(Siège de la Revue Alauda - 4, avenue du Petit Château - Brunoy - Essonne)
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Nous sommes aujourd'hui, à l'invitation de la Pr Colombe Rossignol, au siège de la rédaction de la Revue Alauda, l'organe officiel de la Société Française d'Ornithologie.
(Alauda signifiait en vieux latin gallo-romain, alouette.)
Dans la petite salle de conférence du journal, un petit public d'initiés s'est rassemblé. On y échange plaisanteries et coucous amicaux. Que faire de mieux entre amis des oiseaux ? Surtout aujourd'hui, fortement émus, après l'annonce présidentielle de l'interdiction de la chasse à la glu pour les grives et les merles. La France était le dernier pays d'Europe à encore autoriser cette pratique barbare.
La Pr Colombe Rossignol, présidente de la Société, est enfin annoncée, venant nous présenter sa dernière communication concernant un petit cuculidé de nos campagnes, le Coucou à ventre rose et bleu, encore appelé Cuculina Macronia. D'où provient donc cette mignonne appellation de Cuculina ? Le Pr Rossignol nous livrera plus loin la clé, elle a son importance, de cette question de terminologie.
(Le terme de coucou est une onomatopée issue du chant du coucou gris, car, sachez le, tous les coucous n'ont pas le ventre rose et bleu. Le nom antique et romain de ce petit hôte de nos bois est cuculus, d'où découle aujourd'hui la dénomination scientifique de l'espèce : Cuculina. Et c'est à noter, c'est important, le cri et le comportement de cet oiseau sont à l'origine du mot cocu. Nous en verrons les aboutissements d'aujourd'hui. )
La Pr Rossignol vient ainsi corriger ce que nous avons toujours cru des coucous, le fait qu'ils parasitent le nid d'autres oiseaux en y déposant leurs œufs au milieu de ceux des hôtes habituels, le futur petit coucou éclos se comportant rapidement comme un petit prédateur-squatteur, profitant de l'absence de ses parents adoptifs, pour chasser du nid les autres oisillons, leurs véritables locataires.
Stratégie de défense contre ce piratage, beaucoup d'espèces d'oiseaux, tel le petit passereau Prinia Modeste, pondent des œufs aux motifs très variés, parmi lesquels la dépose de l'œuf de coucou est immédiatement repérée, et ce dernier promptement jeté hors du nid.
Chers amis, vous savez déjà tout cela, appris dans les cours de récréation de votre enfance, et je vous sens inquiets quant à ses longs et peut-être inutiles développements ornithologiques.
Ce que vous ne savez pas, par contre, et c'est là tout l'intérêt de la communication de la Pr Rossignol, c'est que Cuculina Macronia, le coucou à ventre rose et bleu, a un comportement tout à fait différent.
Cuculina Macronia ne dépose pas ses œufs dans les nids d'autres espèces. Bien au contraire. En a-t-il d'ailleurs des œufs ? Profitant de l'absence momentanée, elle est toujours brève, au moins jusqu'en 2022, des véritables parents couveurs en chasse de vermisseaux et moucherons, il prend carrément possession du nid et de la couvée, ceci jusqu'à son éclosion, s'appropriant ainsi le produit de la reproduction de l'espèce parasitée.
A une question profane mais tout à fait sensée de la salle : « Mais alors, comment fait-il pour se reproduire lui-même, ce Cuculina Macronia ? », la Pr Rossignol a indiqué que justement le mystère était encore entier et que l'on avait grande crainte quant à la capacité, pour ce coucou, à se reproduire. Mais nous reviendrons plus loin sur ce point, a-t-elle indiqué.
Point qui n'est pas de détail, a souligné la Pr Rossignol, la prédilection de Cuculina Macronia pour le piratage (la Pr Rossignol préférant ce terme à celui de squattage, car ce n'est pas le nid simplement qui est ici en cause, mais également la progéniture), le piratage des nids d'espèces en principe peu voisines, ainsi celle du Sarkorbeau Bruni, petit corvidé parent du freux et du choucas, ainsi nommé pour ces migrations estivales dans les pinèdes du Cap-Nègre, dans les Alpes-Maritimes, où il passe la saison chaude à écrire de sentencieux ouvrages et à se nourrir de cigalons ; comme également, peut-être moins fréquemment, celle de Pica Blondasse, autre petit corvidé à mèches blondes et agressif de nos campagnes électorales.
Les environs du Cap Nègre
Cuculina Macronia s'approprie ainsi à son avantage les gentilles nichées du Sarkorbeau Bruni. Sur des diapositives prises au téléobjectif et d'excellente facture, la Pr Rossignol nous a montré ces éclosions au nid et ce qu'elles avaient engendré. Nous avons pu ainsi distinguer quelques mignons oisillons dont l'avenir nous dira si, engendrés et couvés de cette hybride manière, ils seront viables : un petit privatisations d’aéroport au bec acéré rouge sang ; un autre, plutôt malingre et à l'œil torve, nommé retraite à points ; un déjà vigoureux et rapace à la bécquée, allégement du coût du travail; jusqu'à un petit encore chétif surnommé loi-travail. Ces oisillons survivront-ils ?
C'était la question de l'auditoire. La Pr Rossignol y a répondu par une pirouette : « Ils me semblent effectivement mal barrés ! Mais d'autres oisillons pourrait encore venir à éclore ».
Sur ce, la scientifique reprenant le dessus, la Pr Rossignol nous indiquait qu'en ornithologie, comme en zoologie en général, de tels phénomènes n'ont jamais été observés et qu'à l'heure actuelle on s'interroge sur la capacité à survivre de Cuculina Macronia.
Nous en avons la certitude, a ajouté la Pr Rossignol, une espèce au comportement aussi contraire aux lois de la reproduction est obligatoirement condamnée à la disparition, peut-être en 2022, la facilité avec laquelle elle dispose des nichées étrangères la vouant par là à éteindre sa propre reproduction. Dixit Charles Darwin, a-t-elle conclu, citant le célèbre théoricien de l'évolution.
Voulant rester sur une note un peu plus joyeuse, l'éminente scientifique bouclait sa savante communication sur un épilogue à tonalité culturelle, nous indiquant que le chant du coucou est aussi annonciateur du Printemps.
Mais attention, a-t-elle conclu, les coucous sont aussi les symboles de l'infidélité et des enfants d'un autre lit que l'on élève à son insu. Au Moyen Age, chaque année on fêtait le coucou au début du mois de Mai, à la Saint-Gangulphe, un malheureux chevalier rentré de Croisade et découvrant, à ses rondeurs, que sa femme ne l'avait pas attendu. Par extension, le coucou est devenu le symbole de la trahison.
A la Renaissance, en 1537, le compositeur Clément Janequin publiait Le Chant des Oiseaux, dans lequel le coucou était décrit en ces termes :
Arrière, maistre coucou,
Sortez de nos chapitres,
Chacun vous donne au hibou,
Car vous n'estes qu'un traiste.
Coucou, Coucou, Coucou…