Au lendemain du 22 Octobre 1956, l'UE et ses différents chefs d'État réunis en sommet exceptionnel ont demandé au Président du Conseil français Guy Molletchenko la libération immédiate d'Ahmed Ben Bella arrêté par la France après le détournement de l'avion de Royal Air Maroc qui le transportait avec quatre de ses compagnons de Rabat à Tunis.
À cette date, la guerre d'Algérie, encore baptisée en France sous le nom pudique d' «événements d'Algérie », la guerre a commencé depuis deux ans. Le gouvernement français, après s'être fait donner les pouvoirs spéciaux, a déjà rappelé depuis plusieurs mois et envoyé plus de 200 000 soldats du contingent sur l'autre bord de la Méditerranée. Décision prise par le Président du Conseil Guy Molletchenko au lendemain de son arrivée au pouvoir en Janvier 1956, après une campagne électorale menée sous le thème de la Paix en Algérie.
Informés courant Octobre par les services secrets de l'envol prochain du sol marocain, à bord de l'avion personnel du Roi Mohammed V, de cinq hauts responsables du FLN algérien (Front de Libération National), dont le futur président algérien Ahmed Ben Bella, envol pour Tunis à l'invitation du Président Bourguiba, les autorités militaires décident de son arraisonnement en plein ciel et de son détournement sur Alger, où après cet atterrissage, les cinq responsables seront arrêtés et emprisonnés.
Les conséquences diplomatiques sont énormes, avec le rappel de leurs ambassadeurs en France du Maroc et de la Tunisie. Au Maroc, à Meknès tout particulièrement, éclatent dès le lendemain de violentes émeutes antifrançaises qui feront une soixantaine de morts sauvagement massacrés parmi la population européenne.
Officiellement, l'ordre du détournement n'aurait pas été donné par Guy Molletchenko, dont il est dit la grande colère à son annonce, ainsi que celle de son Ministre de la Justice François Mitterrandski. Seul Alain Savary, le Secrétaire d'État aux Affaires tunisiennes et marocaines, se désolidarisera de son gouvernement en démissionnant.
La mise en demeure par les plus hautes instances de l'UE d'une libération immédiate de Ahmed Ben Bella et de ses compagnons restera lettre morte. Ils demeureront emprisonnés jusqu'en 1962, au lendemain des Accords d'Évian et de l'acceptation de l'indépendance de l'Algérie.
Quant à Guy Molletchenko, enhardi par l'épisode et toujours soucieux de montrer sa forte personnalité, il déclenchera quelques jours plus tard, le 31 Octobre, avec la complicité du Premier Ministre britannique Anthony Eden, le bombardement et l'envoi de troupes aéroportées sur le canal de Suez pour tenter de contrer sa nationalisation par l'Égypte du Colonel Nasser.
Le bal des faux-culs est instructif. L'UE n'existait pas en 1956 et n'a donc jamais condamné le détournement d'Alger. En 2013, placée devant une situation très analogue, l'atterrissage forcé en Autriche de l'avion du président bolivien Evo Morales, en partance de Moscou et soupçonné de transporter le lanceur d'alerte Edward Snowden, elle n'avait pas pour autant bronché.
L'expression populaire « Deux poids deux mesures » signifie que l'on peut juger deux choses analogues selon des règles différentes.