France Télécom est sans doute à ce jour la firme la plus stressée de France (?) Chez nous, le malaise perdure depuis plus de dix ans ". C'est du moins l'avis de Thierry Blangero, président de la section " fonctionnaires " du syndicat CFE-CGC chez l'opérateur télécom. " Ce n'est guère étonnant quand on sait que le management n'y a jamais été empreint de chaleur humaine ". Mais ce serait aussi et surtout l'avis des deux tiers des salariés du groupe. De fait, 66% des personnes consultées par l'Observatoire du stress et des mobilités forcées estiment être aujourd'hui " en situation de stress ". Pire encore. 15% se considèrent même en " détresse ". Et manifestement, ce ne sont pas les numéros verts avec cellules d'écoute qui inverseront la tendance.
Ce résultat alarmant est le fruit de l'enquête menée en interne par ledit Observatoire créé en juin dernier par SUD-PTT et la CFE-CGC. A l'époque, l'initiative avait été prise par les deux syndicats pour soutenir et accompagner psychologiquement les collaborateurs du groupe priés de " partir " en vertu du fameux plan de restructuration prévoyant 22.000 suppressions de postes sur 3 ans. Soit le cinquième des effectifs.
A la direction du groupe, on s'efforce depuis de minimiser l'ampleur du phénomène. Et le groupe de rappeler dans un communiqué qu'il ne " mésestime pas le fait que cette transformation peut créer des situations individuelles difficiles à vivre pour certains ". Pour se dédouaner, FT rappelle d'ailleurs qu'il a monté en 2000 une " Commission Stress " avec les partenaires syndicaux et qu'il vient d'instaurer dans deux directions territoriales des " Cellules d'écoute et d'accompagnement " regroupant les médecins du travail, des psychologues et des collaborateurs bénévoles. Enfin, dernier angle de riposte, le groupe dirigé par Didier Lombard conteste la fiabilité scientifique de l'Observatoire - critiquant " un formulaire mis en ligne sur internet, accessible à tous "-, et le manque de représentativité par rapport aux quelque 108.000 salariés du groupe.
Dans le détail, cependant, les 3200 salariés ayant répondu à ce sondage en ligne (dont les trois quarts ont plus de 40 ans et plus de 15 ans d'ancienneté dixit SUD et la CFE-CGC) soulignent une " forte dégradation " de leur emploi (30%) et parlent d'une " menace " sur leur propre poste (28%). Du coup, guère étonnant dans ce contexte qu'une personne sur trois redoute d'être acculée à la sortie. Sur les douze derniers mois, près d'une sur deux a de toutes façons envisagé de lâcher l'opérateur télécom (47%), que ce soit contraint et forcé ou bien à titre volontaire. Ce qui est somme toute logique dès lors qu'un collaborateur sur deux ne se sent pas pleinement employé et que 45% de l'échantillon estiment être placardisés !
" Dans le climat ambiant, le concept de stress est aujourd'hui légitimé, observe pour LExpansion.com Dominique Steiler, chercheur à Grenoble Ecole de Management. Ce qui du coup favorise cette libération de la parole. Mais, il faut aussi veiller à ce que l'on n'habille pas des problématiques courantes du vocable de stress. En clair, attention à la confusion entre difficultés au travail et stress véritable ". Ceci étant, pour ce responsable du Centre de développement personnel et managérial au sein de l'ex-SupdeCo Grenoble, " l'ampleur de ces résultats constitue un vrai signal d'alarme. Elle pose la question de la performance permanente : il faut absolument que les directions comprennent que le temps passé dans l'entreprise ne peut pas être toujours un temps de performance. A l'instar d'un sportif, qui se prépare en fonction d'une compétition donnée, un salarié doit avoir des plages de préparation, de récupération pour être encore plus efficace lors des moments cruciaux. Il faut sortir de cette injonction à la performance continue. Reconnaître son état de stress n'est pas la marque de son incompétence ".
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