Il fut donc décidé que Manuel Valls représenterait la République Française aux cérémonies de canonisation.
Attendez! Il n'y a là aucune méprise.
Derrière la présence officielle de l'État Français à ces cérémonies, n'allez pas voir le souci de voir reconnaître notre place de 4° vendeur d'armes (et donc de canons) du monde. Ni notre 1° de producteur mondial de vin, 50 millions d'hectolitres (tu reprendras bien un canon!). Ni notre goût bien connu pour l'attirante beauté féminine (c'est vraiment un canon!). Non plus, la marque d'affection souvent réaffirmée pour nos petits chanteurs et cette forme musicale polyphonique si mélodieuse (le canon de Pachelbel).
Non, vous n'y êtes pas du tout! La République Française a tenu, sur décision du chef de l'État, et par la personne du Premier Ministre, à honorer de sa présence la cérémonie de proclamation solennelle, par laquelle le Pape, au terme d'une longue enquête, déclarait officiellement admis au rang des Saints, il signore Angelo Giuseppe Roncalli et prosze pana Carol Wojtyla, plus connus tous deux sous leur nom d'artiste, Jean-XXIII et Jean-Paul II. Oui, des Saints! Hommes sanctifiés, proposés en exemple et auxquels sera rendu un culte public.
Je vous devine surpris pour certains, interloqués pour d'autres, désapprobateurs voire même franchement hilares pour les plus extrémistes.
Et je vous comprends! La République Française, "république indivisible, laïque, démocratique et sociale" (art. 1 de la Constitution), en la personne de son Premier Ministre, assiste, cautionne et baisse les yeux, respectueuse, au spectacle d'une scène de mystification collective, affaire de la sphère privée et non de la sphère publique.
Afin de ne pas donner corps à la justifiée accusation de favoriser un rite plutôt qu'un autre, le Chef de l'État, ou son plénipotentiaire, devra-t-il également aller déposer ses vœux au Mur des Lamentations, célébrer l'Achoura, de longues lanières cloutées à la main avec les flagellants de Kerbala, voire assister à des sacrifices animaux au culte vaudou, aux îles Caraïbes?
Étonnant qu'il y consente! Mais après tout, ce ne serait là que souci d'apaisement et prise de distance par rapport à la si grave accusation.
Les contempteurs et les sarcastiques ne seront pas étonnés. Il leur sera facile d'ironiser sur le grossier clin d'œil à l'électorat des campagnes, où dans bien des chaumières, sur les rayonnages en formica, à côté du vieux poste de télévision, quelques fois encore noir et blanc, on trouve, pieusement exposés, une carte postale de la Basilique Saint-Pierre ou un portrait de Sa Sainteté.
D'autres, s'interrogeront sur ce grand écart des adeptes de la société de marché, enfants secrets de la Société du Mont-Pèlerin, rendant hommage au culte des Saints. À quand la béatification de Milton Friedman qui, s'il n'avait pas d'apôtres, avait ses Chicago boys?
C'est en cela que l'on reconnaît un pouvoir en perdition morale : être prêt à toutes les singeries.
Jean Casanova