Remaniement ou plutôt dissolution

                                                             ^{Parlement dissous et vide}

           Remaniement ou dissolution ? Voilà la question. Ministériel ou parlementaire ? Évidemment non. C’est du peuple qu’il s’agit. Le peuple ne mérite plus la confiance des autorités. Il faut le remanier ou le dissoudre. Impératif.

   « Décision politique courageuse », ont commenté la quasi-totalité des éditorialistes. La nouvelle annoncée dans la soirée du 8 Septembre, sur le perron de l'Élysée, prendra effet à partir de demain, huit heures. Tel un stratège à la parade, devant son état-major paniqué et sa bleusaille parlementaire déboussolée et sonnée par l’incessante occupation des rues par des millions de manifestants, avant même le Bloquons tout du 10 Septembre, le Président abat sa dernière carte.

          Le peuple est mécontent et s’oppose aux nécessaires réformes. Il sera donc remanié. Mais comment s'y prendre ?

  « Mais comment s'y prendre ? » fredonnait Juliette Greco dans « Un petit oiseau, un petit poisson s'aimaient d'amour tendre... ». Là est toute la question.

          Oui, comment s’y prendre ? À la façon d’une exsanguino-transfusion ? Par déportation massive d'un peuple rechignant à abandonner ses acquis sociaux, opération suivie d'une réimplantation immédiate de sujets plus dociles ?

           Mais lesquels ? Insouciants surfeurs californiens bronzés, leur planche sous le bras ; enrégimentés japonais chantant le matin en entrant à l'usine ; tranquilles bédouins juchés sur leur méhari et dodelinant de chaleur ; ou encore placides nhà-qués arrachés à leurs rizières ? Pas si simple. Par l'entreprise herculéenne jamais tentée de construction d'un « homme nouveau », formule inspirée du stakhanovisme et de la dékoulakisation mise en œuvre, pourtant sans succès, par un ancien dictateur géorgien disparu il y a 60 ans ?

  Par l'occultation artificielle de toute une fraction des récalcitrants, à la façon de Potemkine, joli marquis et ministre de Catherine II de Russie, cachant derrière de hautes palissades, lors des séjours en province de la tsarine, villageois et moujiks couverts de vermine, pour ne laisser visibles que de pimpantes isbas aux balconnets décorés de jardinières fleuries et de souriantes matriochkas joufflues ?

          Quoi qu'il en soit, l'affaire est énorme et ne manque pas de susciter intérêt et réactions, en France et à l'étranger. Au RN, on reste prudent, partagé entre la crainte de se voir dépouiller d'une partie d'un électorat rebelle, et la tranquille certitude qu'il leur sera de toutes façons laissé la marge nécessaire dans cet habile jeu de rôles.

  Plus à gauche, du côté de la NUPES, on ironise, citant le dramaturge Berthold Brecht : « Le gouvernement estime que le peuple a trahi la confiance du régime et devra travailler dur pour regagner la confiance des autorités. Ne serait-il pas plus simple de dissoudre le peuple et d'en élire un autre ? »

          À l'étranger, l'attention redouble. De Biélorussie à la péninsule arabique des Saoud et à l’Iran des ayatollahs, des USA de Donald Trump jusqu'aux sages démocraties scandinaves, tous pays où existent encore le suffrage universel et le droit de manifester, tous les regards sont tournés vers Paris.

  Car si l'opération réussissait, dans ce pays là-même dont l'évocation de l'histoire révolutionnaire des deux derniers siècles reste la hantise de tous les puissants, plus rien ne s'opposerait à sa reproduction généralisée.

  Bien sûr, rien ne se passera ainsi ! Ce fabuleux projet, dissoudre et remanier le peuple, destiné à faire valider à tout prix, un projet de budget 2026 et son coup de rateau de 44 milliards dont personne ne veut, ce fabuleux projet ne pourra aboutir.

          Une autre dissolution ne serait-elle pas nécessaire ?