Dieu reconnaitra les siens entre ésotérisme et charlatanisme
Si tu me lis Dominique . Merci.
À travers la psychiatrie se trouve posée la question de la folie. Ce mot a une connotation historique puisqu’au cours des siècles, il était pratiquement le seul utilisé jusqu’à nos jours où maintenant les « spécialistes » ont créé une nomenclature « savante ». La notion de folie n’est pas seulement historique, elle est aussi philosophique et sociologique. Qu’est ce que la norme ? Et par rapport à quelle société ? Pourquoi certains hommes qui s’autoproclament comme normaux déclarent certains « fous » ou de façon plus technique « schizophrène » ou autre et s’autorisent à décider de les enfermer ?
Le mouvement de l’antipsychiatrie des années soixante et soixante-dix a posé toutes ces questions avec acuité, mais ce courant semble être tombé en désuétude.
La psychiatrie nous concerne tous car dans notre entourage (travail ou autre) nous avons souvent observé des comportements disons « hors normes » ou inhabituels. Notre vieillissement peut aussi un jour nous mettre dans la position de ceux que certains décideront d’enfermer.
Le livre de Michel Foucault « Folie et déraison, histoire de la folie à l’âge classique » a eu un impact considérable sur l’antipsychiatrie. Il raconte l’Histoire de l’enfermement des fous et montre que la folie et la psychiatrie (cette dernière étant assez récente) ne se comprennent que dans une perspective historique et en démontre toute la relativité. La raison se constituant a voulu éliminer la folie.
La psychiatrie, loin d’être une « science » c’est-à-dire un savoir absolu et bien établi, n’est qu’un savoir empirique historicisant, tant sur sa compréhension que sur son traitement.
La folie dans l’antiquité
Les Grecs ont abordé la question de la folie, appelée aussi maladie de l’âme. Dans d’autres sociétés, le questionnement sur la folie a aussi existé comme en Égypte ou à Babylone. Les explications étaient religieuses. Les guérisseurs étaient des prêtres. Les « malades » étaient sous l’emprise des démons.
Pour les Hébreux, la folie était une punition de Dieu. Ce fut en Grèce, avec Hippocrate, que l’on a étudié la « folie » en dehors de toute interprétation magique ou religieuse. Il a-même existé-une -nomenclature sur les différentes sortes de folie (épilepsie, hystérie, mélancolie, …).
L’âme peut souffrir comme le corps.
Hippocrate écrivait déjà : « Je regarde ceux qui ont consacré l’épilepsie à la divinité, comme des gens de la même espèce que les prétendus sorciers, les enchanteurs, les charlatans, les bigots, qui veulent faire accroire qu ‘ils commercent avec les dieux, et qu ‘ils en savent plus que le reste des humains. Ils ont couvert leur insuffisance du manteau de la divinité. »
« Le cerveau est à l’origine de cette affection comme de toutes les autres grandes maladies », «C’est encore par là que nous sommes fous, que nous délirons ».
En tout cas, il a existé une thérapie pour les fous de la part des Grecs et des Latins.
La folie au moyen-âge et à la renaissance
Au moyen-âge, on retourne à une interprétation religieuse sous l’influence du christianisme. On fait appel à la superstition et à la démonologie. La pratique de l’exorcisme est courante. La folie est faute ou péché. Mais on n’enferme pas au moyen-âge. Seulement les dangereux sont enchaînés.
Des penseurs chrétiens comme Saint Augustin ou Saint Thomas donneront une explication plus rationnelle à la folie. Mais dans l’ensemble, la médecine est dominée par la théologie.
Le moyen-âge dans les trois derniers siècles sera moins tolérant qu’au début. Le fou est assimilé au péché, à la sorcellerie, au démon. La folie est une manifestation du diable.
Histoire de la folie de Michel Foucault
Ce livre a eu un impact considérable sur l’antipsychiatrie des années soixante et soixante-dix. Les critiques de psychiatres anti-antipsychiatrie furent aussi très fortes contre cet ouvrage.
L’histoire de la folie est celle de son enfermement. Foucault donne la date de 1657 où Louis XIV décide d’enfermer les « fous » ou plutôt les pauvres, marginaux et déviants de toutes sortes … Au nom de la Raison, le pouvoir avait décidé d’enfermer la folie ou la déraison.
L’Hôpital Général (lieu d’enfermement) est pour Foucault une instance de l’ordre monarchique et bourgeois. Le terme « fou » pour ceux qu’on enfermait était très vague : « débauché », « imbécile », « infirme », « esprit dérangé », « libertin ».
« L’étonnement qu’on ait enfermé des malades, qu’on ait confondu des fous et des criminels naitra plus tard. Nous sommes pour l’instant en présence d’un fait uniforme » (Michel Foucault).
L’homosexualité était de l’ordre de la folie selon l’auteur.
L’antipsychiatrie
Ce courant a été très critiqué par les psychiatres « officiels ». Il semble actuellement très faible, même s’il a posé des questions essentielles sur la différence arbitraire normal/anormal ou l’aspect sociologique de la maladie mentale, puisque certains diront que parfois il vaudrait mieux enfermer la famille du malade que le malade.
On remet en question l’idée de la folie. Elle ne serait que ce qui dérange la société normalisée ou unidimensionnelle pour reprendre un terme de Marcuse.
Crozier, sociologue certes étiqueté à droite a écrit : «La logique de gauche qui dominait cette période était une logique folle, c’est-à-dire sans limites, ni contraintes … »
Inversement, Szasz, un antipsychiatre américain d’origine hongroise a eu ce commentaire qu’on est passé de l’âge de la Foi à l’âge de la Raison qui veut imposer son ordre moral et politique : « Si le fascisme et le communisme n ont pas réussi à imposer une idéologie collectiviste à la société américaine, il se pourrait bien que la morale de la santé mentale y parvienne ».
La psychiatrie ne serait qu’une prétention scientiste, « un désir forcené des psychiatres de faire savoir à tous qu’ils ne sont pas moins scientifiques que les autres médecins et que le contrôle de la folie, grâce à eux, est enfin possible… ».
La psychiatrie aujourd’hui
On soigne beaucoup par des médicaments psychotropes depuis les années quatre-vingt. Cela peut sembler bizarre de soigner ainsi les maladies mentales : « un cachet, matin, midi et soir avant les repas ». Les « maladies » mentales peuvent parfois être liées à des mal-être existentiels.
Certains psychiatres sont opposés à l’utilisation des médicaments. En France, il y a 12 000 praticiens pour la psychiatrie. En Italie, tous les hôpitaux ont été fermés. Le courant antipsychiatrique y a été le plus fort.
Depuis l’antiquité, la classification des maladies a prodigieusement évolué (DSM ou CIM). Parfois on en dénombre des centaines. Paul Guiraud écrivait : « La nosographie est presque aussi inconsistante que la mode… une fois on décrit des centaines de maladies, quelques années après il n’y en a plus qu une qui s’appelle dégénérescence ou schizophrénie». On peut observer que le traitement psychiatrique dépend totalement du pays où se trouve le « malade ». On constate ainsi que les Français sont de gros consommateurs de médicaments psychotropes.
Conclusion
La raison s’est construite en Occident par la destruction de son double : la folie.
Mais elle subsiste encore à l’intérieur de la raison quand par exemple Erasme en fait l’éloge.
Si comme le soutient Foucault, raison et folie sont devenues inconciliables, il a fallu que l’un détruise l’autre au cours de l’Histoire. À travers l’enfermement institutionnel des fous, la raison a enfermé la folie.
De nos jours, interne-t-on celui qui est fou ou définit-on comme fou celui qui est interné ?
En psychiatrie, un acteur essentiel est le psychiatre à qui la société croyant en son savoir donne le pouvoir de soigner, juger et enfermer. Qui est-il ? En est-il venu à s’intéresser à ce domaine car était-il lui-même fragile sur ce point ? (les « normaux » ne s’intéressent guère à ce sujet).
Michel Foucault, homosexuel masochiste, avait des pratiques sexuelles bizarres ou sans vouloir être normatif des pratiques qui n’étaient pas celles de tout un chacun.
Les psychiatres allemands ou américains ont en général une formation philosophique, ce qui n’est guère le cas en France, où l’approche est plus pharmaceutique. Les questions posées par l’antipsychiatrie referont-elles surface un jour ? Quant au traitement psychiatrique, dépendant de la géographie, il reste toujours marqué de l’empreinte de l’empirisme.
Patrice Gros-Suaudeau