Mais Monsieur (un élève commence toujours son intervention par Mais Monsieur ...)
Mais Monsieur, j'ai pas compris pourquoi à la télé, ils disent que les kurdes ils se battent en Irak mais qu'ils se font tirer dessus en Turquie ?
La question tombe au début d'un cours de géographie sur l'aménagement du territoire. Première possibilité l'élève en question ne s'intéresse pas au cours et souhaite une digression pour éviter le sujet indigeste du jour ou, la question kurde au Moyen Orient l'intéresse vraiment. Quelques millisecondes où la classe vous regarde, le stylo suspendu en attendant de voir la réaction du"prof".
Et je répond. En m'aidant d'une carte trouvée sur internet (oui j'ai la chance de travailler dans un lycée avec internet en classe, et comble du luxe avec un vidéoprojecteur dans la salle) j'explique la situation extrêmement difficile de cette partie du monde. Après 20 minutes d'explication, s'ensuivent 25 minutes de questions. Les élèves sont atterrés de la complexité de la situation, de l'inaction de la communauté internationale, de la "méchanceté des dirigeants locaux", de la bêtise du fondamentalisme et des ces jeunes européens partis faire le Djihad en orient. Les discussions se poursuivent dans le couloir après la sonnerie.
Un inspecteur me dirait sans doute que ce n'est pas au programme, que je vais être en retard dans ma programmation. Mais qu'importe. N'est-ce pas là le vrai rôle de l'école ? Faire de nos enfants des citoyens avertis. Nul doute que l'aménagement du territoire ne les intéresse pas. Ils oublieront, aussi vite la porte de la salle franchie. Notre devoir n'est-il pas de façonner des êtres curieux de nature ? Il n'y a pas de soif d'apprendre chez les élèves, mais il y a une incroyable curiosité. A quoi nous servent nos imposants programmes sinon pour une partie à endormir notre public. Il me faut des trésors d'imagination et de ressources pour faire passer un programme de géographie indigeste sur l'aménagement du territoire, et seulement une carte pour parler 45 minutes de politique internationale.
A l’heure où nous nous réunissons pour la consultation sur les programmes. Une vraie question se pose : que faire de la tête de nos enfants ?