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Billet de blog 18 avril 2022

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Macron ou l’abstention : le bénéfice du doute.

À l’annonce même des résultats du premier tour, l'essentiel de la gauche réformiste s’est empressée d’appeler à voter Macron, ranimant un instant les restes fumeux du barrage républicain. Qu'en penser ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

D’aucun.e.s pointèrent l’inconsistance d’un Jadot, d’un Roussel ou d’une Hidalgo ayant refusé de faire barrage au premier tour (ce qui pourtant, put s’envisager à la faveur d’un ralliement, ou a minima d’un pacte de non-agression, envers Mélenchon). S’il avait eu lieu, ce barrage aurait fait advenir un second tour autrement désirable et nous aurait évité d’insupportables cas de conscience.

Mais voilà, nous y sommes. Nous voilà pris au piège d’un système électoral abscons, d’une farce démocratique. Malgré tous les efforts du gouvernement et d’une partie des médias qui ont voulu nous imposer ce second tour, si l’on prend en compte l’abstention, nous pouvons supposer que la grande majorité des personnes inscrites sur les listes électorales se trouve obligée de choisir entre deux options qu’elle rejette.

Et désormais, quelle marche suivre pour les consciences progressistes, en vue du second tour ?

Toutes celles et ceux qui vous diront qu’il n’y a pas d’option, que la réponse est évidente, sont déconnecté.e.s des mobiles profonds qui animent le vote de la plupart des gens. Dans un choix où se mêlent calculs rationnels et affects et où remontent à la surface, d’une part l’horreur et le dégoût face à la possibilité du fascisme et d’autre part la très douloureuse expérience du pouvoir macronien, sans même parler du refus de donner crédit à une Veme République à l’agonie, le fait de douter est absolument normal et légitime. Il est primordial de le rappeler.

En ce sens, que celles et ceux qui s’empressent de faire pression sur les électrices et électeurs mélenchonistes, s’activent plutôt à faire pression sur celles et ceux qui votent pour Le Pen. C’est ici que doit en priorité être menée la bataille d’entre deux tours. Chaque voit arrachée à Le Pen vaut bien plus, pour le présent et pour l’avenir, qu’une voix attirée à Macron. Lorsque l’ennemi nous impose un siège, l’urgence est à la riposte et non pas aux circonvolutions pour attirer d’hypothétiques et lointains alliés de circonstance. Ne soyons pas pessimistes quant à cette bataille, elle est fondamentale. Il est insupportable et contreproductif d’assister à cette grande diversion, détournant la pression d’un pan de l’électorat vers un autre.

En la circonstance, l’acte de chaque abstentionniste qui parvient à convaincre un lepeniste de faire de même, me paraît infiniment plus utile que l’acte individuel de voter Macron.

Soyons lucides face au péril fasciste. Tout porte à croire que rien ne serait pire que l’avènement au pouvoir de Le Pen. La libération des imaginaires fascistes, l’oppression des minorités (en particulier racisées), le recul des droits fondamentaux et l’étouffement de toute contestation grâce au support d’une armée, d’une police et d’une propagande largement à la botte du pouvoir, dessinent un terrible portrait de l’état à venir de la société française. À cet effet, il est sain de craindre le pire.

Mais autrement, soyons lucides quant au péril macroniste dont la violence sociale n’a d’égal qu’une inconséquence criminelle en termes d’écologie. Un péril qui doit être également considéré à l’aune des potentialités fascistes exacerbées qu’un nouveau quinquennat de même nature risque de nous réserver. Quelles résistances pourront nous mettre en place lorsque nos dernières solidarités institutionnelles seront méthodiquement démantelées par la fureur néolibérale ?

Alors, camarades progressistes, en conscience, quel choix tactique nous reste-t-il ?

Macron doit être réélu, c'est évident. Mais, afin d’enrouer le rouleau compresseur de sa politique, il doit être mal élu. Qu’il gagne de peu, afin que nous préservions le peu d’état de droit qu’il nous reste mais qu’il soit affaibli, aux abois, afin qu’il n’ait d’autres choix que de composer avec le rapport de force progressiste que nous espérons instaurer, notamment à l'occasion des législatives.

L’entre deux tours de cette présidentielle nous réservait un piège. Celui de l’empressement.

Alors que la gauche se positionnait en faiseur de rois, une partie d’entre elle soutenait Macron sans aucune contrepartie ! La politique est une composition de rapport de force. Combien de concessions Macron aurait-il formulé si le camp progressiste avait plus encore réservé son avis (Macron ou l’abstention ?). Nul ne le sait car (par naïveté ?) trop se sont précipités.

Alors, me concernant, jusqu’au dernier instant, j’attendrai. Plus Macron sera mauvais et faible, plus je serai tenté de voter pour lui afin d’éviter Le Pen et de profiter de sa médiocre élection. Faisons-le mariner encore un peu, et obtenons, peut-être quelques concessions qu’en tacticien politique, il nous réserve à coup sûr.

Dimanche, peut-être irai-je voter Macron mais en attendant, comptez-moi parmi les abstentionnistes.

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