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Toujours tenter, derrière les symptômes, d'identifier la maladie ; derrière les faux-semblants, la réalité (Louis Pasteur).

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Billet de blog 29 novembre 2015

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Coalitions.

Merveilleux Larousse ! Il n'a pas fini de nous éclairer.

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(Siège des Editions Larousse - 21, boulevard du Montparnasse - Paris 6°    29 Novembre 2015)

              Jean Casanova

           Merveilleux Larousse ! Il n'a pas fini de nous éclairer. À la page 263 de l'édition Grand Larousse Illustré 2015, vous trouverez de la Coalition la définition suivante.

  Coalition (de l'anglais coalition, lui-même du latin coalescere, s'unir, se lier) :

     (1) Entente circonstancielle pour défendre un intérêt commun ou s'opposer à un même adversaire.

     (2)  Alliance militaire et politique conclue entre plusieurs Etats pour s'opposer à un même adversaire.

   Jusque-là, chers lecteurs, tout est limpide et aucun d'entre vous n'est surpris. Mais poussons plus loin.

   Dans sa version électronique, le très minutieux et précis Pierre Larousse, Dieu ait son âme, il mourut à Paris en 1875, 10 ans après la parution de son Grand Dictionnaire Universel en 15 volumes, le très minutieux lexicographe rajoute une définition supplémentaire, nous mettant ainsi la puce à l'oreille.

     (3)  Entente conclue entre divers partis en vue d'une élection, ou pour constituer une majorité destinée à soutenir un gouvernement où seront représentées les diverses tendances la composant. La composant qui ? Eh bien justement, la coalition.

           Chers amis, nous pourrions en rester là. Le billet serait clos. Car, parmi vous, les plus futés (toujours Larousse : intelligents et malicieux)  ont déjà tout compris à la lecture de ces quelques premières lignes. Mais il y a les autres, tous les autres, je veux parler non des lignes, mais des lecteurs. Il nous faut donc poursuivre.

           Toute la semaine dernière, nous dit la presse, de Lundi à Vendredi, de Londres à Washington, puis à Berlin, Rome et Moscou, après un marathon diplomatique qui se poursuivra probablement les prochains jours, dans les coulisses de la COP 21, le Président François Hollande a multiplié rencontres et entretiens, dont les points d'orgue furent ceux avec Barak Obama et Vladimir Poutine. Objectif : construction de la « grande et unique coalition » contre Daech.

   Le bilan est mitigé pourtant. Et pas en raison d'une insuffisance d'implication ou du peu de sérieux de la proposition. Non, tout simplement par ce que comme nous le signalait l'excellent Pierre Larousse, dans son alinéa (1), une coalition est une entente circonstancielle pour défendre, face à un même adversaire, des intérêts communs.

   Et c'est là que réside toute la difficulté : l'adversaire est certes commun, mais les intérêts ne le sont pas.

          Nous ne développerons pas, chers amis, ce dernier point. Il l'a déjà été abondamment, et dans d'autres colonnes. Les intérêts divergent et tout le monde n'a pas la même vision de l'avenir de cette région du Croissant Fertile, de la forme que devra prendre l'Etat syrien, de l'avenir du peuple kurde, des rôles respectifs dans l'hégémonie régionale de la Turquie, de l'Arabie Saoudite et de l'Iran…

   Et quand de plus, toutes ces choses-là ne sont pas clairement dites et mises sur la table, et que l'on fait semblant de toutes parts de n'avoir qu'un désaccord, celui du sort à réserver à Bachar El Assad, il devient très difficile de s'entendre sur le fond et d'aboutir à la coalition.

   On se contentera au final, et après tout c'est déjà ça, puisque l'objectif affiché est la destruction de Daech, on se contentera d'une coordination. Attention, pas de collisions dans le ciel syrien entre chasseurs-bombardiers de toutes nationalités.

   Restons-en là pour l'instant sur ce difficile sujet de la coalition anti-Daech.

           Une autre coalition apparaît, elle, par contre, tout à fait possible, et il se pourrait bien, comme en amour, avant même les délicieux émois des premiers attouchements, qu'on en soit déjà aux regards plus qu'énamourés, enflammés.

   Merci Pierre Larousse pour votre alinéa (3). Coalition : entente conclue entre divers partis en vue d'une élection ou pour constituer une majorité destinée à soutenir un gouvernement où seront représentées les diverses tendances la composant.

   Il est probable que l'on ne perdra pas de temps, une fois la séquence électorale et ses obligés affichages oppositionnels terminés, une fois éteints les feux de ce que nous aimerions qu'elle n'ait pas été qu'une comédie, la COP 21, on ne perdra pas de temps pour déposer les bans de la future union, celle dont la lune de miel se déroulera au Congrès et s'appellera Révision Constitutionnelle.

   Car nous a indiqué le Président, « il convient d'adapter au monde d'aujourd'hui » les 3 articles de notre Constitution consacrés aux situations exceptionnelles, l'article 16 et les articles 35 et 36.

   Pouvoirs exceptionnels, état d'urgence, état de siège, l'objet de ces 3 articles de la Constitution de 1958 sont jugés aujourd'hui « peu adaptés » à l'exceptionnel de la situation. A leur lecture intégrale, je vous y renvoie sans vous les infliger (tapez Constitution de la Ve République), vous comprendrez que certains aient pu dire, lorsqu'ils furent écrits, qu'ils portaient en germe la dictature, qu'ils constituaient dans leur essence, le coup d'état permanent.

   Eh bien, voyez-vous, ils ne sont pas adaptés au temps d'aujourd'hui ! Les amoindrir ? Les durcir ? Non, vous répondra-t-on, les adapter. Benjamin Franklin, l'un des Pères Fondateurs des Etats-Unis et auteur de sa Constitution déclarait : « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité, ne mérite ni l'une ni l'autre. Et finit par perdre les deux ». Il ne sera pas entendu.

           Si nos gouvernants, à la recherche depuis quelque temps de la martingale politicienne (la combinazzione perfetta, disent les transalpins), celle qui pourrait les installer durablement, certains pensent même pour toujours, sous les ors des Palais, face au repoussoir rêvé du FN, si nos gouvernants ne saisissaient pas l'occasion de la Révision Constitutionnelle pour consacrer les noces de ce que l'on nomme euphémistiquement « la Droite de la Gauche et de la Gauche de la Droite », sous le parrainage attendri des fées du Medef, de la Finance et du CAC 40, ils n'en retrouveront pas de si tôt une aussi belle.

   Les deux soupirants le savent et déjà leurs mains se cherchent. Premiers baisers probables dans les draps satinés de la révision constitutionnelle, au lendemain de la séquence électorale des prochains jours. Simple passe ou début d'une durable mise en ménage ? L'avenir le dira.

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