l'Impôt, mais par la Cotisation.

Illustration 5

          Qu'est-ce donc que la Cotisation ? Nous vous l'avons souvent expliqué, mais le redirons encore, la Cotisation, créée en 1945 par le ministre communiste Ambroise Croizat, en application des recommandations du CNR (Conseil National de la Résistance), la Cotisation est un prélèvement direct sur la richesse créée par le travail. À côté du profit versé en dividendes aux actionnaires, l’autre part de la richesse créée et allant au Travail représente la masse salariale. L’une de ses fractions, non pas directe et individualisée comme le salaire mensuel, mais socialisée et différée, et pour cela mise de côté dans une caisse, la Sécurité Sociale précisément, se nomme la Cotisation. La Cotisation est une fraction du salaire. Vous savez tout maintenant.

Illustration 6

  Salaire socialisé et différé pour faire face, pour tous, lorsque le salaire direct est interrompu par la maladie ou la retraite.

          S'il existe aujourd'hui, accumulée depuis des dizaines d'années, une dette hospitalière, c'est par ce que l'Hôpital, pour ses infrastructures, ses équipements, ses dépenses salariales (médecins et personnels soignants et administratifs), l'Hôpital ne perçoit plus les fonds suffisants de la Sécurité Sociale, ceux issus de la Cotisation, se voyant obligé par là  d'emprunter aux institutions bancaires.

  Pourquoi l'Hôpital ne perçoit-t-il plus le nécessaire à son activité, et ceci quel que soit la forme d'abondement –  ancienne enveloppe globale ou « moderne » T2A (tarification à l'activité) – et ceci depuis plus de 40 ans, de Giscard - Simone Veil à Macron - Agnès Buzyn ? Par ce que la Cotisation, cette fraction du salaire est insuffisante. Insuffisante, tout simplement parce que, sur injonction médévienne, son taux a été gelé depuis 40 ans. Gattaz père et fils, le baron Ernest-Antoine Selliere, Laurence Parisot et consorts sont passés par là.

  Ceci alors que les besoins de santé ont considérablement augmenté en raison du vieillissement de la population et de l'accentuation du coût des nouvelles technologies médicales.

         Au final, cette dette de 30 milliards d'euros n'est finalement rien d'autre que le produit du basculement depuis 40 ans des mêmes 30 milliards, dans le partage de la richesse créée, du Travail vers le Capital.

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  Et la prise en charge de cette dette qui, finalement, est en réalité la dette du Capital au Travail, la prise en charge de cette dette par l'État revient à faire payer au contribuable l'argent du par l'actionnaire au salarié.

  En fait, au salarié lui-même de se rembourser la dette qui lui est due. Joli tour de bonneteau à l'adresse des naïfs badauds.

         Si de plus, cette reprise de la dette par l'État s'acompagne, nous nous y attendons, de l'exigence pour l'Hôpital de s'ouvrir au capital privé, sous la forme par exemple de PPP ( Partenariat - Public - Privé ), on pourra dire que le tour est bien joué. Passez, muscade !

  On reconnaît un grand chef de guerre à ce que, mis en difficulté sur un front, celui de la révolte hospitalière, il profite de la riposte pour continuer à mettre en œuvre son plan de bataille, la privatisation la plus large de toutes les activités publiques.

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