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Toujours tenter, derrière les symptômes, d'identifier la maladie ; derrière les faux-semblants, la réalité (Louis Pasteur).

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Billet de blog 31 juillet 2014

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Gent moutonnière.

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  (De nos correspondant J. Casanova et S. Baudelaire à Redortiers, au pied de la Montagne de Lure - Manosque - Alpes-de-Haute-Provence).

          Chers lecteurs, invités, Stéphane et moi, de la Chambre d'Agriculture des Alpes-de-Haute Provence, au séminaire consacré aux essais de fertilisation organique des plantations de lavande, il nous restait quelques jours pour explorer ce beau pays à la si vieille coutume de l'estive, séjour en alpage, entre Juin et Septembre, des troupeaux ovins gagnant la verdure et la fraîcheur de l'altitude, au terme de la longue transhumance qui les faisait quitter, quelques jours auparavant, l'aridité des plaines de la Crau et du pays arlésien.
Et quelle meilleure occasion, d'observer ainsi les mœurs de la gent moutonnière si gentiment moquée depuis Rabelais et son Panurge !

          Toujours sage, rassemblée, se déplaçant d'un seul tenant, les quelques égarés de ci de là toujours mordillés au jarret par un incessant et tourbillonnant chien de garde que notre berger relançait sans répit: "Vallso, ici ! Vallso, couché ! Vallso, là-bas !", lui désignant ainsi les quelques réfractaires broutant de ci de là, toujours en retard, à l'heure du regroupement sous sa houlette.

          Et, c'est à ce spectacle, chers lecteurs, que l'esprit toujours occupé de Gaza et de son tragique, que me venait à l'esprit, parallèle pas si hasardeux, l'image de nos concitoyens et de nous-mêmes, certains plus que d'autres, ils se reconnaîtront d'eux-mêmes, vaquant ovinement à nos préoccupations vacancières, celles de l'estive à la plage ou à la campagne, seuls quelques égarés songeant à s'émouvoir, à dire leur colère ou à l'écrire, à manifester, bouleversés par le meurtre de masse qui laissait pourtant insensible la majorité de leurs congénères.

  Pourtant telle n'était pas la coutume, et "ovin" n'avait pas toujours signifié "indifférent". Il y a peu de temps encore, quelle agitation dans le troupeau pour des motifs qui lui paraissaient tellement emblématiques ! 250 fillettes enlevées par Bocko Haram ! Les Pussy Riot en prison pour avoir blasphémé dans une église orthodoxe ! Un oligarque russe déporté en Sibérie par Poutine !

  Pétitions, assemblées, émotionnements, marches blanches et dépôts de fleurs n'avaient pas manqué, indiquant bien qu'une toison laineuse n'était pas une carapace sur un cœur de pierre. Il faut dire qu'à cette occasion, les fortes têtes du troupeau, brebis ou béliers, n'avaient pas manqué : Guy Bedos appelait là à la pétition ! Josiane Balasko rassemblait là-bas pour une marche ! Et toute notre toisonnante troupe de s'agiter, de bêler, de jeter en l'air un l'arrière-train rageur.

          Quid aujourd'hui de cette si sage et inhabituelle apathie ? Seul, avait réagi Cantona, rustique footballeur toujours moqué par la gentry, et que, même Vallso n'était jamais arrivé à tacler. C'est là que François, le berger, me mît dans la confidence : "Nous savons les tenir. C'est notre métier !" Et, disant nous, il  me désignait du bâton Vallso, chien fidèle. "Ce sont des moutons ! Ils ne savent pas affronter l'imposture ! Aujourd'hui, c'est la peur d'être qualifiés d'antisémites qui nous permet de les tenir. Face à l'insulte, ils ne savent pas réagir et démasquer le manipulateur." Et quittant le ton du pâtre pour celui du propagandiste, expert en manipulation des masses : "Même nos moutons juifs n'ont pas bougé, terrorisés à l'idée de passer pour antisémites. Aujourd'hui, c'est avec ça, demain nous les tiendrons avec autre chose." Et, sournois, plissant les yeux, je le devinai penser à d'autres échéances.

         Étrange Mère Nature qui met dans les espèces, bien que domestiques, autant de différences : ovins laineux et apeurés, caprins fantasques et rebelles ! Souvenir des Lettres de mon Moulin et de la Chèvre de M.Seguin, où Blanquette résolue, pour la liberté, à affronter le loup, batailla toute la nuit, et, fin de l'histoire racontée par les Provençaux : "E piéi, lou matin lou loup la mangé".

Inconscients ovins destinés, eux, à être tondus avant d'être mangés. Affront que ne n'aurait pas voulu subir Blanquette !

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