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Billet de blog 31 mai 2017

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La route d'Alain Willaume

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Résumé du projet Azimut: 

Par étape, et en se passant le relais tous les neuf jours, les photographes de Tendance Floue et leurs invités marchent à travers le territoire français pendant 6 mois

Quelques extraits du parcours d'Alain Willaume :

Illustration 1
Alain Willaume

Notre marche photographique continue! Pascal Aimar vient de passer le relais à Alain Willaume.

Illustration 2

" Soleil ce matin paisible au camping des Tarteaux au bord de la Sioule. Ménage et séchage de la tente. Douche chaude. Le bonheur. Johnny, l'élu qui veille bénévolement sur les lieux et Thierry, régisseur saisonnier, sont aux petits soins pour moi : l'un offre les croissants, l'autre, un café à réveiller un mort. Johnny est fan absolu de ... Johnny depuis que sa tante, placière au cinéma de Paris à Clermont, lui a offert une place à un concert de l'idole des jeunes. Il avait 5 ans, en a aujourd'hui 60. Johnny Hallyday écumait alors les petites salles de cinéma et se roulait par terre avec son groupe. Notre Johnny du jour continue à le suivre depuis lors et collectionne tout ce qu'il peut trouver du Johnny éternel : ses peignes, des bouteilles où l'idole à bu, un T-shirt, les billets de concert, bref, tout ce qui peut faire grandir son musée personnel. Sa femme veille si bien dessus qu'elle refusera que je vienne le photographier en ce dimanche d'élection. Pour son dernier concert à Clermont, il était dès 5h du mat devant la salle, en grand apparat.
Pour tromper ma déception de n'avoir pu voir ses totems, je pousse la porte du café de son village, immédiatement entouré d'une meute de joyeux pochetrons qui se retrouvent à l'occasion de ce grand jour citoyen. L'ambiance est torride et... ambiguë. Beaucoup de blagues sont très limites. Momo, le patron "typé" que tout le monde adore, s'entend prédire la fermeture de son café-resto pour demain matin en même temps que son départ précipité en bateau. Tout le monde hurle et les tournées valsent. On finit tous autour d'une très longue table avec steaks frites ou boeuf bourguignon. Toutes et tous ont des bulletins de vote inutilisés dans les poches et jouent à la devinette...au milieu de ce tumulte, une petite fille s'installe. Ce matin, Thierry, le doux régisseur des Tarteaux, m'a parlé du monastère tibétain de Dangpo Kundeul Ling, près de Biollet ; ce sera ma prochaine destination. " Alain Willaume

Illustration 3

"Je passerai charitablement vite sur l'accueil et l'ambiance guindés du café resto se revendiquant citoyen, bio et alter de St Gervais. J'y ressens comme une lassitude d'idées généreuses échouées sur les hauts fonds des réalités rurales. Une hâte : repartir et appeler le numéro du monastère que Karine, la patronne du lieu, m'a quand même gentiment donné, sans toutefois me laisser guère d'illusions.
Qu'importe, le soleil dehors galvanise mon optimisme. Je repars d'un pas léger digne d'un Drokpas (non, là, je frime!). Après avoir parlé un peu plus tard au téléphone à mon interlocutrice du monastère , j'entends sans vraiment comprendre, qu'ils n'acceptent aucun hôte de passage. Malgré cela, je continue à croire à mon karma et avale les kilomètres. Il est 20h, un vent froid balaie le haut plateau où se dressent les structures dorées, blanches et bordeaux du temple. Un homme fermé, froid, tête rasée, me tend une enveloppe avec 3 noms et téléphones : des gens alentours qui acceptent de donner l'hospitalité refusée ici.
Pas l'ombre d'un début de conversation humaine avec ces champions français de la Compassion.
Je me pose sur un banc en face du jardin du temple : je suis sonné par l'inexistence même d'un sourire !
Je prends finalement mon téléphone et choisis un numero au hasard.
...
Cathie, 30 minutes de marche plus loin, est merveilleusement accueillante et me propose une roulotte au fond de son jardin permacultivé par elle. Je me retrouve dans le petit ermitage dont je n'aurais même jamais osé rêver et je sors la vieille photo qui ne quitte jamais mon sac pour lui montrer que le lien tient toujours, contre vents, marées et impermanence, fussent ils générés par mon propre pays." Alain Willaume

Illustration 4

"Avant de quitter Jouhet, je vais saluer Bernard. Spécialiste de l'art sacré tibétain, il a lui même participé  il y a une trentaine d'année, à la naissance de l'immense monastère. Il a été construit grâce aux fonds d'un héritier de l'avioneur allemand Dornier qui a ainsi voulu remettre l'argent sale gagné durant la dernire guerre dans d'autres mains.
Bernard a notamment dirigé la réalisation du grand mandala du plafond du temple. Nous buvons un thé dans sa maisonnette de bois où il met la dernière main au petit bas-relief en argile grise représentant son rimpoché. Derrière sa ferveur intacte, il laisse entrevoir, à 51 ans, une profonde déception quant au devenir du monastère devenu refermé sur lui-même. "C'est une mauvaise passe."
La pleine lune d'hier soir marque un changement de temps : des nuées de pluie approchent, temps pour moi de quitter le pré de Cathie, ses hôtes et ses voisins.
Parti sous la pluie de Jouhet ‪vers 10h‬, j'arrive aux Gates sous la pluie ‪vers 16h‬. Je prends l'eau de toutes parts et la vue du campement de roulottes où Fany m'attend me réchauffe très vite. C'est Cathie qui m'a dirigé vers elle. La générosité et le sens de l'organisation frappent d'emblée chez Fany. On sent une belle maîtrise des choses et un appétit des autres.  Il y a aussi là Tom, 33 ans, régisseur constructeur qui me fait visiter sa belle roulotte de zinc posée en avant-poste devant le panorama, dans le vent et la lumière du soleil revenue pour clore en beaute ce jour mouillé.
Toute une petite communauté d'amis originaires de Lorraine s'est regroupée sur ces 3 ha de pâture auvergnate. Quelques chèvres, un âne, poules et canards, petits potager et verger, et quelques contrats avec cirques et théâtres ; une douce utopie exigeante et lucide règne ici depuis 4 ans. Avant le dîner, avec Bastian et Jules, nous jouons au Petit Bac et personne ne fera le compte des points pour savoir qui a gagné.
Demain, toutes mes affaires auront séché et il ne me restera que quelques heures de marche pour retrouver Patrick, que Pascal aura amené jusqu'à St Maurice-près-Pionsat, notre point de ralliement." Alain Willaume

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